Par Jean-Paul Damaggio
Né en mars 1911 à Moissac (Tarn-et-Garonne), mort le 10 septembre 1936 à la bataille de Huesca ; ouvrier du bâtiment ; volontaire en Espagne républicaine.
Fils d’un conducteur de calèches, aîné d’une famille de six enfants dont quatre survécurent, Maurice Rajaud suivit sa mère à Caylus (Tarn-et-Garonne) dans la famille maternelle, pendant que le père fait la Première Guerre mondiale en Syrie.
Avec les années 1930, il se fit remarquer d’abord par un sauvetage exceptionnel qui lui vaut une récompense de la fondation Carnegie, mais aussi par son engagement politique communiste sans être membre du parti. Il s’était déjà distingué à l’armée où il avait refusé le grade de caporal car disait-il, « ses épaules n’étaient pas de taille à supporter les galons. »
Avec d’autres jeunes, il imposa l’Internationale dans les fêtes de village.
Quand éclata la guerre d’Espagne, Rajaud avait vingt-cinq ans, et était ouvrier du bâtiment, dans le secteur de Caylus où une petite ville proche, Laguépie, seule municipalité communiste du département. « Dans un élan généreux, par un acte mûrement réfléchi, il s’engagea comme mitrailleur dès le début septembre, et c’est à ce poste que le 10 du même mois il a trouvé une mort glorieuse sur le front de Huesca. » écrivait le journal local Le Républicain du 14 novembre 1936.
Il était parti le 3 septembre 1936, jour de foire à Caylus, grâce, dit la famille, au Secours Rouge, pour Barcelone.
Arrivé, il envoya une lettre à son frère.
« Barcelone, le 6 septembre 1936
Cher frère
Je viens par ces quelques mots te donner de mes nouvelles qui sont très bonnes. Ici tout va bien. Le commerce marche bien tout parait fier. Ce n’est pas ce que les journaux bourgeois nous disaient.
Enfin dis à Ponpon et à Albert que s’ils veulent venir ils doivent pouvoir passer encore. Soigne-moi bien le chien. Car ensuite fini. Peut être que je reviendrais ?
Toujours de l’espoir ? N’oublie pas de faire voir la lettre à notre sœur et beau-frère. Sans oublier notre mère. Dis lui que c’est son pain que je défend(sic). Car l’Espagne fasciste victorieuse c’est la guerre pour la France. Alors pense à moi comme moi je pense à vous tous. Chers frère sœur et mère et mes copains et copine. Alors adieu à tous car demain c’est dimanche et je veux voir la ville car déjà j’en connais un bon peu. Adieu Reçois
de ton cher frère mille baisers
Maurice »
Il s’engagea aussitôt pour le front et partit le 7 septembre avec le comité français (une section de mitrailleurs français et suisses) de la Colonne Los Aguiluchos de la FAI. Il se déclara "indépendant". Les colonnes se dirigèrent vers Huesca, ville tenue par les Franquistes.
C’est le secrétaire du Secours rouge du secteur de Caylus, Roger Savignac qui apprit à la famille la nouvelle de la mort le 10 septembre, sous l’effet d’un éclat de bombe d’avion, et donna le lieu.
« Une information directe, signée de son chef de section, nous apprend qu’il a trouvé la mort sur le front de Huesca, le 10 septembre 1936, atteint par un éclat de bombe d’avion. » annonça le journal radical L’Indépendant le 14 novembre 1936. Il était mort à Vicién, aux portes de Huesca au moment où les Républicains tentent de reprendre la ville. L’historien David Berry l’inscrivit dans sa liste des militants anarchistes tués au front. Maria Martínez Sorroche évoque son nom dans un témoignage sur le front d’Aragon ; c’est la seule trace pour le moment de son bref passage comme volontaire en Espagne.
Dans ses souvenirs, Albert Minnig, écrit : « À midi, nous venons à la distribution et, à peine le repas commencé, la garde signale à nouveau l’aviation. Ce sont les avions fascistes du matin et chacun court se cacher. Des détonations effroyables secouent les maisons, des femmes hurlent et s’évanouissent. Une cinquantaine de bombes sont tombées tout autour du castillo, un hangar a été démoli et nous courons pour voir s’il n’y a pas de blessés. Des camarades reviennent déjà avec des brancards chargés, un Espagnol a eu la tête arrachée. Nous arrivons vers une petite maison, un homme à demi agenouillé tenant encore son fusil est plaqué contre le mur, il est noirci par l’explosion et il lui manque un bras. Vite un brancard pour le transporter à l’infirmerie. Le docteur regarde : « Il est mort ! Vite un autre, laissez la place » et des infirmiers le lavent — stupeur, c’est Rajaud, un Toulousain de notre groupe. La tristesse est sur tous les visages, mais dans les cœurs se réveillent la haine et le désir de vengeance. Le triste bilan de ce bombardement se chiffre à sept morts et dix blessés. »
Une rue de Caylus porte son nom depuis 2011.
Par Jean-Paul Damaggio
SOURCES : Presse locale du Tarn-et-Garonne. — Notes d’Edouard Sill : Archives IISG FAI Pe 15 a3 et FAI Pe 17. — Albert Minnig, Pour le bien de la révolution,
CIRA, 2006, p. 27 et 28.