BEAUFORT Eugène.

Par Jules Pirlot - Jean Puissant

Ans (pr. et arr. Liège), 30 août 1900 − Marcourt (aujourd’hui commune de Rendeux, pr. Luxembourg, arr. Marche), 21 janvier 1980. Ouvrier mineur, militant de la Jeune garde socialiste, militant syndical, militant communiste, conseiller communal, échevin de Montegnée (aujourd’hui commune de Saint-Nicolas, pr. et arr. Liège), député communiste de l’arrondissement de Liège.

Fils de Joseph Beaufort, ouvrier aux chemins de fer, et de Marie Libotte, femme de ménage puis ménagère et « grappilleuse de charbon », Eugène Beaufort rédige, à l’intention de sa famille, un manuscrit circonstancié extrêmement riche, Mon combat. Autobiographie, qui éclaire son parcours et explique les difficultés rencontrées pendant la Seconde Guerre mondiale. Description et justification se conjuguent alors.

Eugène Beaufort a huit frères. La famille est profondément catholique. Excepté les deux frères aînés qui commencent à travailler très jeunes à la mine, les autres suivent régulièrement l’enseignement de l’école Saint-Joseph. Un seul des huit garçons, Léopold, ouvrier de surface au charbonnage, restera croyant. Les trois frères aînés sont mineurs de fond, un autre est mouleur en bois, deux autres sont machinistes de chemins de fer.
Eugène Beaufort fréquente l’école primaire jusqu’en 1911. Il devient ensuite trieur aux charbonnages de l’Espérance et de Bonne Fortune à Montegnée où il gagne un franc par jour, puis mineur de fond avec 2.20 francs par jour.

Durant la Première Guerre mondiale, Eugène Beaufort est condamné, avec d’autres camarades, à neuf mois de prison à Elberfeld en Allemagne pour un vol de farine dans un convoi allemand. Libéré en janvier 1918, il est ensuite engagé comme piocheur au chemin de fer d’Ans puis travaille au déblaiement de puits de charbonnages français à la fin de la guerre.

En novembre 1919, Eugène Beaufort revient en Belgique et est occupé comme manœuvre au charbonnage de Patience et Beaujonc à Montegnée. Jusqu’en 1932, il travaille encore dans quatre charbonnages de la région liégeoise, d’où il est successivement renvoyé. En 1919, il suscite une grève des manœuvres, mais n’est pas suivi par le syndicat qui refuse une grève limitée à une seule catégorie de travailleurs. En 1929, il est exclu du Comité local de la Centrale nationale des mineurs (CNM), comme « fauteur de troubles et diviseur de la classe ouvrière », après avoir fomenté une grève non reconnue. Il explique : « Si pour être socialiste, il faut accepter la diminution de nos salaires pour que puissent s’engraisser ceux qui nous exploitent, alors je suis communiste. » C’est le refus des conventions collectives.

En 1919, Eugène Beaufort adhère à la Jeune garde socialiste (JGS) de Liège. Il semble que ce soit à la suite de Célestin Demblon*, qu’il critique d’abord la participation gouvernementale du Parti ouvrier belge (POB). En 1921, il se rapproche du Parti communiste de Belgique (PCB) qui vient de se créer. En 1923, il est admis en stage et devient membre du PCB le 25 août 1925. De 1926 à 1929, il milite au cercle cantonal de la Jeunesse communiste (JC). Il suit des cours de formation politique au sein d’un cercle de militants. En 1930, il rejoint les Chevaliers du travail animés par Julien Lahaut. Il participe à un congrès de mineurs à Sarrebruck en Allemagne en 1931. Il donne de nombreux meetings à Liège mais aussi dans le Hainaut, en particulier le 25 juin 1932 à Cuesmes (aujourd’hui commune de Mons, pr. Hainaut, arr. Mons) d’où il appelle les Borains à la grève. Il participe à la grève de 1932 qu’il contribue à déclencher dans le bassin liégeois. Il est arrêté à Glain (aujourd’hui commune de Liège, pr. et arr. Liège) le 12 août 1932 et passe un mois en prison. Après ces événements, il est désormais chômeur.

En 1937, Eugène Beaufort participe à une mission en Espagne d’où il revient avec une jeune espagnole, Jacintha Garcia, qui regagne son pays en février 1940. Élu conseiller communal à Montegnée en 1932, il est échevin de l’Instruction publique et du ravitaillement après la Deuxième Guerre mondiale. Il est également élu conseiller provincial en 1932 puis député de l’arrondissement de Liège en 1936. Il est réélu en 1939 et devient secrétaire de la Chambre en 1944-1945.
Présenté comme tête de liste communiste au Sénat dans la province du Luxembourg en 1946, il n’est pas élu et quitte la vie politique active.

À la Chambre, l’ancien mineur intervient, à plusieurs reprises, à propos de problèmes charbonniers, de conditions de travail, de pension des mineurs, à l’occasion d’accident ou de grève. Il prend la parole lors de la discussion de budgets sur des questions de législation du travail, d’agriculture (la législation sur les baux à ferme). En 1936, il argumente ainsi : « Nous avons un subside de 80.000 frs pour la protection du gibier, tandis que, pour la réparation des dégâts causés par le gibier, on ne trouve rien. On inscrit un million pour les courses de chevaux. Rien pour la pêche et la colombophilie, sports populaires. En résumé, tout pour les bourgeois, rien pour les ouvriers » et de défendre les progrès de l’agriculture soviétique : « En 1886, il a fallu que les ouvriers descendent dans la rue pour que les bourgeois s’aperçoivent qu’il y a une question sociale. En 1936, faudra-t-il que les paysans, à leur tour, descendent pour qu’on écoute leurs justes revendications. »

Après l’invasion allemande, rentré à Montegnée, Eugène Beaufort travaille comme chômeur à la commune et participe, avec le Docteur Stassen, à la mise sur pied d’un Secours populaire pour concurrencer le Secours d’hiver, organisé par l’occupant. Dès janvier 1941, le 1er mai certainement, il participe à diverses manifestations anti-rexistes. Il prend une part active aux grèves dans la Basse Sambre (pr. et arr. Namur) en juin 1941 et en mai 1942. Entretemps, après le 22 juin 1941, il entre dans la clandestinité.
Eugène Beaufort est secrétaire du PCB pour la Basse Sambre, avant d’être envoyé dans le Borinage (pr. Hainaut) où il perd le contact avec le parti. Malade (jaunisse), il se réfugie dans le Brabant wallon. Son comportement ne semble pas suffisamment « positif » puisque le PCB ne lui renouvelle pas sa confiance à Liège, même s’il reste soutenu par la Commission nationale des cadres. Lui-même critique sa Fédération et, dans son manuscrit, met en cause les problèmes posés par les jeunes intellectuels au sein du parti pour expliquer son retrait : « en 1946, écrit-il, il était devenu facile de devenir communiste ». Il est alors surveillant des ouvrages de génie dans la province de Liège, puis concierge et employé du centre de physiopathologie du travail dirigé par le docteur Stassen. Il est ensuite chauffeur d’une institution pour handicapés.

Eugène Beaufort se retire en 1964 à Marcourt dans le Luxembourg. Resté communiste, il est enterré civilement avec l’hommage du PC liégeois. Il est resté communiste. Époux de Marie Coune et père de trois enfants, il s’affirme comme athée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138510, notice BEAUFORT Eugène. par Jules Pirlot - Jean Puissant, version mise en ligne le 7 octobre 2011, dernière modification le 17 janvier 2020.

Par Jules Pirlot - Jean Puissant

Œuvre : Mon combat. Autobiographie, manuscrit inédit, 1978, 76 p.

SOURCES : CArCoB, dossier 3004 − Notice réalisée par Monique Wustefeld, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, 1984 − Notice réalisée par P. De Beule, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, 2005.

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