BOYER Paul

Par Alain Prigent, François Prigent

Né le 25 janvier 1858 à Orange (Vaucluse), mort le 8 janvier 1939 à Rochegude (Drôme) ; médecin et journaliste ; militant de la SFIO ; conseiller municipal de Saint-Brieuc (1908-1909 ; 1912-1925).

Paul Boyer était le fils d’un huissier issu d’une riche famille d’agriculteurs ruinée par la Révolution. Après avoir obtenu son baccalauréat à quinze ans, Paul Boyer suivit sa famille qui s’installa à Paris en 1874. Il fit alors des études à la faculté de médecine de Paris obtenant son diplôme à 21 ans. Il exerça dans la capitale pendant 10 ans tout en poursuivant ses études à la Sorbonne.
Oncle d’Alexandre Millerand*, disposant d’une fortune personnelle considérable par son mariage, Paul Boyer installa son cabinet à Saint-Brieuc en 1895. En 1899, il racheta Le Progrès, un périodique briochin le transformant en journal d’action républicaine, Le Réveil des Côtes-du-Nord, dont le premier numéro parut le 3 décembre 1899. Président de la Ligue des Droits de l’Homme des Côtes-du-Nord en janvier 1900, P. Boyer créa, quelques mois plus tard, avec L. Foubert*, professeur au lycée de Saint-Brieuc, l’Université Populaire à Saint-Brieuc qui donna le 18 avril 1900 une conférence sur le syndicalisme ouvrier. En mai 1900 aux élections municipales, à la tête d’une liste républicaine et socialiste, il obtint 14,9% des suffrages exprimés. En juillet 1900, il fonda le premier groupe socialiste, l’Emancipation. Les socialistes briochins sont désormais liés organiquement avec la FSB (Fédération socialiste de Bretagne). Comme représentant de " l’Émancipation " de Saint-Brieuc, il avait été le seul délégué de son département au second congrès socialiste de Paris, salle Wagram (1900) où il vota avec les partisans de Jean Jaurès*. Il portait aussi le mandat de l’Union des tonneliers de Morlaix (Finistère).

Candidat à toutes les élections, délégué au congrès d’unité de Paris (avril 1905) et aux congrès nationaux de Limoges (1906) et Nancy (1907), délégué au congrès international de Stuttgart de 1907, il fut également membre permanent au Conseil National de la SFIO en février 1908 après l’intégration des entités départementales la FSB au sein du parti. P. Boyer fut un fervent défenseur de la départementalisation des structures bretonnes s’opposant à Charles Brunellière* au congrès de Saint-Brieuc en juillet 1907. Intervenant au conseil national de la SFIO fin mars 1908 sur la question de la RP (représentation proportionnelle), il se heurta à Jaurès et démissionna de la direction du Parti socialiste unifié.

Au début de l’été 1907, les violentes déclarations de Boyer contre la Bourse du travail de Saint-Brieuc rendent inextricable le conflit entre socialistes locaux. La rupture fut consommée lorsque Boyer refusa de faire paraître un communiqué de la Bourse dans Le Réveil des Côtes-du-Nord, au motif qu’il a déjà été publié dans les autres journaux. Dans ce contexte de tensions, la Bourse affirma ouvertement son indépendance totale par rapport aux partis politiques. Boyer se heurta ensuite au GFIO (groupe fédéral des intérêts ouvriers émanation de la bourse) lors des négociations sur la représentation proportionnelle en février 1908. En mai 1908, il fut au coeur de la crise politique qui suivit l’élection de Georges Le Mercier. Il intervint violemment lors des séances du conseil, provoquant des incidents qui restèrent dans la mémoire collective. Les élus ouvriers comme Louis Hinault*, François Collet* et Louis Herry* furent contraints de démissionner de leur mandat municipal.
La crise consécutive aux élections municipales de mai 1908 fit éclater la fédération socialiste entre partisans du docteur Boyer d’une part et les fidèles d’Augustin Hamon* et du monde ouvrier briochin. Délégué au Congrès de Toulouse en 1908, Paul Boyer fut écarté des responsabilités puis exclu du parti. Il développa à partir de ce moment une violente campagne contre le parti socialiste. Il démissionna avec Meunier, adjoint au maire en aout 1909 à la suite d’une épidémie de typhoïde qui fit une soixantaine de morts. Candidat aux municipales partielles du 14 novembre 1909, il ne retrouva pas son siège au conseil, n’obtenant que 650 voix, alors que Meunier était élu avec 2090 suffrages. Candidat de la Ligue d’Action républicaine et socialiste, il se présenta aux élections législatives de 1910 obtenant 1% des suffrages exprimés (182 voix) dans la 2e circonscription de Saint-Brieuc. En janvier 1911, il brigua les suffrages des grands électeurs aux sénatoriales. Les cinq sièges revinrent aux libéraux (600 voix), Boyer recueillit 4 voix. Lors d’une sénatoriale partielle en octobre 1912, Boyer ne put s’opposer à Guillaume Limon qui fut élu (630 voix) et à Louis Armez (600 voix) n’obtenant que 2 voix. Il fut à nouveau candidat aux législatives en mai 1914 dans la 1e circonscription de Saint-Brieuc obtenant 3% des suffrages exprimés (319 voix). Il retrouva son siège au conseil municipal en 1912 y siégeant jusqu’en 1925.

Après la Grande Guerre, Boyer glissa progressivement au radicalisme puis vers la droite extrême. Selon Claude Gueux, journaliste à Paimpol, il finit « dans la peau d’un fanatique de la dictature, admirateur passionné, à l’extérieur, de Mussolini et de ses méthodes fascistes et, à l’intérieur, de Léon Daudet et des camelots du roi. » Retiré en Provence, dirigeant toujours son journal il décéda de complications pulmonaires. Le dernier numéro du Réveil des Côtes-du-Nord parut peu après sa mort de Paul Boyer en 1939 (N°2 du 22 janvier 1939). Louis Guilloux s’inspirant de ses faits d’armes en fit le personnage du Docteur Rébal dans La Maison du Peuple.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138974, notice BOYER Paul par Alain Prigent, François Prigent, version mise en ligne le 23 novembre 2011, dernière modification le 26 novembre 2020.

Par Alain Prigent, François Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes d’Armor, 3M 128 (Elections législatives mai 1900), 3M 130 (Élections législatives mai 1914), 3M394 (Élections municipales Saint-Brieuc, mai 1908) ; JP 56, Le Journal de Paimpol (21 avril 1928). — L’Ouest-Eclair, (10 janvier 1939) ; JP 17/C. — Le Réveil des Côtes-du-Nord. — JP 71, Le Populaire des Côtes-du-Nord, publication du groupe fédéral des intérêts ouvriers briochins. – Arch. mun. De Saint-Brieuc 6F6 (La Bourse du travail). — Bibliothèque de Saint-Brieuc, Fonds Louis Guilloux, papiers personnels relatifs à La Maison du Peuple. — CHT (centre d’histoire du travail) de Nantes, Fonds Augustin Hamon, correspondance Hamon-Boyer. —Christian Bougeard, Le choc de la deuxième guerre mondiale dans les Côtes-du-Nord, thèse de doctorat d’État, Rennes II, 1986 ; Claude Geslin, Le syndicalisme ouvrier en Bretagne jusqu’à la première guerre, 3 tomes, Espaces Ecrits, 1990. — Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. — Alain Prigent et François Prigent, « Micro-histoire de la Bourse du Travail de Saint-Brieuc (1904-1909) : espaces, réseaux, représentations », in Cahiers d’histoire, n° 115-116, 2011 (à paraître en 2012) ; François Prigent, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, thèse de doctorat, Université de Rennes 2, 2011. — Le Maitron, notice non signée in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (DBMOF), période 1919-1939.

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