MAZZELLA Antoine

Par Albert Ayache

Né le 9 mai 1912 à Oran (Algérie) ; journaliste à Casablanca, rédacteur au Petit Marocain, racheté après guerre par la CGT, puis à Maroc Presse ; secrétaire du syndicat CGT du Livre puis du syndicat des journalistes.

Frère cadet de Michel Mazzella, venant lui aussi d’Algérie, Antoine Mazzella fut journaliste au Maroc avant la deuxième guerre mondiale (1939), rédacteur au Petit Marocain, quotidien du groupe Mas, et correspondant de plusieurs journaux de gauche d’Algérie : Oran Républicain, et de France : Le Soir. Après le débarquement américain de novembre 1942, il fut correspondant de guerre en Tunisie et en Italie. La guerre terminée, revenu à Casablanca, il continua d’écrire dans Le Petit Marocain.

Il appartint au syndicat du Livre dont il fut le secrétaire général adjoint, en attendant que se constitue, en décembre 1944, le syndicat des journalistes du Maroc dont il fut le secrétaire général. Les premiers actes du jeune syndicat furent de protester contre les excès de la censure mutilant informations et articles ou les interdisant comme ceux traitant du droit syndical ou de manifestations de ménagères. On demandait enfin que, comme en France, des blancs dans le journal indiquent les mots ou passages supprimés.

Ce fut au cours d’une réunion commune des syndicats du Livre et des journalistes que fut émise par Henri Ramos*, linotypiste, Eugène Bénané* et Antoine Mazzella, l’idée de l’achat possible par l’Union des syndicats, d’un des journaux casablancais du groupe Mas à qui l’ordonnance du Gouvernement provisoire français d’août 1944, rendue applicable au Maroc, faisait obligation de morceler sa chaîne. Leur choix se porta sur Le Petit Marocain, quotidien du matin dont Pierre Mas était le directeur en nom et qu’ils connaissaient bien puisqu’ils y travaillaient. L’affaire était difficile, coûteuse, aventureuse. Les instances dirigeantes de l’Union purent être convaincues. Le Résident général Puaux y était hostile et leur refusa l’autorisation de procéder à cet achat. Antoine Mazzella et Eugène Bénané furent envoyés à Paris où ils restèrent du 15 au 30 juin 1945 ; ils devaient gagner à leur idée le bureau confédéral de la CGT, et rencontrer le ministre des Affaires étrangères G. Bidault. Ils réussirent à fléchir le bureau confédéral qui consentit à les faire accompagner au Quai d’Orsay, précisant cependant qu’en aucun cas, il ne donnerait une aide financière pour une entreprise qu’il considérait comme vouée à l’échec. Le vendredi 29 juin 1945 à 19 h 30, G. Bidault les reçut, voulut avoir l’avis téléphoniquement du Résident général Puaux qui se trouvait à Paris. Le Résident fut introuvable ; G. Bidault résolut de décider seul et donna l’autorisation qu’il confirma quelques jours après à Benoît Frachon, secrétaire général de la CGT à Paris.

Après une campagne active, la commission du Petit Marocain, qui comprenait Antoine Mazzella, Henri Ramos* et Alphonse Aloccio* essaya de convaincre syndicats et amis, de réunir l’argent du premier terme grâce au versement d’une journée de salaire et à l’émission d’obligations non cessibles portant intérêt. L’acte d’achat du Petit Marocain fut signé à Ben Ahmed où se trouvait Pierre Mas, mis en résidence surveillée pour « collaboration  ». Mais le quotidien était imprimé sur les presses des Imprimeurs réunis et recevait sa publicité de l’agence qui était aussi la propriété de Pierre Mas. Antoine Mazzella quitta Le Petit Marocain en avril 1948. Il estimait que le quotidien devait conserver le caractère de journal d’information orientée, qui avait été jusqu’ici le sien, et non devenir un journal de combat. Mais comment l’éviter alors que la classe ouvrière était engagée dans de dures actions contre le patronat et la Résidence ?

Après que l’Union générale, sous le poids des dettes, eut abandonné la propriété du quotidien, Antoine Mazzella reprit son activité journalistique. La période de cinq années qui s’écoula jusqu’à l’indépendance fut marquée par son soutien de plus en plus actif à la cause nationale marocaine. En particulier dans le journal Maroc Presse dont il infléchit progressivement l’orientation vers un libéralisme qui contrastait avec la violence débridée des journaux de la chaîne Mas.

Contraint, devant les menaces des ultras, à quitter le Maroc pour Paris, en liaison constante avec son journal, il put recevoir, le 20 mars 1955, par télex, hors du circuit postal, la nouvelle de la formation de l’Union marocaine du travail (UMT) et la composition de son bureau. Et c’est ainsi que la Résidence fut informée par la presse française et internationale de la naissance d’une centrale syndicale marocaine alors que depuis les origines, elle s’était toujours obstinément refusée à reconnaître le droit syndical aux travailleurs marocains. Elle en proclama l’illégalité, mais les pressions internationales furent telles, qu’elle dut s’en accommoder ; Antoine Mazzella revint au Maroc, quitta le journal Maroc Presse, et dans le Maroc indépendant, occupa de nombreux postes de conseiller technique, ou chargé de mission. Il eut aussi à diriger l’Office chérifien d’exportation de 1956 à 1970. Il quitta le Maroc fin 1978.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139074, notice MAZZELLA Antoine par Albert Ayache, version mise en ligne le 6 décembre 2011, dernière modification le 6 décembre 2011.

Par Albert Ayache

SOURCES : G. Oved, La gauche française et le nationalisme marocain, t. 2. — Procès-verbal de la séance du 6 juillet 1945 de la commission exécutive de l’Union des syndicats du Maroc, achat du Petit Marocain, compte rendu Bénané et Mazzella. — A. Ayache, Le mouvement syndical au Maroc, t. 2. — Correspondance avec A. Mazzella.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable