Par Jacques Girault
Né le 29 avril 1887 à Marigné-Laille (Sarthe), mort le 31 octobre 1954 à Versailles (Seine-et-Oise) ; inspecteur primaire ; militant syndicaliste.
Fils d’un cultivateur, René Lemoine entra à l’École normale d’instituteurs du Mans (Sarthe) en 1903. Après avoir effectué son service militaire, il fut instituteur à Loué de 1907 à 1909 puis à La Flèche en 1909-1910. Il fut alors nommé instituteur délégué à l’école primaire supérieure de Tréguier (Côtes-du-Nord) en 1910. Admissible en 1913 au certificat d’aptitude au professorat des écoles normales et des EPS, il fut reçu la même année au certificat d’aptitude à l’inspection primaire.
René Lemoine se maria en septembre 1912 au Mans avec une professeur de sciences à l’EPS d’Angers (Maine-et-Loire). Le couple eut deux enfants.
Mobilisé en août 1914, comme sergent dans l’infanterie, il devint sous-lieutenant en 1915. Après novembre 1918, il resta sous les drapeaux dans l’armée d’Orient. Il fut blessé à trois reprises.
En octobre 1919, René Lemoine fut nommé professeur de lettres à l’EPS d’Angers, puis l’année suivante, obtint le poste d’inspecteur primaire à Saint-Flour (Cantal). Il fut nommé inspecteur primaire à Segré (Maine-et-Loire) en 1920 et continua à habiter à Angers où son épouse enseignait.
Dans la circonscription de Segré, il connut des difficultés avec le personnel enseignant. Il suivait de près le fonctionnement des caisses des écoles, encourageait la pratique des travaux manuels, s’intéressait aux œuvres postscolaires et à la mutualité. À la suite d’une notation sévère du directeur du cours complémentaire de Segré et de sa traduction devant une commission médicale à sa demande, suivie d’un refus d’une promotion, convaincu que l’inspecteur primaire avait mal apprécié, l’inspecteur d’Académie, pour éviter un conflit ouvert avec le syndicat des instituteurs, voulut lui accorder une mutation-promotion dans la circonscription de Saumur. Il refusa. On lui proposa un poste au Blanc (Indre), son épouse étant nommée à l’École normale d’institutrices. Le couple refusa. Pendant cette période, le syndicat ne cessa de le dénigrer, et un article de son bulletin se termina en novembre 1925 par la sentence : « l’inspecteur primaire n’est pas digne de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». En effet, il aurait, selon l’inspecteur d’Académie, insulté Zélie Robert* et le secrétaire du syndicat qui soutenaient leur collègue de Segré qui refusait de participer à la conférence pédagogique. Une campagne de soutien à Lemoine constitua une réponse à la « dictature » syndicale, puisque 152 enseignants sur les 185 de la circonscription signèrent la pétition s’opposant à la campagne de « calomnies » d’origines syndicales contre l’Inspecteur qui devait, selon eux, rester « à son poste de combat ». Le Temps, le 1er mai 1926, dans un article « Élections au conseil départemental », évoqua anonymement cette affaire qui illustrait, selon le journal, l’action néfaste de la CGT. Membre influent du Syndicat des inspecteurs fondé en 1929, dont il assurait la vice-présidence, il écrivit, le lendemain, au ministre, « je désavouerais toute action se servant de mon cas », manière implicite de soutien à l’organisation syndicale des instituteurs.
Finalement, René Lemoine fut muté d’office à Péronne (Somme) et son épouse nommée à l’EPS d’Amiens. Puis il obtint la circonscription d’Amiens en 1931. Parallèlement il soutint en 1934 à Lille deux thèses de doctorat d’État sur la loi Guizot et son application dans la Somme (mention « honorable »), et sur l’enseignement mutuel dans la Somme sous la seconde Restauration.. Il eut des rapports difficiles avec l’administration, jugé par l’inspecteur d’Académie, en 1937 « trop expéditif », « dédaigneux », incorrect et insolent. il ne recule pas devant l’incorrection et l’insolence à mon égard », soutenant les revendications des maires contre l’administration académique. Et pourtant, l’inspecteur vantait son action « excellente » qui empêchait toute sanction. Pourtant il ne fut pas inscrit sur la liste d’aptitude pour être nommé à Paris comme il le souhaitait mais fut nommé dans la deuxième circonscription de Seine-et-Oise à la fin de 1937. Son prestige vis-à-vis du personnel fut grand pendant la guerre d’autant qu’il suivait personnellement la formation des élèves-maîtres et prenait partie ouvertement pour la Résistance. Il fit inscrire au programme de la conférence pédagogique de novembre 1944, « faut-il enseigner aux enfants la haine des allemands ? ». Nommé dans la première circonscription en 1947, il fut détaché auprès du Ministère des Affaires étrangères, en mars 1948 comme expert conseil pour le projet « Témoin d’Éducation de base » de l’UNESCO à Haïti.
Secrétaire général de 1945 à 1947 du Syndicat des inspecteurs et inspectrices de l’enseignement primaire et maternel de France et des Colonies, affilié à la Fédération générale de l’enseignement puis à la Fédération de l’Education nationale-CGT, René Lemoine fut élu en juin 1946 membre du Conseil de l’enseignement du premier degré qui l’élut au Conseil supérieur de l’Éducation nationale jusqu’à sa retraite en juillet 1948.
Par Jacques Girault
OEUVRE : La loi Guizot. 28 juin 1833. Son application dans le département de la Somme, Paris, Hachette, 1933, 599 pages. — L’enseignement mutuel dans le département de la Somme sous la seconde Restauration, Paris, Hachette, 1933, 114 pages.
SOURCES : Arch. Nat., F17/ 25271. — Jean Buisson, Michel Cruchet, André Guillot, Michel Luc, Michel Marucelli, Jean-Claude Miteran, Michel Moisan, Jean Tétard in 1929-1999...Soixante-dix ans d’histoire du Syndicat des inspecteurs primaires de France et des colonies au Syndicat de l’inspection de l’éducation nationale, Paris, avril 1999. — Notes de Louis Botella et de Julien Cahon.