Par Louis Botella
Né le 20 novembre 1919 à Beaucourt (Territoire-de-Belfort), mort le 13 décembre 1998 à l’Hôpital du Val-de-Grâce (Paris Ve arr.) ; agent puis cadre EDF ; secrétaire général de l’Union départementale Force ouvrière (FO) d’Alger (1955-1961), membre de la commission exécutive confédérale FO (1959-1966).
Le père de Roger Marçot, coiffeur et hôtelier dans le Doubs, était républicain, radical et anticlérical. Sa mère, issue d’une famille d’artisans et de commerçants, était catholique. À la mort du père, elle mit Roger Marcot au petit séminaire. Il obtint le CEP et le brevet supérieur et enseigna chez les Frères des écoles chrétiennes.
Résistant, il se rendit à Alger et rompit avec la religion. Il se maria en 1946 avec Yvette Bertolodo, d’une famille de pieds-noirs. Il entra la Compagnie Le Bon qui devint à la Libération Électricité et gaz d’Algérie (EGA).
Militant de l’Électricité et gaz d’Algérie (EGA), Roger Marçot fut secrétaire général puis président de l’Union algérienne des syndicats CGT-Force ouvrière des Industries de l’énergie électrique et du gaz. Il fut membre du bureau de la Fédération en qualité de délégué général pour l’Algérie, à l’issue de ses IIe, IIIe, IVe et Ve congrès (octobre 1950 à octobre 1956). Au terme des deux congrès suivants (février 1959 et avril 1961), il fut élu au comité fédéral. Au plan interprofessionnel, Roger Marçot participa, en juin 1950, au IIe congrès de l’Union départementale FO d’Alger alors dirigée par Fernand Hadjadj (Météorologie nationale).
Roger Marçot fut réélu secrétaire général de cette UD les 14 et 15 janvier 1956 et lors des congrès annuels suivants. Lors du congrès des 30 et 31 mars 1957 – dont une partie fut présidée par André Lafond*, secrétaire confédéral –, la résolution générale votée rappela, pour le problème algérien, « que celui-ci ne peut être résolu exclusivement par les armes ; que les représentants des populations à tous les stades ne peuvent être que des personnes démocratiquement désignées... ». C’est après le comité confédéral national FO, tenu à Saint-Brieuc quelques jours avant les événements du 13 mai 1958 à Alger et après ceux-ci que Roger Marçot eut beaucoup de difficultés avec de nombreux syndicats, notamment ceux des fonctionnaires.
Le comité confédéral national FO, le parlement de l’organisation entre deux congrès, avait voté une résolution sur le conflit algérien qui mit le feu aux poudres en Algérie. Comme le rappela Robert Bothereau, secrétaire général, lors de la présentation du rapport d’activités au congrès confédéral d’avril 1959 : « il [le CCN] avait souhaité des consultations [le terme utilisé lors de ce CCN fut celui de négociations] dont il disait qu’elles devaient être sans préalable ni exclusive ; il s’agit, bien entendu, que ne soient opposés préalable ou exclusive ni d’un coté ni de l’autre des gens dont le destin devrait être de s’entendre... »
Le mot « négociations » et la sympathie active affichée par certains syndicalistes FO d’Algérie à l’égard des partisans de « l’Algérie française », des militaires et du général de Gaulle ne pouvaient qu’entraîner un profond désaccord entre les deux tendances. Les adversaires de Roger Marçot refusèrent d’être sur une liste de candidats pour la commission exécutive de l’UD, sur laquelle son nom figura. Ils décidèrent de présenter une liste alternative, sous l’égide de la section algéroise de la Fédération générale des fonctionnaires et exigèrent que la répartition des sièges au sein de cette commission se fasse de manière proportionnelle. Ce que refusèrent Roger Marçot et ses partisans.
Par voie de représailles, les syndicats de Roger Marçot (Électricité et gaz dont il fut le président) et du trésorier de l’UD, Élie Hamo (Air, guerre, mer) les mirent en minorité et refusèrent de présenter leur candidature. Par ailleurs, les adversaires de la tendance Roger Marçot quittèrent ce congrès – tenu les 5 et 6 juillet 1958 et présidé par Marcel Babau, secrétaire confédéral – congrès qui vit la victoire du secrétaire général sortant (présenté par le petit syndicat des métaux). Il composa une équipe dans laquelle sa tendance fut la seule représentée.
Les dissidents constituèrent dans les semaines suivantes une « nouvelle » union départementale, dirigée par F. Pierlovisi (OFALAC – Office algérien d’actions économiques et touristiques), R. Molina (Trésor) et R. Glize (douanes sédentaires). Elle ne fut jamais reconnue par le bureau confédéral FO. Certains syndicats, après avoir reçu soit des soutiens moraux soit des injonctions de leurs fédérations, regagnèrent l’UD « légale ». Ce fut le cas notamment de certains syndicats de cheminots. En terme d’effectifs, cette scission fut désastreuse pour l’UD FO « légale ». Des syndicats quittèrent Force ouvrière déjà au cours de l’année 1958. Ce fut le cas de plusieurs syndicats hospitaliers (Marengo, Menerville, Orléansville, Tizi-Ouzou..), ceux des contributions directes (30 adhérents), des mineurs (200)... Au début de 1959, des syndicats ne prirent plus leurs timbres au sein de l’UD : Air France (100 adhérents), assistance publique (150), cheminots d’Hussein-Dey (30), crédit municipal (20), douanes (50), éducation surveillée (30), police en tenue (70), Trésor public (300)... La moitié des effectifs quittèrent cette UD pour rejoindre les dissidents ou ne plus militer. Au printemps de 1959, les dissidents quittèrent FO et, lors du congrès des 27 et 28 juin de la même année, Roger Marçot fut réélu à son poste et la résolution générale réclama « la fin des privilèges existants et l’avènement d’un véritable socialisme ».
Son UD reçut les 10 et 11 mars 1961 à Alger l’ensemble des autres UD FO d’Algérie (Bône, Constantine et Oran). Cette réunion eut pour but « d’évoquer l’avenir du syndicalisme dans leur pays » [Il s’agit de l’Algérie sur la voie de son indépendance]. Le 11 mars, ces UD furent reçues par Jean Morin, délégué général du gouvernement français en Algérie. Roger Marçot fut désigné alors, au nom de Force ouvrière, comme l’interlocuteur des autorités gouvernementales à Alger. Lors du congrès confédéral de novembre de la même année, Roger Zerbib expliqua qu’il avait tenté de concilier les points de vue fort divergents entre les secrétaires généraux des UD d’Alger (Roger Marçot) et d’Oran (André Dennery). Sans trop de succès semble-t-il.
Les menaces de l’OAS (Organisation armée secrète) conduisirent Roger Marçot à quitter l’Algérie en octobre 1961, selon une lettre datée du 22 novembre, de Jean-Louis Jouves, secrétaire général adjoint de l’UD, à un secrétaire d’une UD métropolitaine. À partir de l’automne 1961, Roger Marçot travailla et milita à Paris-Électricité puis en 1965 aux Services centraux d’EDF-GDF.
À la suite du congrès confédéral de novembre 1961, Roger Marçot fut réélu à la commission exécutive confédérale. Il obtint le 11e rang parmi les 35 élus au niveau des résultats alors que ses collègues des autres UD d’Algérie ne furent pas élus et se trouvèrent à la fin du tableau : André Vallée (Bône, 50e rang), Roger Zerbib (Constantine, 51e rang) et André Denney (Oran, 53e et dernier rang).
Jusqu’en 1963, Roger Marçot effectua plusieurs séjours en Algérie, en qualité "d’ambassadeur de FO" chargé d’informer la confédération de la situation dans le pays et de maintenir le dialogue avec l’UGTA. En janvier 1963, il fut également nommé au Conseil économique et social, sur proposition de Force ouvrière. Il s’inscrivit à la section de coopération technique et du développement économique et social des pays autres que la France. Il quitta cette responsabilité en août 1964.
En novembre 1963, Roger Marçot fut reconduit dans cette fonction mais au titre de l’UD de la Mayenne. Il ne fit plus partie de cette instance en avril 1966.
Roger Marçot prit encore part au congrès confédéral d’avril 1966 où il représenta son syndicat. Au cours de ce congrès, il fut mis en cause ainsi que d’autres militants de l’organisation. Dercourt (Fédération des employés et cadres) donna lecture, lors de son intervention à la tribune du congrès, d’un article paru dans le quotidien L’Aurore (daté du samedi 16 avril 1966) : « Remous dans FO – L’attaque dirigée à la tribune du congrès de FO par le syndicaliste Hébert contre son camarade Labi aura peut-être des conséquences graves. La tendance minoritaire la plus gauchiste de FO considérant qu’elle n’a pas pu s’exprimer librement au cours de ce congrès, pourrait s’organiser sous peu dans une équipe comparable au groupe Reconstruction, par rapport à la CFDT. Ce groupe où se retrouveraient Marçot, de l’EDF, Levasseur, des PTT, Le Mée* des Côtes-du-Nord, Labi des Produits chimiques [...] et Lubin*, des Fonctionnaires [...] se donnerait pour tâche de rechercher les conditions de l’unité syndicale. » (p. 273) Roger Marçot démentit avec vigueur à la tribune.
Roger Marçot n’obtint pas de mandat fédéral lors du VIIIe congrès (décembre 1963) mais fut élu à la commission des conflits à l’issue des IXe et Xe congrès (novembre 1965 et novembre 1967).
Roger Marçot, devenu cadre, milita à l’Union nationale des syndicats cadres de l’électricité et du gaz (UNSC), créée à l’initiative de la Fédération Force ouvrière en juin 1948. À ce titre, il fut élu à la commission exécutive et au comité fédéral lors du XIe congrès (novembre 1972). Il fit partie du secrétariat de l’UD-FO de Paris à partir de 1966.
Roger Marcot fut un franc-maçon actif.
Par Louis Botella
SOURCES : Arch. de l’UD d’Alger (Fonds Roger Marçot, confédération FO). — Comptes rendus des congrès confédéraux FO de 1956 à 1966. — Jean-Louis Marçot, Le pas d’un homme debout. Vie et action de Roger Marçot (1919-1998), 1999. — Lumière et Force, n° 8 (juin 1949), 16 (octobre 1950), 32 (octobre-novembre 1952), 46 (octobre-décembre 1954), 55 (septembre-novembre 1956), 66 (janvier-mars 1959), 77 (avril-mai 1961), 104 (octobre-décembre 1965), 120 (novembre-décembre 1967), 133 (janvier 1970), 150 (janvier 1973). — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 26 janvier et 9 février 1956, 12 juillet 1958, 9 juillet 1959, 22 mars et 29 novembre 1961, 27 novembre 1963. — FO hebdo, 7 janvier 1999. — L’Écho d’Alger, 8 juillet 1958. — Le Journal d’Alger, 8 juillet 1958, 23 avril 1959. — La Dépêche quotidienne d’Alger, 28 et 29 avril 1959. — Renseignements transmis par son fils Jean-Clayde Marçot. — Notes de Michel Dreyfus.