KRONFELD Dora [épouse PESCHANSKI]

Par Daniel Grason

Née le 6 décembre 1910 à Grodno (Pologne), morte 17 octobre 2005 ; ingénieur chimiste ; communiste ; résistante ; déportée.

Dora Kronfeld
Dora Kronfeld

Dora Kronfeld était la fille d’Abraham et d’Ida, née Sobol, elle arriva en France en 1935 venant de Tel-Aviv (Palestine, Israël) où vivaient ses parents. Elle résida à Caen (Calvados), étudiait à la faculté, retourna en Palestine et revint au début de l’année 1937. Elle résida au quartier Latin, puis au 16 rue Sorbier, (XXe arr.). Sa carte d’identité était valable jusqu’au 17 septembre 1942. Séparée de son mari, elle vivait avec Alexandre Peschanski, elle était inscrite à la Faculté des sciences. Connue comme communiste, membre de la sous-section juive du PCF, elle fit l’objet d’un arrêté d’expulsion en juillet 1938, lors de la visite des souverains Britanniques, elle obtint avec l’appui l’administration de la faculté des sursis successifs. Elle quitta Paris de juin à septembre 1940, au moment de l’exode.
Le 9 juillet 1942 vers 20 heures, des inspecteurs de la BS 2 l’arrêtèrent au 4 rue Georges-de-Porto-Riche, à Paris XIVe arrondissement où elle louait une chambre sous le nom de Casabianca. Lors de la perquisition furent saisis : une carte d’identité d’étrangère au nom de Fajga Flak ; des cartes d’alimentation au nom de Grégor Dadourian et Alexandre Peschanski, sujet soviétique ; une photographie de ce dernier en uniforme des Brigades internationales ; un flacon de cyanure de potassium ; trente-cinq boîtes de celluloïd destinées à contenir des savonnettes, mais dont des modèles semblables servirent de récipients d’engins incendiaires dans la région de Pithiviers (Loiret) ; une fausse carte d’identité française au nom de Louise Casabianca avec sa photographie, etc. Dans son logement en rez-de-chaussée du 16 rue Sorbier, (XXe arr.), les policiers découvrirent : trente tubes de verre de différentes tailles ; un flacon de ferrocyanure de potassium ; un flacon de prussiate de sodium ; une boîte de capsule de gélatine ; un sachet de poudre blanche.
Son interrogatoire eut lieu dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, elle donna des explications sut tout ce qui était saisi. Le nom de Casabianca pour la location rue Georges-de-Porto-Riche, lui fut donné par un dénommé Lucien (Robert Beck), dont elle prétendit ignorer l’identité. Elle assura utiliser cette fausse identité parce que la Régie immobilière de la Ville de Paris ne louait pas aux israélites et cela lui permettait de dissimuler son identité de juive étrangère et sortir après 20 heures. Quant à la pièce d’identité au nom de Fajga Flak, c’était une amie étrangère passée en zone libre, en fait celle-ci vivait avec Michaël Mielzinski. Ingénieur chimiste, elle utilisait les tubes et les ingrédients pour des expériences. Elle déclara ignorer la présence des produits saisis à son domicile de la rue Sorbier.
Les policiers lui présentèrent les photographies de : Szyffra Lypszyc, Robert Beck, Naftule Grosman, Szajndla Zajdman, Frania Friszberg, Sygmund Brajlowski, avec aplomb elle répondit qu’elle ne connaissait personne. Elle ne voulut pas livrer le nom de Lucien, déclarant qu’elle ne l’avait pas vue depuis deux mois. Les pièces saisies étaient accablantes, sa qualité d’ingénieur chimiste, connue comme communiste elle vivait avec Alexandre Peschanski, un ex-Brigadiste, tout cela ne laissait guère de place au doute. Elle fut accusée de faire partie d’une organisation « terroriste internationale ».
Elle faisait partie d’un réseau de renseignement et d’action du Komintern (Internationale communiste) organisé par Robert Beck, Szyfra Lipszyc et Hittel Gruskiewicz. Elle fut livrée au Sonderkommando IV de la Geheime Feldpolizei (GFP), police de sûreté qui siégeait à l’hôtel Bradford. Elle comparut probablement le 14 octobre 1942 devant le Tribunal militaire allemand du Grand Paris qui siégeait dans le quartier allemand de la prison de la Santé, elle fut condamnée à une peine de travaux forcés et classée Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard « NN »). Il y eut six condamnations à mort : Robert Beck,Szyfra Lipszyc, André Lecler*, Bénédikt Librod*, Gilbert Bacot* et cinq condamnations aux travaux forcés à perpétuité. La presse collaborationniste Le Matin, Aujourd’hui et Le Petit Parisien, se fit l’écho des verdicts le 8 décembre 1942, un seul nom était jeté en pâture à l’opinion publique, celui de Szyfra Lipszyc, Juive et Polonaise.
Le 30 novembre 1942, Dora Kronfeld quitta la prison et partie de la gare de l’Est avec d’autres détenus pour purger sa peine en Allemagne. Elle fut successivement incarcérée à la prison de Karlsruhe, à Lübeck-Lauerhot, lieu d’application des peines « NN », à Jauer prison de travaux de travaux forcés située au sud-ouest de Breslau (Allemagne), puis Wrocław (Pologne). Transférée en février 1945 au camp de concentration de Ravensbrück, en mars à la prison de Neubrandenburg, libérée le 3 mai 1945, rapatriée par la Suisse elle revint en France le 30 juin 1945.
L’arrêté d’expulsion dont elle fit l’objet en 1938 fut rapporté le 19 juin 1946. Elle se maria avec Alexandre Peschanski, le couple habita 11 rue Jean-de-Beauvais, à Paris Ve arr., puis 13 rue de Chastenaye, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). Dora Kronfeld épouse Peschanski a été homologuée Déportée, internée, résistante au titre de la Résistance intérieure française (RIF).
Ingénieur chimiste, diplômée de la Faculté de Caen, elle fut chargée de recherches à la section chimie et physique minérale aux CNRS, elle reçut Les palmes académiques. Elle adhéra à l’Association des anciennes déportées et internées de la Résistance (ADIR), qui regroupait les déportées de Ravensbrück. Dora Peschanski donna naissance à trois garçons, Robi, né en 1946, physicien au CEA, Marc né en 1952, biologiste et neurophysiologiste et Denis né en 1954, historien au CNRS.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138849, notice KRONFELD Dora [épouse PESCHANSKI] par Daniel Grason, version mise en ligne le 13 novembre 2011, dernière modification le 8 janvier 2022.

Par Daniel Grason

Dora Kronfeld
Dora Kronfeld

SOURCES : Arch. PPo. PCF carton 13, 1W 0101, 77W 385. – Bureau Résistance GR 16 P 323853. – Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Éd. Tirésias, 2004.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 181 cliché du 10 juillet 1942.

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