LANA Pierre

Par Claude Cuenot

Né le 4 octobre 1897 à Fomarco (Italie), mort le 3 septembre 1942 à Auschwitz ; menuisier en Italie puis à Audincourt (Doubs) ; syndicaliste CGT ; communiste ; membre du comité de la Fédération PCF du Doubs en 1938-1939 ; résistant, mort en déportation.

Pierre Lana était le fils d’un mineur socialiste de la région de Novare, qui avait séjourné aux États-Unis. Menuisier, il immigra pour des raisons économiques à Lyon en 1913 et travailla dans une usine fabriquant des éléments en bois pour l’aviation. Insoumis en 1915, il fut livré par les Français à l’armée de son pays, épisode qu’il tut dans son autobiographie rédigée pour le PCF en 1938. Il fut démobilisé courant 1919. Pierre Lana fut membre du Parti socialiste italien et, après la scission de Livourne, il se rallia à la tendance unitaire de Serrati. Il fut conseiller municipal de 1920 à 1922.

Pierre Lana quitta une nouvelle fois l’Italie pour la France en décembre 1923 et s’installa à Audincourt où il travailla comme menuisier. Novateur dans son métier, il encouragea son patron à acheter des machines à bois. Il épousa Aline Viotti, la fille de son employeur, en 1926, et le couple eut deux enfants. Il fut naturalisé français en 1937.

À Audincourt, Pierre Lana côtoya Primo Dellacava, responsable de la MOI dans la région. Il lisait l’Humanité depuis 1928 et commença à sympathiser avec le Parti communiste à partir de 1932. Il y adhéra en janvier 1935 et se consacra à la propagande antifasciste au sein de l’immigration italienne, particulièrement nombreuse dans la ville parmi les travailleurs de la Compagnie des Forges et dans le bâtiment. Il milita avec Gualdi, Caverzazio, Pioli, Paganelli...

En 1936, Pierre Lana participa à la direction des grèves du bâtiment et à la formation du syndicat de la région d’Audincourt, en liaison avec Gaston Genin*, secrétaire de l’Union locale. Parallèlement, il mit en place une cellule communiste des ouvriers du bâtiment et devint secrétaire de la section d’Audincourt à partir de janvier 1938. Le parti s’était très nettement développé dans cette ville et Pierre Lana entra au comité de la fédération départementale du Doubs, composé très majoritairement de militants du Pays de Montbéliard. Il écrivait dans l’hebdomadaire Le Peuple comtois sous le pseudonyme de Polyte. Il fut aussi secrétaire d’une association d’anciens combattants italiens en 1937 et d’une société de secours mutuel. Parallèlement, son épouse, d’abord sans profession, géra le « café des arts », à Audincourt à partir du printemps 1938. Ce café était le lieu de rencontre et d’hébergement à la fois des immigrés italiens et des communistes, dont des militants en route pour l’Espagne comme le Hongrois Springer ou Richard Perlinski.

En raison des conséquences de ces activités militantes sur l’atelier de son beau-père, Pierre Lana créa avec Paquet, un autre militant communiste, une nouvelle entreprise de menuiserie.

Qualifié « d’organisation communiste », le syndicat du bâtiment d’Audincourt fut dissout en septembre 1939, et le logement de Pierre Lana perquisitionné peu après. Il participa à la reconstruction du Parti communiste clandestin avec Gaston Genin*, en liaison avec Marcel Loffel*. Pierre Lana avait conservé sa machine à écrire et un duplicateur qui servirent pour les premiers tracts clandestins, avant d’être saisis chez lui par les Allemands en février 1941. Le 22 juin 1941, Pierre Lana, Auguste Buda, ce dernier secrétaire régional de l’UPI, et trois militants de Pont-de-Roide furent les premiers communistes du Pays de Montbéliard à être arrêtés par les Allemands.

Interné au camp de Compiègne, Pierre Lana fut déporté à destination d’Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942, dit des « 45 000 », composé essentiellement des otages victimes de la répression anticommuniste. Matricule 45723, il mourut le 3 septembre 1942. Sur 1175 déportés au départ de ce convoi, il ne restait, en mai 1945, que 119 survivants en mesure de rentrer en France.

Aline Lana fut internée à Ecrouves de septembre 1942 au 1er septembre 1944. Employée de la Sécurité sociale après la guerre, elle fut trésorière de la section du Parti communiste et conseillère municipale à Audincourt, membre du comité fédéral en 1945-1946. Leur fils Serge Lana, fut arrêté à l’âge de 14 ans en avril 1942 et emprisonné jusqu’à la Libération. Serge devint architecte et Hubert employé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138205, notice LANA Pierre par Claude Cuenot, version mise en ligne le 8 septembre 2011, dernière modification le 8 septembre 2011.

Par Claude Cuenot

SOURCES : RGASPI, 495-270-3442, autobiographie de Pierre Lana classée A de 1938. — Arch. Dep. du Doubs, 15 W 17, commissariat spécial de Montbéliard 1941-1942, 118 J 8, autobiographie d’Aline Lana, 1945. — Témoignage d’Hubert Lana. — Claude Cuenot, Ouvriers et mouvement ouvrier dans le Doubs de la fin de la Première Guerre mondiale au début des années 1950, thèse histoire, Dijon, 2000. — J.-P. Marandin, Résistances 1940-1944. Vol. 1 A la frontière franco-suisse, des hommes et des femmes en résistance, Cêtre Besançon, 2005. — Claudine Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz. Le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », Graphein, 2000, 403 p.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable