MANCHON Fernand, Christophe [Dictionnaire Algérie]

Par Louis Botella

Né le 25 décembre 1912 à Mascara (Algérie), mort le 24 avril 2008 à Avignon (Vaucluse) ; fonctionnaire ; syndicaliste CGT puis Force ouvrière (FO), enfin autonome au ministère des Finances et du Constantinois (Algérie) ; secrétaire général de l’Union départementale FO de Constantine (1949-1960) ; militant du PCA puis de la SFIO.

Fernand Manchon, né en Oranie, fonctionnaire aux services des Domaines (Enregistrement) à Constantine, milita au PCA (Parti communiste algérien) et à la CGT jusqu’en 1947. Selon une note des Renseignements généraux, il fut exclu de ces deux organisations.

Il rejoignit FO probablement courant 1948 et il fut élu secrétaire général de l’Union départementale FO de Constantine dont le congrès constitutif eut lieu le 4 juillet 1949 à Constantine. Il succéda au cheminot Robert Pilloni, en fonction depuis février de la même année.

Même si de nombreux syndicats et unions locales virent le jour dès le début de 1948, la création effective de cette UD n’eut lieu qu’au début de 1949.

Favorable à des contacts directs entre FO et le PPA-MTLD (Parti populaire algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), Fernand Manchon soumit sa proposition aux deux autres UD FO d’Algérie. Celles d’Alger et d’Oran refusèrent d’y donner une suite favorable. Des secousses internes se firent ressentir au sein de l’UD d’Oran (voir Fouillon).

En mai 1954, le comité confédéral national de FO, le parlement entre deux congrès, eut à arbitrer un conflit interne assez important. Fernand Manchon fut maintenu à son poste.

Lors du congrès confédéral de novembre 1954, Fernand Manchon fit état d’un désaccord profond existant entre son UD et celles d’Alger et d’Oran en ce qui concerne la situation en Algérie et son devenir. Il constata d’abord à la tribune le non-fonctionnement du comité de coordination pourtant mis en place par les trois UD d’Algérie en mai de la même année. Puis, il déclara que les trois UD ont des conceptions différentes, l’une, celle de Constantine veut « construire l’Union française en reconnaissant les légitimes aspirations des peuples de cette Union française » et celles des UD d’Alger et d’Oran « qui sont pour un paternalisme colonial d’où les troubles, les heurts et l’explosion comme celle que nous connaissons en Algérie ». Il poursuivit « J’appartiens au département de Constantine où se déroulent ou se dérouleront des opérations militaires. Les camarades d’Alger et d’Oran sont plus à l’abri ; ils ont des départements plus riches que le mien. Le département de Constantine est presque entièrement peuplé de travailleurs musulmans ; la population musulmane du Constantinois est de trois millions d’habitants ». Il critiqua avec force les conceptions de Marcel Guillaume, son collègue d’Alger, à l’opposé des siennes puis il dénonça les arrestations et les brutalités ainsi que la dissolution du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) car « elle profite uniquement au PC [Parti communiste] et à la CGT […] C’est grâce au mouvement nationaliste, c’est avec l’aide des partis nationalistes que nous avons pratiquement liquidé la CGT et le PC. Si la CGT subsiste encore à l’heure actuelle, c’est grâce à l’appui du patronat et de la haute administration algérienne. »

Lors du congrès confédéral d’octobre 1956, Fernand Manchon fut l’un des trois orateurs, avec Camille Mourgues* (secrétaire général de la Fédération des PTT) et Mohamed Kellal (PTT Ile-de-France), choisis pour défendre le texte majoritaire proposé au sein de la sous-commission sur l’Algérie.
Le texte de la minorité, soutenu par Alexandre Hébert (UD de Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), Adolphe Sidro (Fédération des employés et cadres) et Diagne (PTT Sénégal et AOF (Afrique occidentale française), qui sans préjuger du statut futur de l’Algérie, se prononça en faveur de la reconnaissance du droit du peuple algérien à disposer de lui-même, d’un cessez-le-feu immédiat et de négociations entre les parties. Le texte minoritaire obtint 2 225 voix contre 9 522 en faveur du texte majoritaire.

Toujours au cours du congrès d’octobre 1956, Fernand Manchon intervint à la tribune « pour défendre mon pays et son peuple, et tout particulièrement mes compatriotes musulmans que l’on charge de tous les péchés. » S’il se déclara opposé à l’indépendance de l’Algérie, Fernand Manchon réclama avec insistance un « gouvernement local […] Nous voulons gérer nous-mêmes les affaires de notre pays tout en établissant des liens institutionnels indissolubles avec la France métropolitaine. » Il exigea « un collège électoral unique où la voix de chacun ait le même poids. »

En octobre 1958, Fernand Manchon et ses partisans connurent de nouvelles difficultés au sein de l’UD. Une scission initiée par deux postiers Maamar Affane et Roger Zerbib. Maamar Affane prit la tête du Cartel intersyndical FO qui ne regroupa au début que quelques syndicats de fonctionnaires. Les deux UD furent immédiatement suspendues par le bureau confédéral FO.

Lors des élections législatives de novembre 1958, Fernand Manchon se mit en congé de Force ouvrière et se présenta au scrutin avec d’autres syndicalistes FO : Marcel Taieb, Ali Boumerdas. Ils se présentèrent sous l’étiquette "Liste républicaine, démocratique et socialiste". La liste conduite par Fernand Manchon n’obtint que 12,27% des suffrages exprimés et ils ne furent pas élus.

L’intérim à la tête de l’UD fut alors assuré par le cheminot Raymond Chalençon.

Ces différents responsables furent réintégrés au sein de la commission exécutive de cette UD lors de sa réunion de début décembre. Cette réintégration fut approuvée par 23 voix contre 1 et 1 abstention.

Dans une lettre adressée le 12 février 1959 à Robert Bothereau*, secrétaire général de FO, les opposants à Fernand Manchon, groupés au sein d’une UD FO dissidente, dénoncèrent le comportement de ce dernier : manipulation de la répartition des mandats lors du dernier congrès de l’UD, pratiques autoritaires, utilisation des locaux et du matériel de l’UD pour sa campagne électorale... Ils indiquèrent également dans ce courrier que Fernand Manchon était un ancien membre du Parti communiste et de la CGT desquels il avait été exclu, puis ancien secrétaire fédéral SFIO pour l’Est algérien dont il avait été également chassé, et qu’il n’avait adhéré à FO qu’en 1949.

Fernand Manchon ne participa pas au congrès confédéral d’avril 1959. En octobre de la même année, la situation de l’UD de Constantine fut examinée, à nouveau par le comité confédéral national FO. Fernand Manchon et ses partisans refusèrent d’organiser en janvier 1960 le congrès exigé par le bureau confédéral et le représentant de celui-ci dut repartir sans avoir pu apporter sa médiation.

En mai 1960, le CCN confirma la dissolution des UD Manchon et Affane.
Fernand Manchon dut accepter la tenue d’un congrès extraordinaire au cours de l’année 1960, probablement en septembre, sous la présidence d’André Bergeron. Au cours de celui-ci, il fut battu et il quitta Force ouvrière, au grand soulagement de ses successeurs, pour constituer une nouvelle organisation syndicale l’UGSL (Union générale des syndicats libres).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138441, notice MANCHON Fernand, Christophe [Dictionnaire Algérie] par Louis Botella, version mise en ligne le 13 juin 2013, dernière modification le 21 janvier 2021.

Par Louis Botella

SOURCES : Arch. Nat. France Outre-mer, Aix-en-Provence, FM (Fonds ministériels), 81 F/795, ALG 91 3 F/111, ALG 93/4364, 93/4384, Constantine, b/3/127. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 7 et 27 juillet 1949, 9 avril 1953, 20 mai 1954, 29 octobre 1959, 8 octobre 1960. — Comptes rendus des congrès confédéraux de 1950 à 1959. — Arch. de l’Union départementale FO d’Alger (Fonds Roger Marçot, Confédération FO). — Site Internet : deces.matchid.io.

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