BOUCHOUX Paulette, Marie, Lucienne, épouse CAPLIEZ

Par Marc Giovaninetti

Née le 6 juin 1922 à Paris (XVIIIe arr.), morte le 20 avril 2019 à Paris (XIIe arr.) ; résistante ; militante communiste ; membre du conseil national de l’UJRF et de l’UJFF ; membre de la FNDIRP, responsable de l’Amicale des internés de Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Morvandiaux d’origine, les parents de Paulette Bouchoux s’installèrent à Paris lorsque son père devint cheminot. Sa mère faisait des ménages. Ils n’étaient pas du tout communistes. Le père avait combattu aux Dardanelles pendant la Première Guerre mondiale, il y avait contracté des fièvres et était rentré moralement atteint. Après son certificat d’études, Paulette commença à travailler à quatorze ans comme couturière chez un patron dans le quartier de la Madeleine. Elle avait une sœur ainée, Georgette. Un cousin parisien, plus ou moins anarchiste, avait adhéré aux JC, et il encouragea les deux sœurs à rejoindre la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail), où elles pratiquèrent la gymnastique dans l’ambiance du Front populaire. Paulette assista à un congrès en 1937 ou 1938. Les deux sœurs connurent ainsi des jeunes filles de France communistes, fréquentaient sagement quelques bals, et s’engagèrent résolument en faveur des Républicains espagnols, en participant à des collectes boulevard de Rochechouart.

La guerre déclarée, le père cheminot fut envoyé à Bordeaux peu avant la débâcle, avec sa famille et celles de nombreux autres réquisitionnés ramassés au cours d’un long périple autour de Paris par le chemin de fer de Petite Ceinture. Après l’armistice, la famille Bouchoux resta un temps dans le Morvan, chez les grands-parents, modestes paysans d’un village proche de Château-Chinon, puis elle rentra à Paris.

Là, les deux filles Bouchoux furent contactées par une amie de la CGT, fille d’un cafetier de gauche où elles se rencontraient, et se mirent à diffuser des tracts et coller des affichettes avec les mots d’ordre communistes. Cela dura quelques mois, jusqu’à leur arrestation sur dénonciation le 28 décembre 1940. Leur père leur fit une visite, il semblait très atteint par l’événement, et Paulette ne devait plus le revoir, car il se suicida à la Libération avant qu’elle ne puisse le visiter. Elle perdit aussi tout contact avec ses neuf oncles et tantes, sauf avec un cousin devenu séminariste qui les accueillit à leur sortie de prison.

Enfermées à la Roquette, les deux sœurs passèrent en correctionnelle, Georgette écopa de trois mois, et Paulette, qui semblait plus déterminée, de six. La prison fut pour elles une rude épreuve. Elles étaient mêlées à toutes sortes de femmes, et il n’y avait qu’une poignée d’autres communistes. À la fin de sa peine, Paulette fut conduite à la Préfecture, au mépris de sa mère et des amies qui l’attendaient à la sortie, et renvoyée aussitôt à la Roquette comme internée administrative, une des toutes premières. En septembre, elle fut transférée au camp de Châteaubriant, dans la première fournée de détenues. Elles y furent bientôt quarante-huit femmes communistes (les effectifs de militantes arrêtées augmentaient régulièrement), sur un effectif total de cinq cents environ, dont beaucoup ne devaient plus être séparées pendant tout le temps de la guerre. Elle se lia notamment avec Odette Nilès – elle vécut l’ébauche de son idylle avec Guy Môquet, qu’elle vit partir avec ses camarades le jour de leur exécution –, Jeanine Bernardon, qui fut une agent de liaison de Gabriel Péri, Hélène Mabille, qui fut déportée et devint ensuite une responsable de la CGT, Marie Bréchet, dont le mari André fut décapité le 28 août 1941, Andrée Vermeersch, la sœur de Jeannette, Yvette Semard, la fille de Pierre, Margot Fabre… Jusqu’à sa libération, le 28 août 1944, elle connut cinq camps, outre celui de Châteaubriant qui devait rester le plus célèbre à cause de son groupe de fusillés illustres, ceux d’Aincourt, de Gaillon, de la Lande, de Poitiers, quarante-quatre mois en tout, dans l’incertitude de leur sort, pensant plus d’une fois être sur le point d’être fusillées, ou déportées. Elle tenta une évasion nocturne avec Jeannine Bernardon, mais repérées à la sortie de leur baraque, elles essuyèrent un coup de feu et ne purent que sauter en arrière par la fenêtre au plus vite.

La Libération devait marquer les véritables débuts dans le militantisme communiste de Paulette Bouchoux. Un camarade vendéen, Maurice Piconnier, qui les avait connues à Châteaubriant, vint la chercher à Poitiers et lui proposa de venir à La Roche-sur-Yon. Elle y fit son apprentissage, comme propagandiste des JC, aux côtés d’Odette Roux, son aînée de six ans, une « oratrice formidable » qui devint maire des Sables-d’Olonne. À la fin du mois d’octobre, elle fut envoyée suivre l’école du Parti pendant deux mois à Rennes avec une quinzaine d’autres militants, puis on la renvoya à Paris, où elle rejoignit les Jeunes Filles de France en voie de reconstitution.

La maison de la famille, rue des Amiraux, avait été détruite par des bombardements, les parents s’étaient retirés dans le Morvan, et Paulette alla d’abord loger chez sa sœur, restée sympathisante, qui s’était installée comme modiste, mariée avec le cousin anarchiste, après avoir pris le maquis pendant l’Occupation dans la région de Nevers. Quand Gaston Auguet, au mois de février 1945, lui recommanda d’aller rendre visite à ses parents, il était trop tard pour qu’elle revît son père.

Pendant trois ans, elle milita sans faillir. Au moment de la fondation de l’UJRF, qui regroupait toutes les organisations de jeunesse d’obédience communiste en avril 1945, elle était en tournée dans le Midi, le Lot-et-Garonne, Pau, Nice… Elle a laissé d’intéressants rapports, notamment sur les difficultés à convaincre les jeunes communistes du Pas-de-Calais à se convertir en jeunes républicains et à se restructurer dans la nouvelle organisation. Elle ne se réinstalla pour de bon à Paris qu’au mois de septembre, affectée au comité parisien de l’UJRF, où elle était la seule fille au milieu d’une équipe dont elle garde un excellent souvenir, Guy Ducoloné, Jean Mérot, Paul Laurent, Louis Baillot, Julien Lauprêtre, Jean Faucher, Henri Krasucki, René Roucaute et quelques autres. Parallèlement, elle participait activement à la reconstitution des Jeunes filles de France, derrière Josette Cothias qu’elle considère toujours comme une personnalité exceptionnelle. Ginette Cros, une jeune femme de caractère, et Colette Jobard, plus secrète, la secondaient avec encore Élise Lasserre, Andrée Porquet, Yvette Renac, Odile Arrighi… Quand Madeleine Vincent rentra de déportation, elle prit la tête de l’équipe féminine avec davantage d’autorité et de « raideur ». Mais c’est surtout de Jeannette Vermeersch que Paulette Bouchoux présente l’image d’une femme rigide et impérieuse, au point que des militantes comme elle, plus portées vers le travail de masse que vers le dogmatisme politique, restaient assez réservées. Elle se reconnaît d’autre part comme la plus jeune et inexpérimentée de cette équipe dirigeante des jeunes filles communistes. Pour autant, elle ne désapprouva ni le lancement de l’UJRF en remplacement des JC, ni l’organisation à part des jeunes filles, dans le prolongement de la situation d’avant-guerre.

En avril 1947, Paulette Bouchoux épousa Robert Capliez, un militant communiste de la RATP du XIIe arrondissement, responsable au Comité d’entreprise. Né en 1917, il avait fait sept ans d’armée, dont cinq ans comme prisonnier en Allemagne. Le couple, installé dans le XVIIIe auquel Paulette resta attachée pendant cinquante ans, eut deux filles, nées en 1948 et 1952. En 2011, la vieille dame est la grand-mère et arrière-grand-mère d’une lignée de vingt-quatre personnes.

1948 fut pour Paulette Capliez une année de basculement. Les problèmes de santé, peut-être consécutifs à ses années en camps, la rattrapèrent, et elle subit une interminable série d’interventions chirurgicales qui la détournèrent du militantisme, en plus de ses maternités. Elle avait alors maigri de 25 kg. Elle déclina ensuite une proposition que lui présenta Liliane Lévy de se présenter sur une liste pour la députation dans le XXe arr., où la famille était alors installée, puis elle reprit une activité militante locale dans une cellule du XVIIIe à dominante intellectuelle. Victime dans les années 1970 d’une expulsion immobilière, le ménage trouva à se réinstaller dans une HLM du XIIIe arrondissement, mais là, ce fut l’état son mari, atteint de la maladie d’Alzheimer, qui empêcha Paulette Capliez de s’investir politiquement. Elle était en outre sensible à certains « dysfonctionnements » du PCF, notamment à partir de l’intervention soviétique en Hongrie et des velléités de déstalinisation, et des atermoiements consécutifs à la répression du Printemps de Prague.

Ce n’est qu’après le décès de son mari, en 1984, qu’elle put à nouveau donner de son temps. Depuis, elle se consacre presque exclusivement aux associations d’anciens internés et déportés, et notamment l’Amicale de Châteaubriant dont elle gère l’abondante documentation sous la présidence d’Odette Nilès et le secrétariat d’Hubert Doucet. Discrète et efficace, elle a participé au congrès de mars 2011 à l’Hôtel de Ville de Paris, où la CGT, par la voix de Bernard Thibault, s’est montrée disposée à renforcer ou remplacer les militants vieillissants ou disparus. Paulette Bouchoux-Capliez fut décorée de la Légion d’Honneur en 2002.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138038, notice BOUCHOUX Paulette, Marie, Lucienne, épouse CAPLIEZ par Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 1er septembre 2011, dernière modification le 15 août 2023.

Par Marc Giovaninetti

SOURCES : Arch. du PCF, 283 J 4. — L’Avant-Garde, n° 106, 4 septembre 1946. — Filles de France, 1945-1947. — Album de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, 22 octobre 1941, « Soyez dignes de nous », Éditions Cultures et Diffusion, Clergoux (19), 2008. — Bulletin de l’Amicale, 1er trimestre 2011. — Entretien avec l’intéressée, juin 2011. — Site Match ID, Acte n°662, Source INSEE : fichier 2019, ligne n°212274. — Notes de Renaud Poulain-Argiolas.

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