BERLOZ Eugène, Nicolas.

Par Jean Puissant

Huy (pr. Liège, arr. Huy), 25 février 1853 – Morlanwelz (pr. Hainaut, arr. Thuin), 20 janvier 1937. Instituteur, coopérateur, militant du Parti ouvrier belge, conseiller communal, échevin puis bourgmestre socialiste de Morlanwez, député de l’arrondissement de Thuin.

Fils de Nicolas Etienne Berloz et de Marie Louise Pinet, Eugène Berloz effectue ses études supérieures à l’École normale de l’État de sa ville natale. Devenu instituteur, il obtient sa première place à l’école du Val-Saint-Lambert dans la commune industrielle de Seraing (pr. et arr. Liège). Il épouse Victoire Mononen en 1852. Ils ont trois fils.

À la fin des années 1870, Eugène Beerloz crée une école d’adultes et, selon Le Peuple du 1er mars 1923, donne une première conférence publique devant un groupe d’ouvriers, désireux de fonder une boucherie coopérative, dont il deviendra le président. En 1880, il quitte Seraing et obtient une place à l’école communale de Morlanwelz. En 1881, il rejoint l’école industrielle, créée à l’initiative de l’industriel Warocqué, où il dirige la section moyenne. Il adhère à la coopérative, Le Progrès, et à une société de libre pensée. En 1893, il participe à la création de la Fédération d’arrondissement du Parti ouvrier belge (POB) de Thuin.

À la suite de la révision constitutionnelle de 1893, le POB doit s’organiser désormais sur la base des arrondissements électoraux. Celui de Thuin est largement rural, seul le nord intégré au bassin du Centre est industriel. L’arrondissement comprend également la ville de Binche. Aux élections de 1894, la liste menée par Eugène Berloz obtient 23% des voix et est en mesure d’assurer l’élection des candidats libéraux au deuxième tour. Le décès d’un de ces derniers provoque une élection partielle le 13 janvier 1895. Après une campagne très active menée avec l’appui des dirigeants nationaux du parti, Berloz obtient une majorité de 2.000 voix au deuxième tour. Son élection complète donc le succès socialiste d’octobre 1894.

Quatre mois plus tard, une nouvelle élection partielle concrétise la progression socialiste avec 41,5% des voix mais Jules Lekeu* rate, de peu l’élection, à vingt-cinq voix près. Le Parti libéral a perdu 15% des voix au profit du POB mais, au deuxième tour, quelques électeurs libéraux qui ont assuré le succès d’Eugène Berloz en janvier, ont dû hésiter à élire un deuxième représentant socialiste (sur trois). Jules Lekeu présente, il est vrai, un profil plus radical que celui de Berloz mais cette double candidature d’enseignants, de petits bourgeois, souligne la tactique électorale du POB dans cet arrondissement qui cherche au delà de l’électorat ouvrier du nord de l’arrondissement, qui lui est acquis dans sa majorité, à gagner à sa cause la petite bourgeoisie urbaine du sud de l’arrondissement. Les deux partis sont rivaux incontestablement mais aussi complémentaires.

À la suite du recul socialiste amorcé en 1898, en 1904 surtout, par rapport aux résultats de 1894, le rapprochement des deux partis se concrétise dès 1908 et préfigure le cartel généralisé de 1912. Celui-ci, classiquement, ne rallie pas l’ensemble des deux électorats. Eugène Berloz joue un rôle important dans cette stratégie. Son statut social, son appartenance à la libre pensée en font un interlocuteur privilégié dans les contacts avec le libéralisme. Son point d’ancrage reste néanmoins le bassin industriel.

Élu conseiller communal à Morlanwelz en 1895, avec une interruption de 1903 à 1910, Eugène Berloz devient échevin en 1917. Il est bourgmestre de 1921 jusqu’à son retrait de la vie politique en 1932 à l’âge vénérable de 76 ans. En fait, Berloz ne se résout pas aisément à cette retraite politique. Mis à l’écart par le parti lors des élections communales, il tente de se présenter sur une liste dissidente, aux élections législatives de 1936, sans succès, car Morlanwelz est un fief libéral dominé par la famille Warocqué.

Après son élection comme député, Eugène Berloz fait valoir ses droits à la retraite en 1897 et se consacre désormais à sa carrière politique. Il est à l’origine de la création de l’Imprimerie coopérative de Morlanwelz (1899) qui imprime L’Éclaireur socialiste de 1897 à 1914. Berloz est ainsi parfois qualifié d’imprimeur.
En 1908, Eugène Berloz tente également de créer une coopérative de consommation qui fonctionne deux à trois ans et une Maison du peuple à Morlanwelz, siège notamment d’une mutuelle d’achat. Il parcourt activement l’arrondissement pour donner des meetings en période électorale, des conférences. Il s’occupe également du comité de patronage des pensions de vieillesse, de celui des habitations ouvrières. En 1912, il participe à la création de l’Assemblée wallonne où il siège de 1927 à sa mort. Durant la Première Guerre mondiale, il fait partie du Comité provincial de secours et d’alimentation.

À la Chambre des représentants, Eugène Berloz siège sans discontinuité de 1895 à 1932. En 1895, répondant au libéral Anspach qui dénonce le danger socialiste dans l’arrondissement, Berloz écrit dans le Journal de Charleroi de janvier 1895 : « Bien loin de vouloir la révolution, ... notre parti, au contraire, propose des réformes afin d’arriver par l’évolution à la transformation progressive de la société et éviter ainsi une révolution violente, qui ne pourrait que nous rejeter dans les bras des partis réactionnaires. »

Socialiste modéré, capable de polémiquer rudement et radicalement, Eugène Berloz a eu le mérite d’avoir assis l’influence des socialistes dans un arrondissement qui n’apparaissait pas comme particulièrement favorable. Par contre, objet de vénération, ce militant des débuts, surtout des années 1890, ne réussit pas son retrait, considérant son passé comme le gage d’un mandat à vie, attitude qui, répétée chez de nombreux dirigeants de la fin du XIXe siècle, conduit à une crise institutionnelle sérieuse au début des années 1930 au sein du POB.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138864, notice BERLOZ Eugène, Nicolas. par Jean Puissant, version mise en ligne le 14 novembre 2011, dernière modification le 17 janvier 2020.

Par Jean Puissant

ŒUVRE : Le suffrage universel, brochure de propagande – Collaboration à la presse socialiste : Le Peuple, La Défense (1895), L’Éclaireur socialiste, Binche socialiste (1895), Le Peuple du Centre (1928), L’Avenir du Borinage.

SOURCES : JORIS F., 1885-1985. Histoire des fédérations. Soignies-Thuin, Bruxelles, 1985, p. 94 (Mémoire ouvrière, 10) – Notice réalisée par J. Miralles, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, 1983 – SERWY V., La coopération en Belgique, t. II : La formation de la coopération 1880-1914, Bruxelles, 1942, p. 46 – LIVRAUW, La Chambre des représentants 1894-1895, Bruxelles, 1895, p. 243 (icono).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable