BESSAIGNET Pierre, Octave, Henri, dit Morel, dit Pierre

Par Philippe Bourrinet

Né en 1914 à Cannes (Alpes-Maritimes), mort le 29 septembre 1989 à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) ; économiste, ethnologue, rédacteur de la Revue internationale, revue théorique d’extrême gauche (1945-1951) ; militant de la Gauche communiste de France (1945-1952).

Pierre Bessaignet, issu d’une famille aisée, son père était rentier à sa naissance, obtint un diplôme de philosophie à Paris, tout en suivant l’enseignement de l’ethnologue Marcel Mauss à l’École pratique des hautes études. En 1940, il quitta la France et suivit un enseignement aux universités de Yale et de Harvard, tout en acquérant une solide formation économique, sous la direction de Joseph Schumpeter. Revenu en France en 1945, il travaille dans le secteur économique officiel, centré sur la reconstruction, et suivit simultanément un enseignement sur la langue canaque de Houaïlou (Nouvelle-Calédonie) aux Langues orientales.

Dans sa jeunesse, marqué par les idées de l’Opposition trotskyste, dont il avait connu les ténors, il s’engagea après-guerre dans une activité théorique visible, marquée à l’extrême gauche, en contribuant avec Pierre Naville, David Rousset, Gérard Rosenthal, Gilles Martinet*, Maurice Nadeau et Charles Bettelheim, notamment, à la fondation de la Revue internationale en décembre 1945, mise en place par d’anciens membres de l’Opposition trotskyste.

Peut-être par l’intermédiaire de Jean Malaquais qu’il avait connu aux États-Unis, Pierre Bessaignet, s’engagea dans une activité de réflexion révolutionnaire autour de la Gauche communiste de France (GCF) – groupe d’extrême gauche, situé entre le bordiguisme et le communisme des conseils, qui publia dans la revue mensuelle Internationalisme plusieurs de ses articles qu’il signait du pseudonyme de Morel. Il défendit l’idée d’une évolution graduelle de la société capitaliste vers le capitalisme d’État, ouvrant une « perspective de barbarie », y compris aux USA, dont la « société managériale » (théorisée par Burnham) correspondait à cette phase.

Dans le cadre de son évolution théorique, Pierre Bessaignet se trouva en désaccord théorique avec les membres de la Revue internationale, qui définissaient la « bureaucratie » soviétique comme « ouvrière » et non capitaliste. En 1948, il rendit publique son hostilité à l’évolution de certains de ses rédacteurs vers le Parti socialiste unitaire (Pierre Naville et Gilles Martinet) et le RDR (David Rousset), voire le PCF (dans le cas de Bettelheim). Limitant progressivement sa collaboration à la revue, il la quitta finalement.

Il continua une activité informelle de discussion autour de la revue Internationalisme. Il fut de ceux qui en 1952, au moment de la guerre de Corée, constatèrent la mort du petit groupe « ultragauche » GCF, lorsque son fondateur Marc Chirik décida de quitter l’Europe, pessimiste sur l’avenir d’une Europe menacée d’holocauste nucléaire.

Pierre Bessaignet maintint quelques contacts intellectuels avec le cercle de discussion de Maximilien Rubel, mais en s’éloignant de toute forme d’activité politique. Déjà reconnu comme ethnologue, il entra au CNRS en 1949 en tant qu’attaché de recherche. Il obtint en 1954 une mission de recherche sur les Indiens Iroquois du Sud-Dakota. Installé aux USA, il fut nommé professeur à l’université Hobart de l’État de New York.

En 1956, l’UNESCO le chargea d’établir le département de sociologie de l’université de Dacca (Pakistan oriental), où il devint professeur, tout en menant de front des recherches sur la civilisation Bengali. En 1959 il poursuivit les travaux de Frederick Barth en Iran à la demande de l’UNESCO et enseigna à l’Institut d’études et de recherches sociales de Téhéran, nouvellement créé, où il mit en place le département d’études anthropologiques.
Pierre Bessaignet obtint un poste à l’Université de Nice en 1965, il y mit en place le Centre d’étude des relations interethniques tout en dirigeant le laboratoire d’ethnologie de cette université de 1967 à 1983, où il manifesta toujours un vif intérêt à la problématique du métissage. Selon lui, « une humanité qui résulterait d’une fusion des peuples qui la composent serait… mieux apte aussi à s’accommoder des bouleversements que, sur le plan social, l’époque lui réserve, voire à les susciter. Par leur situation à l’écart des cadres établis, les groupes issus des mélanges ont toutes les chances d’être à la pointe des grandes mutations… »

Il s’était marié à Geneva, état de New-York aux Etats-Unis le 19 janvier 1951 avec Aleth, Jeanne Berlié dont il divroça en 1979.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138760, notice BESSAIGNET Pierre, Octave, Henri, dit Morel, dit Pierre par Philippe Bourrinet, version mise en ligne le 11 novembre 2011, dernière modification le 20 décembre 2011.

Par Philippe Bourrinet

ŒUVRE  : (en collaboration avec) Charles Bettelheim, Gilles Martinet, Pierre Naville, Le Corbusier et Jacques Hardy, La crise française, Paris, Le Pavois, 1945. — La Revue internationale, n° 18, oct. 1947, « Réponse à une théorie de la bureaucratie nouvelle ». — Internationalisme, n° 40, déc. 1948, « A propos de la Revue internationale » ; n° 42, fév. 1949, « La perspective de barbarie » ; n° 43, juin-juillet 1949, « La phase du capitalisme d’État » (articles signés du pseudonyme de Morel).. — Coopération et Capitalisme d’État. L’expérience suédoise de coopération agricole, Paris, Presses Universitaires de France, 1953. — La pseudo-monnaie primitive, thèse de doctorat d’État, Paris, Sorbonne, 1957.—Méthode de l’anthropologie, Téhéran, 1961. — Principes de l’ethnologie économique (une théorie de l’économie des peuples primitifs), thèse complémentaire, Paris, LGDJ, 1966. — La jeunesse, la fête et l’école. Fêtes, jeunesse et institutions communales dans la Provence d’hier et d’aujourd’hui, Éditions d’aujourd’hui, Nice 1982 (ouvrage collectif, université de Nice). — “Le métissage”, article, in Encyclopedia Universalis, DVD, 2004.

SOURCES  : Gérald Gaillard, Dictionnaire des ethnologues et des anthropologues, coll. Cursus, Armand Colin, 1997. — BDIC, Nanterre, fonds Rubel. — Lettres de Pierre Bessaignet à Pierre Naville, 1945-1960. — Archives Pierre Naville, Musée social, 5, rue Las Cases 75007 Paris.— Etat civil.

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