GROSMAN Naftule ou Naftali

Par Daniel Grason

Né le 3 octobre 1907 à Kolki (Pologne, Ukraine), mort le 19 novembre 1943 à Natzweiler (Bas-Rhin) ; monteur câbleur en appareils de TSF ; communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; résistant ; interné ; déporté.

Fils de Volof et de Maria, née Bjick, Naftule Grosman était célibataire, il fit son service militaire en Pologne. Il quitta son pays vers 1932, traversa la Tchécoslovaquie, alla en Belgique, y travailla jusqu’en 1934. Il se porta volontaire en Espagne républicaine, il aurait combattu avec l’armée républicaine, puis dans les Brigades internationales.
Il fut rapatrié en France au début de l’année 1939, interné au camp de Gurs. À sa libération il travailla quelques temps dans une ferme. Sans passeport il gagna la Belgique puis revint à Paris. Il demeura rue Saint-Sabin (XIe arr.). Il se porta volontaire dans un régiment de Volontaires Étrangers, le 23 décembre il était incorporé dans le Ier Régiment de marche des volontaires étrangers à Sathonay (Rhône). puis au 22e Régiment d’infanterie. Sa démobilisation eut lieu le 3 septembre 1940 à Caussade (Tarn-et-Garonne).
Il alla à Paris, se mit en règle avec la législation concernant les étrangers. Il obtint un récépissé de carte d’identité d’étranger, travailla jusqu’en mai 1942 chez David, 16 rue Sorbier (XXe arr. ). Ce dernier était juif, par crainte des lois antisémites du gouvernement de Vichy, il quitta Paris avec sa famille pour la zone libre. Il habita au 32 rue de la Mare (XXe arr.), puis au 45 rue Bénard dans le XIVe arrondissement chez François Berton*. Il louait dans le même arrondissement un local où il entreposait du matériel de TSF au 54 rue de Plaisance.
Naftule Grosman fut arrêté le 2 juillet 1942 vers 14 heures par des inspecteurs de la BS2 alors qu’il se présentait au domicile de Robert Beck 43 rue Gazan à Paris (XIVe arr.). Fouillé il portait un carnet d’adresses et une carte textile au nom de Henri Varrenne, né le 2 juin 1877 à Scharbeck (Belgique), serrurier au chômage, demeurant 6 passage des Muriers à Paris (XXe arr.). Interrogé celui-ci déclara qu’il faisait fonction de concierge. Concernant la carte textile, il affirma qu’il l’avait donné, et qu’il n’y avait ni vol ni abus de confiance.
Le 2 juillet 1942, alors qu’il se présentait 43 rue Gazan, (XIVe arr.) domicile de Robert Beck, trois inspecteurs de la BS2 l’interpellèrent, ils allèrent à son domicile. Dans une valise, ils découvraient, cent quarante mille francs en billets, cent cinquante dollars or, un billet d’une livre sterling, une carte d’identité au nom de Paul Durandon, six laisser passer en allemand, en blanc, pour franchir la ligne de démarcation. Sous le sommier du lit, dans un portefeuille, des photographies de brigadistes sur lesquelles figurait Naftule Grosman. Il déclara que la valise appartenait à un nommé Koslowski (Hittel Gruskiewicz* dit Bill).
Concernant sa visite chez Robert Beck, Naftule Grosman affirma qu’il avait fait sa connaissance pendant la guerre et que celui-ci devait lui trouver du travail, il était venu le voir pour la première fois en juin. « Il m’a dit qu’il n’avait pas pensé à moi et m’a demandé de revenir dans quelques jours. […] Je n’avais pas de relations particulières avec lui. Je ne savais notamment pas ce qu’il faisait. »
Répondant aux inspecteurs sur son appartenance à une organisation communiste en Pologne, en Belgique, en Espagne, et en France, il répondit par la négative, il déclara « Beck ne m’a pas pressenti pour entrer dans son groupement ayant pour but de commettre des attentats, des sabotages et d’incendier des récoltes en France ».
Or, au cours de la perquisition de sa chambre en sous location 45 rue Bénard à Paris (XIVe arr.), les policiers avaient saisis une valise à l’intérieur de laquelle se trouvaient : 140 000 francs, en billets de 1000 francs, 180 dollars, des billets de banque anglais, une fausse carte d’identité au nom de Paul Durandon revêtue d’une photo, de la correspondance adressée à Szjndla (Sonia) Zajdman, étudiante, juive polonaise, 22 rue du Sommerand, et à Etiennette Liand, un titre de permission au nom de Grégor Dadourian, des schémas de montage de postes de TSF, une boîte en métal contenant une pastille, divers papiers et photos, une bague probablement en or, quatre certificats de démobilisation, six laissez-passer allemands en blancs. Sommé de s’expliquer Naftule Grosman répondit que Kozlowski (Hittel Gruskiewicz* dit Bill) était propriétaire de la valise, il l’avait déposé la semaine précédente lui demandant de la garder quelques jours. Il le connaissait depuis 1940, un nommé Ivanoff qui tenait une boutique de chemiserie rue Meslay le lui avait présenté. Kozlowski était venu lui acheter des postes de TSF. Il déclara ignorer ce qui se trouvait dans la valise, alors que la clé était dans une serviette de cuir non fermée.
Dans une autre valise rangée dans la salle de bain se trouvait un exemplaire du 3e trimestre 1941 des Cahiers du bolchevisme. Sommé de s’expliquer, il déclara l’avoir trouvé le numéro rue d’Alésia (XIVe arr.) et l’avoir « conservé sans plus y penser. » Il reconnut que le portefeuille qui se trouvait sous son lit lui appartenait, il contenait des billets espagnols, des photos de la guerre d’Espagne dont l’une sur laquelle il figurait avec d’autres volontaires en tenue de milicien des Brigades internationales, d’autres du camp de Gurs. Son récépissé de carte d’identité figurait le 32 rue de la Mare (XXe arr.), il rétorqua « je n’ai pas fait marquer mon changement, parce que je ne savais pas qu’il fallait le faire. » Il déclara en conclusion : « je ne suis pas mêlé aux affaires de terrorisme. Je ne sais rien d’autre sur l’origine de la valise trouvée chez moi. Quant à Beck je l’ai vu simplement comme ami. »
Naftule Grosman possédait également un dépôt de postes de TSF au 54 rue de Plaisance à Paris (XIVe arr.), des inspecteurs de la BS2 y saisissaient six postes partiellement montés, une quinzaine de coffres à TSF, et une quinzaine de diffuseurs non branchés. Il faisait partie d’un réseau de renseignements et d’actions du Komintern (Internationale communiste) organisé par Robert Beck, Szyfra Lipszyc* et Hittel Gruskiewicz*. Naftule Grosman travaillait en relation avec l’ingénieur Jacques Hanlet* des établissements Metox, ils fabriquèrent des émetteurs qui permettaient à des agents secrets de correspondre avec Moscou. L’un était opérationnel au siège de la société Metox 124 rue de Réaumur (IIe arr.).
Il fut livré au Sonderkommando IV de la Geheime Feldpolizei (GFP), police de sûreté qui siégeait à l’hôtel Bradford. Le 14 octobre 1942, il comparut devant le Tribunal militaire allemand du Grand Paris qui siégeait dans le quartier allemand de la prison de la Santé, condamné probablement aux travaux forcés à perpétuité. Il fut incarcéré dans la prison de la Gestapo au Fort de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis), désigné comme otage. Les services de sûreté et de sécurité allemands s’adressèrent au cours des années 1942 et 1943, dans plusieurs courriers au commandant du camp de Romainville, pour mettre fin à son statut d’otage afin de le déporter.
Les autorités allemandes promulguèrent fin 1941 le décret NNNacht und Nebel – (Nuit et Brouillard). Une juridiction et une procédure spéciales comportant un jugement et l’exécution des peines, en Allemagne, dans le plus grand secret. Les condamnés disparaissaient ainsi dans «  La nuit et le brouillard ». Le 14 juillet 1943, cinquante-sept prisonniers du Fort de Romainville partaient de la gare de l’Est pour le camp de concentration de Natzweiler (Bas-Rhin), ils étaient tous des déportés politiques Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard), les deux lettres « NN » étaient peintes en blanc au dos de leurs habits de bagnards. Naftule Grosman matricule 4580 déporté avec comme prénom Antoine, y mourut le 19 novembre 1943.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138858, notice GROSMAN Naftule ou Naftali par Daniel Grason, version mise en ligne le 29 août 2017, dernière modification le 25 février 2019.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. 77W 380, 77W 385, GB 103 BS2. – David Diamant, Combattants Juifs dans l’armée Républicaine espagnole. 1936-1939, Éd. Renouveau, 1979. – Adam Rayski, « Au stand de tir. Le massacre des résistants ». Paris 1942-1944 », Mairie Paris, 2006. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Site Internet CDJC XLV-47, XLV-62.

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