CHEVÉ Eugène, Louis, Joseph, Marie

Par Alain Prigent

Né le 7 mars 1923 à Loudéac (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor), mort le 28 octobre 2011 à Loudéac ; instituteur puis professeur de collège ; responsable départemental du SNI ; militant communiste, suppléant aux élections législatives en 1962 et 1967, conseiller municipal à Loudéac dans l’opposition (1977-1989) puis adjoint au maire (1989-1995).

Eugène Chevé naquit dans une famille de petits fermiers de Loudéac. Comme ses deux frères et sa sœur, il fréquenta l’école primaire communale. Après des études au cours complémentaire de Loudéac, il fut élève-maître à l’École normale d’instituteurs de Saint-Brieuc (promotion 1941-1944) transférée au lycée Anatole Le Braz de Saint-Brieuc par les autorités de Vichy. Le 12 novembre 1943, un des groupes de résistance des Forces unies des jeunesses patriotiques, formé de jeunes lycéens de Saint-Brieuc, abattit un soldat allemand dans la ville voisine de Plérin. Chevé qui faisait partie des FUJP échappa aux arrestations. Le 12 décembre 1943, le lycée fut l’objet d’une nouvelle rafle. Les trois lycéens qui avaient abattu le soldat allemand furent condamnés à mort et fusillés au Mont Valérien, le 21 février 1944. Chevé dut se rendre avec trois promotions d’élèves-maîtres à Beaufort-en-Vallée (Maine-et-Loire) avec interdiction de revenir en Bretagne. Mais après le débarquement du 6 juin, la plupart d’entre eux revinrent à pied en Bretagne pour continuer le combat. Au cours de l’été 1944, il participa aux actions contre l’occupant, en particulier en gare de Loudéac, dans un groupe de résistance commandé par son frère aîné Louis Chevé*, instituteur lui aussi.

Après son service militaire en 1945, Chevé épousa une institutrice, fille d’un mécanicien. Le couple eut deux enfants.

Eugène Chevé débuta sa carrière en 1946 à Illifaut, à Plérin, à l’école de Trémuzon de Loudéac (en 1950), puis à La Chèze, de 1951 à 1958. Il revint au cours complémentaire de Loudéac, avant de prendre sa retraite en 1978 comme PEGC au collège de Loudéac. Il consacra une partie de son temps libre aux jeunes de la région de Loudéac. Pendant 25 ans, il fut moniteur de la colonie de vacances Aventure animé par le mouvement laïque et installé à Binic (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor).

Eugène Chevé fut un militant syndical très actif. Membre de la commission administrative de l’union locale CGT de Loudéac en 1949, à un moment où des instituteurs avaient la double appartenance à la FEN-CGT, il milita ensuite essentiellement au Syndicat national des instituteurs. Il occupa pendant près de deux décennies le poste essentiel pour l’organisation de délégué cantonal : à La Chèze d’abord en 1954, puis à Loudéac à partir de 1974. Élu pour la première fois sur la liste « cégétiste » au conseil syndical du SNI en 1954, dirigée par Georges Hélloco, il siégea jusqu’en 1973 au sein de la liste d’union initiée par Émile Thomas*, puis concrétisée par le communiste Maurice Renault* et le socialiste (SFIO, PSA, PSU et PS) Sylvain Loguillard*, liste qui fut majoritaire au sein de la section départementale de 1960 à la scission de 1992. Ses qualités d’animateur de terrain et de grande ouverture intellectuelle le menèrent rapidement au bureau de la section départementale du SNI de 1954 à 1962. De 1960 à 1964, il eut la responsabilité de la trésorerie comme titulaire puis comme adjoint. Il fut membre du comité technique paritaire départemental de 1962 à 1970. Très actif pendant les grèves en mai 1968, il intervint à Loudéac, le 31 mai, dans un meeting intersyndical au nom de la Fédération de l’Éducation nationale pour protester contre l’intervention de la police pour débloquer la poste occupée par les grévistes. Il cessa son activité syndicale au niveau départemental en figurant candidat en fin de la liste « Unité Action » en 1973. Mutualiste convaincu, il fut membre de la commission administrative départementale de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale pendant 20 ans.

Parallèlement, Chevé fut un militant communiste de premier plan. Membre des Jeunesses communistes depuis 1943, il donna son adhésion au Parti communiste français en 1947. Rapidement, il devint le secrétaire de la section du PCF de Loudéac et le demeura pendant deux décennies (1955-1975). Alors qu’il était domicilié à La Chèze, il participa, le 6 juin 1952, au meeting à la Maison du peuple à Saint-Brieuc, puis à la manifestation interdite par la préfecture, organisée par le PCF, la CGT et un certain nombre d’autres organisations, contre la venue du général Ridgway en France.

Il fut suppléant d’Auguste Le Coënt, membre du Conseil de la République, aux élections législatives de 1962 et 1967 dans la circonscription de Loudéac. Sans mettre en ballottage Marie-Madeleine Dienesch, ils furent dans ces années les seuls vrais opposants de gauche au pouvoir gaulliste. Ils obtinrent 27,2% des suffrages exprimés en 1962 au premier tour et 43,7% au second tour. En 1967, les scores furent presque identiques (27% et 43,3%). Chevé fut à trois reprises le candidat du PCF aux élections cantonales à Loudéac. Ses qualités humaines et son ouverture d’esprit furent reconnues par une large fraction de l’électorat dans un canton pourtant peu sensible aux idées communistes et en pleine mutation sociologique (installation de l’usine Olida). Il obtint en 1967 14,1% des suffrages exprimés, puis en 1973 près d’un tiers des suffrages (29,5%). En 1979, il fut même présent au second tour (26,2 puis 47,9%). Il refusa d’intégrer la liste du maire divers droite comme le firent nombre de personnalités de gauche. Il dirigea une liste d’union de la gauche en 1977 et entra pour la première fois au conseil municipal dans l’opposition avec trois autres élus (dont M. Morzel, Inspecteur départemental de l’Éducation nationale en retraite) au maire M. Etienne (1977-1983). En 1989, les temps et les rapports de forces changeant, il devint l’adjoint à l’environnement dans la nouvelle majorité dirigée par le nouveau député PS, Didier Chouat*, de 1989 à 1995. Il se retira ensuite de toute vie publique.

Après son décès, une note parut dans les carnets de l’Humanité, le 10 novembre 2011.

Sa fille, Christiane Chevé, était une militante de la section de la LDH de Loudéac.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138704, notice CHEVÉ Eugène, Louis, Joseph, Marie par Alain Prigent, version mise en ligne le 7 novembre 2011, dernière modification le 13 décembre 2021.

Par Alain Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes d’Armor : 12W33 (Note des RG décembre 1950) ; 47W6 (rapport des renseignements généraux, juin 1968) ; 1043W38 (manifestation de juin 1952) ; 1079W260 (note des RG du 30 janvier 1976). — Archives du Comité national du PCF. — Fichier des membres du comité fédéral de la Fédération des Côtes-du-Nord du PCF établi par Gilles Rivière. — Archives de l’UD CGT des Côtes d’Armor. — Archives de la FSU 22. — Une semaine dans les Côtes-du-Nord, supplément de l’Humanité Dimanche. — Alain Prigent, Mondes du travail et syndicalismes dans les Côtes-du-Nord (1944-1984). Espaces, pratiques, cultures et représentations, DEA sous la direction de Jacqueline Sainclivier, Rennes II, 2004. — Alain Prigent (sous la direction de), Des salles de classe aux luttes sociales : Mai-juin 1968 dans les Côtes-du-Nord, Publication FSU-22, 2009. — Alain Prigent, Serge Tilly, La bataille du rail, Les Cahiers de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord, N°8/9, 2000. — Edouard Quemper, Prison pour une belle Marseillaise, Saint-Brieuc, 2002. — Ouvrage collectif, De la nuit à l’Aurore, des lycéens dans la guerre, Association A. Le Braz, 1995. — Entretien le 14 janvier 2008. — Notes de Jacques Girault.

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