MONNIER Ludovic, Henri dit COMBE Henri, Michel

Par Daniel Grason, Jean-Marie Guillon

Né le 19 décembre 1900 à Rennes (Ille-et-Vilaine), tué au combat le 19 août 1944 à Oppède (Vaucluse) ; artiste peintre ; militant communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; cadre Francs-tireurs et partisans (FTP).

Ludovic Monnier
Ludovic Monnier

Fils de Toussaint, voyageur de commerce et Marie, née Roché, Ludovic Monnier vécut à Marseille (Bouches-du-Rhône) où son père après avoir quitté le Bretagne était agent d’un atelier de confection d’uniformes rue Stanislas-Torrents. Ludovic Monnier fit des études secondaires, s’initia au dessin et à la peinture. Il était de l’école des « Peintres prolétariens » fondée en 1933 qui deviennent « Peintres du peuple » l’année suivante, avec notamment Antoine Serra, Louis Toncini, Pierre Ambrogiani et Antoine Ferrari.

Il s’installa à Paris dans le quartier Montparnasse, se maria avec Jeanne, Adrienne David le 18 juillet 1935, un enfant Jean-Philippe naquit de leur union. Ils habitaient 94, rue de l’Ouest, à Paris XIVe arr. Il peignait dans un petit atelier, eut une nombreuse clientèle qui lui permit de vivre de son art. Il fit l’objet d’une plainte d’une artiste peintre pour « fraude artistique », fut condamné le 29 novembre 1933 à mille francs d’amende.

Dans ce quartier où vivaient de nombreux artistes, il se lia à des antinazis d’Europe centrale notamment le peintre Kurt Leppien qui prendra Jean comme prénom après la guerre. Militant du parti communiste, secrétaire de cellule, connut comme tel, il partit en Espagne en octobre 1936. Le 22 novembre, il était nommé officiellement commissaire politique à la tête de la commission des éditions dont Le volontaire de la liberté à la base d’Albacete, le 27 décembre il fut relevé de ses fonctions pour indiscipline. Le 4 janvier 1937, il était affecté comme chauffeur à la XVe Brigade. Son rapatriement eut lieu le 21 octobre 1938, il fut adhérent de l’Amicale des volontaires en Espagne républicaine (AVER).

Il retourna vivre à Marseille, retrouva ses amis peintres, en 1940, il se réfugia à Lurs dans le département des Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence) où il possédait une petite propriété. Soupçonné de ne pas avoir renoncé à ses opinions communistes, le 1er octobre 1940, le préfet de police du département prescrivait son internement et demanda des renseignements à son collègue de Paris. Ludovic Monnier arriva au camp de Chibron, commune de Signes (Var) le 7 octobre avec cinq autres militants bas-alpins, dont Pierre Girardot (voir ce nom). À la dissolution du camp, il fut transféré dans celui de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) le 16 février 1941. On ne sait dans quelles conditions il fut libéré. Une fois libéré, il alla à Marseille, parfois à Avignon où il exposa toiles et dessins à l’automne 1942 jusqu’à l’occupation de la région par les troupes italo-allemandes le 11 novembre. Discrètement il allait et venait entre Marseille et l’arrière-pays contadin et bas-alpin, resserrant les contacts clandestins avec ses camarades résistants.

Engagé dans les FTP (Francs-tireurs et partisans, proches du PCF) sous le pseudonyme d’Henri Combe et avec le matricule 62 117, il prit le maquis à l’été ou à l’automne 1943. Il était en novembre le responsable du camp de Polignac dans la région de Clumanc-Norante (Basses-Alpes-Alpes-de-Haute-Provence). Il participa à de nombreuses actions, le sabotage la ligne à haute tension à Villeneuve (Basses-Alpes-Alpes-de-Haute-Provence) le 13 novembre, un coup de main contre un pharmacien « collabo » à Castellane (Basses-Alpes-Alpes-de-Haute-Provence) le 10 décembre, la préparation du sabotage du canal de Villeneuve dans la nuit du 19 au 20 janvier 1944. Le 23 janvier, il organisa les obsèques du maquisard Félix Roman, tué à le 21 à Norante, dont il fit l’éloge au cimetière de Clumanc. C’est là que René Gilli, futur membre du triangle régional des FTP dans le Vaucluse (commissaire technique), le rencontra. Il fut nommé recruteur régional FTP pour les Basses-Alpes le 7 mars. Mais son activité à ce poste fut vite jugée insuffisante par le commissaire aux effectifs régional (CER) et il fut démis à la mi-mars par l’état-major FTP du département. Il quitta les Basses-Alpes pour le Vaucluse lorsqu’en mai le commandant Rafaël (Alphonse Dumay, voir ce nom) qu’il avait dû connaître à Marseille forma le maquis Yves Lariven* à La Roche d’Espeil, à Buoux, dans la combe de Lourmarin. Il en devint l’un de ses adjoints.
Quatre jours après le débarquement dans le Var, le 19 août 1944, Ludovic Monnier faisait partie du détachement de vingt-cinq FTP composé de résistants de Pertuis (Vaucluse) et de maquisards de La Roche d’Espeil que Dumay a envoyé dans un autocar réquisitionné à Coustellet, carrefour stratégique, à la jonction des routes Apt-Avignon et Cavaillon-Monts du Vaucluse. Un premier barrage de FTP avait tiré contre une colonne de la XIe Panzer Division, avant de se replier. Les Allemands venaient de prendre le contrôle du hameau lorsque l’autocar arriva. Il fut stoppé à 20 heures 45 au pont de Sénancole (commune d’Oppède), à 1 km et demi de là, par le tir d’un blindé. Les résistants s’éparpillèrent, mais onze FTP dont Ludovic Monnier, y laissèrent la vie. Dans le récit épique que Dumay a laissé de l’affaire (qui ne correspond que partiellement à d’autres témoignages), il relate ainsi la mort héroïque de Combe : « Combe saute furieusement sur le premier char en gueulant comme un démon ; il s’affaisse mortellement blessé. Un cri terrible et c’est tout… » (« RN 100 », Combattre, hebdomadaire illustré des anciens F.T.P.F., n° 37, 13 janvier 1946). Les corps des tués furent inhumés au cimetière de Maubec. Celui de Ludovic Monnier fut transféré par la suite au cimetière Saint-Pierre à Marseille. Un monument aux morts fut inauguré dès le début octobre 1944 sur la route départementale D 900 au lieudit La Cerisaie Oppède en hommage aux Résistants du groupe France-Lorraine morts pour la France, Ludovic Monnier y figure sous son pseudonyme d’Henri Combe. Son acte de décès fut enregistré le 19 août 1944 à la mairie d’Oppède sous ce nom. Un jugement fut rendu par le Tribunal civil d’Apt le 2 mars 1945 rectifiant son identité, il s’agissait bien de Ludovic Henri Monnier, artiste peintre. Curieusement, c’est le nom d’Henri Combe qui fut repris sur la stèle de Maubec érigée plus tard et la « mémoire » vauclusienne de la Résistance, si l’on en juge les diverses publications qui évoquent les faits n’a toujours pas enregistré sa véritable identité. En revanche, c’est sous le nom de Monnier qu’il figure sur le monument « aux martyrs de la Résistance » de Manosque (Basses-Alpes/Alpes-de-Haute-Provence) et sur la stèle aux morts de la Résistance des Bouches-du-Rhône au carré militaire du cimetière Saint-Pierre à Marseille. Sur proposition de ses camarades résistants et artistes le 27 juillet 1946 le conseil municipal de Marseille décida d’attribuer le nom de Ludovic Henri Monnier à l’escalier reliant la rue Fort-Notre-Dame à la Place aux huiles, dans ce quartier du canal où il avait de nombreuses amitiés parmi les artistes provençaux. Le portrait-médaillon de bronze jouxtant la plaque portant son nom, œuvre du sculpteur André Verdilhan disparut du haut du passage vers les années 1980-1990. La mention « Mort pour la France » lui fut attribuée le 3 novembre 1954.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138537, notice MONNIER Ludovic, Henri dit COMBE Henri, Michel par Daniel Grason, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 8 octobre 2011, dernière modification le 12 décembre 2021.

Par Daniel Grason, Jean-Marie Guillon

Ludovic Monnier
Ludovic Monnier

SOURCES : RGASPI 545.6.1041, BDIC mfm 880/1. – Arch. PPo, 77 177. – Arch. Musée de la Résistance azuréenne, Nice (rapports du CER et du CMR des Basses-Alpes mars-avril 1944). — Arch. Dép. Var, 4 M 291. – site internet Mémoire des hommes SHD Vincennes GR 16 P 426736 et Caen AC 21 P 105296 (à consulter). ⎯ Association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation, La mémoire gravée. Monuments, stèles et plaques commémoratifs de la Seconde Guerre mondiale dans le département de Vaucluse, Fontaine-de-Vaucluse, Musée d’Histoire, 2002, p. 52. ⎯ Castells Andreu, Las Brigadas internacionales de la guerra de España, Barcelone Ariel, 1974. Adrien Blès, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Marseille, Éditions Jeanne Laffitte, 2001. ⎯ Louis Coste (dir.), La Résistance du pays d’Apt, de la Durance au Ventoux, Apt, 1974, rééd. 1982, p. 239-240. — Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes de Haute-Provence 17 juin 1940-20 août 1944, Digne, 1983 et rééd. 1990. ⎯ René Gilli, 1936 Tranches de vie 1946, La Trinité, sd, dactylog. ⎯ Pierre Heckenroth, Oppède en Comtat-Venaissin, Oppède, chez l’auteur, 1992. ⎯ Serge Issautier, La Résistance en Vaucluse, documents et témoignages, Avignon, CDDP, recueil n°8, 1980 (témoignage du chauffeur du car). ⎯ Mireille Pinsseau, Les Peintres en Provence et sur la Côte d’Azur pendant la Seconde Guerre mondiale, Marseille, La Thune, 2004, p. 112. ⎯ Vaucluse 44. L’armée de la liberté retrouvée. Aspects de la Résistance et de la Libération, Avignon, ONAC, 2004, p. 40. ⎯ Témoignage du 24 septembre 2012 de Jean-Philippe Monnier son fils sur l’activité artistique et résistante de son père. – État civil, Rennes. – État civil et service cimetière, Oppède.
ICONOGRAPHIE : Coll. Jean-Philippe Monnier.

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