Par Jacques Girault
Né le 27 mai 1942 à Keryado-Lorient (Morbihan) ; instituteur, puis professeur des écoles ; militant syndicaliste ; secrétaire général de la Fédération de l’Éducation nationale (1991-1997) ; secrétaire général de l’UNSA fonctionnaires (1995-1997) ; conseiller d’État en service extraordinaire (1997-2001).
Le père de Guy Le Néouannic, Joseph Le Néouannic, ouvrier ajusteur à l’Arsenal maritime de Lorient puis régleur de compas sur les chalutiers du port de Lorient, athée, anticlérical, militait au syndicat CGT-FO. Il fut élu, en mai 1945, conseiller municipal socialiste SFIO de Keryado. Sa mère ne travaillait pas. Il avait une sœur de plusieurs années son aînée. La famille quitta Lorient en 1943 pour fuir les bombardements – au cours duquel son père, mobilisé à l‘Arsenal, fut grièvement blessé -, et ne regagna la ville qu’en 1945 pour retrouver leur maison en ruine, dans la ville détruite à 90 %. Ils furent logés dans un baraquement
Guy Le Néouannic fit ses études primaires à Keryado et dans le quartier Merville de Lorient et ses études secondaires au lycée Dupuy de Lôme (première partie du baccalauréat « Moderne » en 1960, classe de mathématiques élémentaires en 1961).
En 1962, Guy Le Néouannic fit acte de candidature pour un poste d’instituteur coopérant en Algérie et fut nommé à l’école de la rue d’Aumale à Sétif, le 2 octobre 1962. Recruté à l’Office universitaire et culturel français en Algérie en 1964, affecté à l’école primaire et au collège d’enseignement général Carnot à Sidi-Bel-Abbès, il y enseigna jusqu’en 1968 après avoir obtenu le Certificat d’aptitude professionnelle en juin 1966 et avoir été titularisé en novembre 1967. Il effectua son service comme volontaire du service national actif dans son école (septembre 1965-décembre 1966).
Guy Le Néouannic rencontra Marie-Paule Homo, institutrice qu’il épousa le 6 mars 1963 au consulat général de France à Sétif. Ils eurent deux enfants.
Guy Le Néouannic adhéra au Syndicat national des instituteurs au début de l’année scolaire 1962-1963 et également à l’Union générale des travailleurs algériens. Il s’engagea dans le militantisme syndical pendant l’année suivante et devint secrétaire de la sous-section de Sétif de l’Association professionnelle des instituteurs français en Algérie, héritière des sections du SNI après l’indépendance. À Sidi-Bel-Abbès où enseignait aussi son épouse, il fut élu secrétaire de la sous-section en 1966 et, la même année, membre du bureau de la section d’Oran de l’APIFA dirigée par Alain Roumegous* où il rencontra Daniel Dumont, futur secrétaire permanent du SNI-PEGC, Pierre Ramognino et Adolphe Benamour. Il anima avec son épouse la Maison des Enseignants et de la Culture de la ville relevant du Centre culturel français d’Oran.
En 1968, après le lancement d’un mot d’ordre de grève dans son établissement et la constitution d’un conseil de parents d’élèves affilié à la Fédération Cornec, Guy Le Néouannic, en conflit avec son directeur non syndiqué, fut sanctionné et eut à choisir entre une mutation dans l’intérêt du service ou la remise à la disposition de l’Éducation nationale et le retour en France. Il accepta avec son épouse une mutation à l’école Bonnier de Blida à partir de 1969. En 1970, il entra au bureau central de l’APIFA dont il devint le secrétaire général en 1972 ainsi que de la Fédération des enseignants de nationalité française en Algérie (section FEN d’Algérie) succédant à Alain Caratini.
En 1974, le couple rentra en France et s’installa à Nantes (Loire-Atlantique). Le Néouannic enseigna à l’école du « Bout des pavés ». Il milita à la section du SNI et de la FEN et devint le correspondant du secrétariat national du SNI pour les enseignants français à l’étranger auprès du service des pensions de La Baule.
En juin 1975, Maurice Piques*, secrétaire national du SNI, lui demanda de rejoindre le secrétariat national de la FEN dans l’équipe de son secrétaire général André Henry. Il entra simultanément à la commission administrative nationale de la FEN, au bureau fédéral et au secrétariat national où il fut chargé de l’enseignement à l’étranger, des DOM-TOM, du secteur Justice et du secteur de la Jeunesse. Dès 1976, il créa et prit également en charge le secteur des relations avec la presse.
Guy Le Néouannic, en charge des questions de société, s’impliqua rapidement dans les domaines des droits de l’Homme et des Libertés. Il prit la parole en 1975 à Barcelone pour protester contre le sort réservé au militant catalan Puig Antich, dernier prisonnier à être garrotté sous le régime franquiste. En 1979, à Lisbonne, il intervint, au nom de la FEN, dans un meeting syndical international de la CGTP-IN aux côtés de la CGT et de la CFDT sur les questions d’immigration en Europe. Il occupa les fonctions de secrétaire national aux secteurs « Droits et libertés » et « Laïcité » dans les années 1980, succédant à Louis Astre.
Guy Le Néouannic s’occupait aussi de l’ensemble des dossiers de l’enseignement français à l’étranger dont il conserva la responsabilité de 1974 à 1991, date à laquelle il devint secrétaire général. Il fut à l’initiative, avec des militants de l’Association démocratique des français de l’étranger, de la création de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger qui, en relations avec le ministère des Affaires étrangères, avait en charge les établissements scolaires français dans le monde relevant de ce ministère. Il négocia l’extension à l’étranger du bénéfice de la loi Le Pors du 13 juillet 1983 (résorption de l’auxiliariat). Membre fondateur de l’Association démocratique des Français de l’étranger aux côtés de Guy Penne, Gilles Carasso, son premier président, et Jean-Pierre Bayle, il fut élu au bureau de l’association présidée ensuite par Édith Cresson. Il fut également membre du Conseil supérieur des Français de l’étranger auprès du ministère des Affaires étrangères et membre du conseil d’administration de l’Agence ainsi que de la commission nationale des bourses attribuées aux élèves à l’étranger.
À partir de juin 1981, dans l’équipe de Jacques Pommatau*, nouveau secrétaire général de la FEN, Guy Le Néouannic, qui n’avait pas approuvé le départ d’André Henry pour un poste ministériel, conserva les mêmes dossiers au secrétariat national de la FEN. Il fut à deux reprises membre de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme auprès du Premier ministre et membre de la commission chargée de la surveillance des publications destinées à la jeunesse auprès du ministre de la Justice. A deux reprises également, il fut membre de la délégation française à l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Il s’investit également sur l’ensemble des questions internationales touchant aux Droits de l’Homme : mission au Nicaragua lors de la révolution sandiniste, avec Yannick Simbron*, marche humanitaire dans les camps de réfugiés de Thaïlande après l’invasion du Cambodge par le Viet-Nam, congrès de Solidarnosc à Gdansk en Pologne, Congrès mondial pour la paix à Hiroshima avec Louis Astre, délégation de France-URSS reçue à Moscou par M. Gorbatchev, congrès du FLNKS en Nouvelle Calédonie. Il impliqua la FEN dans le Comité de réflexion
pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie en 1987.
Depuis une vingtaine d’années, les dirigeants majoritaires de la FEN dénonçaient les « dérives fractionnelles » de la minorité « Unité et Action ». En 1973, au congrès de la FEN, ils firent voter un « manifeste pour l’unité et la responsabilité de la FEN » avec comme règle première « le respect par tous des règles de vie commune » afin que la fédération ne devienne pas « un cartel de syndicats agissant chacun de son côté ». Par la suite, les majoritaires constataient « que les choses ne cessaient de s’aggraver » et que la FEN devenait « un cartel des tendances qui s’opposaient via les syndicats nationaux qu’elles contrôlaient notamment sur leurs projets éducatifs respectifs ». Cette analyse prit un sens nouveau, après la publication par la tendance « Unité et Action » d’un projet éducatif, jugé par eux comme un « contre-projet », à la veille du congrès de la FEN à La Rochelle en 1988 qui devait débattre du projet éducatif présenté par le courant majoritaire. Les progrès de la tendance « Unité et Action » dans les syndicats du second degré en expansion « menaçaient également l’équilibre traditionnel dans la FEN ». Le rapprochement avec les syndicats « autonomes » de la Fonction publique et des travailleurs à statut, défendu par Jacques Pommatau*, devait permettre de renforcer le bloc des syndicats réformistes.
Guy Le Néouannic, Yves Ripoche, Alain Olive et Jean-Paul Roux* jouèrent un rôle essentiel dans ces réflexions. Après le congrès de la FEN de Clermont-Ferrand en février 1991, malgré l’opposition déterminée des minoritaires, la majorité envisagea de proposer, par référendum avant la fin de 1992, une modification des structures. La question du calendrier et de la méthode se posait. Yannick Simbron, qui avait succédé comme secrétaire général de la FEN à Pommatau en 1988, estimait que cette évolution ne pouvait être accélérée en raison notamment des bouleversements politiques dans le monde avec l’effondrement du bloc communiste et du maintien de l’unité corporative. Cette « réticence » amena en juin 1991, l’ensemble des syndicats nationaux représentés dans l’exécutif de la FEN et la quasi totalité des secrétaires nationaux, à décider son remplacement. Guy Le Néouannic fut sollicité pour assurer le remplacement par un certain nombre de militants dont Martine Le Gal, secrétaire nationale du SNI-PEGC et Jean-Paul Roux, secrétaire national de la FEN. Il assura l’intérim le 3 juin 1991 et lors de la réunion du bureau fédéral, le 15 juin 1991, Jean-Claude Barbarant, au nom du SNI-PEGC, le proposa comme secrétaire général, avec l’accord de la majorité et du permanent de la FEN, proposition ratifiée par les membres du bureau, sans les voix des minoritaires « Unité et Action », « École Émancipée » et « Autrement ». Il appliqua avec fermeté le mandat de clarification du fonctionnement de la fédération décidé par la majorité des syndicats de la FEN face au Syndicat national des enseignements de second degré et au Syndicat national d’éducation physique, dirigés par la tendance « Unité et Action ». Il assuma le congrès de la scission à Créteil, le 6 octobre 1992 qui vota l’exclusion du SNES et du SNEP.
Durant son mandat de secrétaire général, membre du Conseil supérieur de la Fonction publique et du Conseil supérieur de l’Éducation nationale, il conduisit la délégation fédérale qui, en accord avec le front des cinq organisations syndicales (FEN-CFDT-FGAF-CFTC-CGC) négocia et conclut les accords salariaux du 12 novembre 1991 et du 9 novembre 1993 dans la Fonction publique. Il fut, entre autres, au cœur des luttes contre le projet de loi Fillon sur l’enseignement supérieur, contre le projet de loi du ministre de l’Éducation nationale François Bayrou de subventionnement des constructions d’établissements privés en 1993-1994 (manifestation imposante du 16 janvier 1994), contre le projet Alain Juppé de réforme de la protection sociale et des retraites de la Fonction publique en 1995, il s’engageaaux cotés des jeunes en lutte contre le Contrat d’insertion professionnelle.
Le mandat de Le Néouannic, à la tête de la FEN, se déroula d’un part dans un contexte international marqué par l’effondrement du communisme en Europe de l’Est qui eut des conséquences dans toutes les organisations syndicales, d’autre part dans un contexte national marqué par le retour de la droite au gouvernement, et par la construction d’un regroupement du syndicalisme autonome, avec des incidences pour la fonction publique notamment.
Guy Le Néouannic, avec les autres secrétaires généraux de la FGAF, de la FMC, de la FAT, de la FGSOA, participa à la fondation de l’Union nationale des syndicats autonomes, le 12 février 1993, dont le premier secrétariat général fut assuré par une militante de la FEN, Martine Le Gal. Il devint parallèlement secrétaire général de l’UNSA Fonctionnaires, lors de sa création le 5 janvier 1995. Dans son esprit, l’UNSA pouvait « préserver les chances d’un regroupement plus large » en raison des contacts réguliers avec la CFDT et des minoritaires de la CGT et de la CGT-FO. Mais aux élections professionnelles, les syndicats de la FSU, qui regroupait tous les syndicats dirigés par « Unité et Action », la plupart des militants du courant « École émancipée » et le SNET-AA qui avaient quitté volontairement la FEN, l’emportaient. La FEN avait perdu son caractère unitaire et sa large représentativité. En se fondant de plus en plus anonymement dans l’UNSA et en abandonnant finalement son sigle, elle perdit aussi son identité. Le Néouannic, comme d’autres dirigeants historiques du syndicalisme enseignant, marqua de fortes réserves sur cette dernière évolution.
Guy Le Néouannic fut un des six négociateurs du Secteur professionnel international de l’Enseignement associé à la Confédération internationale des syndicats libres qui discutèrent avec la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante pour aboutir en janvier 1993, à Stockholm, à la constitution de l’Internationale de l’Éducation comptant vingt millions de membres dont la FEN fut membre fondateur. Il fut membre de l’exécutif mondial de 1993 à 1998.
Soucieux de préserver les archives de la FEN et de les mettre à la disposition de la recherche historique, Le Néouannic prit contact en octobre 1995 avec les Archives du monde du Travail (Archives nationales) pour étudier les conditions d’un dépôt qui sera effectué en 1997-1998.
Guy Le Néouannic quitta ses fonctions de secrétaire général de la FEN au congrès de Rennes en mars 1997. En lui rendant hommage devant le congrès, le 13 mars, son successeur Jean-Paul Roux déclara : « Cette responsabilité écrasante, assumée parce que la survie de la FEN était à ce prix, c’est tout Guy : une volonté, une exigence sans faille au service de notre idéal. »
Nommé conseiller d’État en service extraordinaire, Guy Le Néouannic fut alors affecté à la section de l’Intérieur. Il devint à cette date secrétaire général du Centre Henri Aigueperse, fonction qu’il assuma jusqu’en juin 2001. Il initia et anima régulièrement le groupe de suivi de l’ouvrage de Guy Brucy sur l’histoire de la FEN. Il prit sa retraite administrative, comme professeur des écoles, en septembre 2002.
De 1998 à 2001, Guy Le Néouannic présida l’Institut de recherches économiques et sociales, géré par les six organisations représentatives des travailleurs (CGT, CFDT, CGT-FO, FEN, CGC, CFTC). En juin 2001, élu au conseil d’administration et au bureau de la Mission laïque française, il en devint le secrétaire général adjoint. Retiré dans l’Hérault, il devint secrétaire général de l’Union départementale des délégués départementaux de l’Éducation nationale.
Guy Le Néouannic présenta plusieurs exposés dans le cadre du séminaire d’histoire du syndicalisme enseignant et universitaire sur les questions internationales et, en 2005, il témoigna à deux reprises sur la scission dans le syndicalisme enseignant sous le titre « 1988 - 1997. De La Rochelle à Rennes, la fin du pari de 1948 » et « L’inexorable marche vers la scission de la FEN ; la construction de l’UNSA … et ce qui s’en suivit ». Il entra au jury du prix Jean Maitron, créé par la Fédération de l’Éducation nationale et géré par le Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’Université de Paris I.
Connu comme n’ayant pas d’engagement dans un parti politique ou dans la franc-maçonnerie, s’inscrivant dans une tradition prenant ses racines dans les conceptions héritées du syndicalisme révolutionnaire, Le Néouannic refusa une décoration à la fin de ses mandats syndicaux et associatifs.
Par Jacques Girault
ŒUVRE : Mémento du fonctionnaire, 1993-1994. — Co-auteur avec François Malcourant du Livre noir de l’autoritarisme publié par la FEN. — Collaboration à l’ouvrage dirigé par Yves Azéroual, Foi et République, éd. Patrick Banon, 1995 et au livre d’Eddy Khaldi et des militants du SNUDEP-FEN, Vous avez dit Liberté ou les dessous de l’enseignement privé.
SOURCES : Presse syndicale. — Dictionnaire des militants du syndicalisme enseignant dans le cadre de l’IRES (notice par Martine Le Gal). — Guy Brucy, Histoire de la FEN, Paris, Belin, 2003. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Note de Guy Putfin.