DELCROIX Albert.

Par Claude Coussement

Espierres (aujourd’hui commune d’Espierres-Helchin, pr. Flandre occidentale, arr. Courtrai), 26 mars 1894 – Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 6 mars 1944. Courtier, négociant en laine, militant du Parti communiste belge, volontaire des Brigades internationales en Espagne, chauffeur d’Eugène Fried à Bruxelles, convoyeur de de Maurice Thorez et de Jacques Duclos.

Orphelin d’une famille de fermiers, après des études secondaires commerciales, Albert Delcroix s’engage à l’armée à dix-sept ans. Grand et connaissant les chevaux, il est incorporé dans la cavalerie et combat pendant quatre ans sur le front de l’Yser. Démobilisé comme maréchal des logis, dégoûté de l’armée, humaniste anticlérical et assez intransigeant, il rencontre et épouse Cécile Laurent, née en 1896. Le couple s’installe à Roubaix où il travaille comme courtier en laines pour la firme Motte et Meillassoux. En 1919, ils partent à Lodz en Pologne pour inspecter une usine de la firme qui l’emploie. C’est là que nait leur premier enfant , Serge. Après deux ans , ils reviennent à Roubaix où ils mènent une vie aisée jusqu’à la crise de 1929. Ils regagnent alors la Belgique et s’installent à Tournai (pr. Hainaut, arr. Tournai) en 1931 où Albert est représentant de la firme Bell téléphone. Albert adhère au Parti communiste belge (PCB) en 1932 sous l’influence de son beau-frère Albert Laurent, ouvrier tourneur, un futur Partisan Armé exécuté par l’occupant. Mais la famille – ils ont alors trois enfants – doit émigrer en 1933 à Bruxelles. Féru de photographie, Albert Delacroix achète des appareils, les répare et les revend. Il développe des photos pour les livrer bénévolement à La Voix du Peuple, l’organe du parti. La mère trouve un emploi dans une école de la Ville de Bruxelles où elle effectue des surveillances. Il assure plusieurs activités militantes. En 1936, un réfugié allemand est fréquemment invité à leur table malgré les difficultés financières qui obligent Serge à devoir travailler à partir de quinze ans. Cette même année , la famille peut s’installer gratuitement à la Cité Fontainas.

Généreux de tempérament, enthousiaste et chaleureux, Albert Delcroix combat dans les Brigades internationales en Espagne de mars 1937 à juin 1938 avec le grade de sergent dans la cavalerie de la 12e Brigade, ensuite comme responsable politique à Benicassim, enfin au service du personnel de la base d’Albacète. À l’été 1939, le PCB le met à la disposition du délégué du Komintern, Eugène Fried, comme chauffeur. Delcroix éprouve une grande admiration pour Fried et celui-ci doit avoir assez confiance en lui pour le faire coopérer avec Eve Fontaine et Renée Bodart qui font partie de son appareil personnel.

Lorsque Maurice Thorez déserte et rejoint la Belgique le 4 octobre 1939, il est accueilli à Bruxelles dans la voiture d’Albert Delcroix, qui l’héberge brièvement à son domicile à la cité Fontainas. Jacques Duclos suit le même itinéraire les jours suivants et les réunions des deux hommes se tiennent plusieurs fois chez lui. Le fils aîné de Maurice Thorez et la petite Marie, fille de Fried, y sont logés à leur arrivée. Les rencontres de Fried et Thorez s’effectuent à bord de la voiture de Delcroix tournant dans la capitale. Afin de ne pas éveiller de soupçons, une jeune communiste belge, Sonia Leit, siège aux côtés du conducteur. Selon un message radiotélégraphique envoyé au Secrétariat du Komintern, Albert Delcroix devient à partir du 10 janvier 1940, le point de passage obligé, pour tous ceux qui doivent rencontrer le délégué de l’Internationale communiste (IC) ou un membre de son appareil. C’est par lui que passeront, par exemple, les techniciens hollandais en radiotélégraphie qui seront appelés ultérieurement à Bruxelles par Fried.

Le 1er février 1940, Albert Delcroix déménage au n° 55 de l’avenue de la Porte de Hal, dans un commerce de vélo appelé « Sport-France, »que Fried lui fait reprendre pour servir de couverture. Sous l’occupation allemande, une imprudence met fin à cette collaboration. Une conversation téléphonique de l’épouse d’Albert Delcroix avec une amie, elle-même liée à un responsable communiste clandestin recherché, est interceptée par la Gestapo. Celle-ci atterrit au domicile des Delcroix. Albert réussit à apaiser leur méfiance, mais il croit nécessaire de couper immédiatement toute relation avec Fried, qui avertit le Komintern le 9 mars 1943.

Avec son fils Serge, Albert Delcroix se consacre désormais à l’impression et la diffusion de l’organe clandestin, Le Drapeau Rouge. Lorsque le papetier Cremer de Saint-Gilles, chez qui Delcourt a acheté un lot de feuilles, est arrêté, la police allemande remonte jusqu’à lui et sa famille ne le voit pas rentrer le soir du 23 juillet 1943. Ils passent en jugement le 16 janvier 1944. Les proches de Delcroix le voient pour la dernière fois à sa sortie du Palais de Justice de Bruxelles où, avant de monter dans la voiture cellulaire, il leur fait comprendre par un petit signe qu’il est condamné à mort. Son exécution a lieu le 6 mars 1944, en même temps que celle de plusieurs condamnés gardés comme otages à la suite d’un attentat commis à Bruxelles.

Le fils d’Albert Delcroix, Serge, dirigeant de la Jeunesse communiste, arrêté le 26 mai 1942, est déporté à Mauthausen où il meurt en décembre 1942. Sa fille Suzanne, courrière de l’appareil financier du Parti, est arrêtée le 16 juillet 1943. Également déportée en Allemagne et condamnée à trois ans de travaux forcés, elle s’évade en janvier 1945 et se cache jusqu’à son rapatriement en Belgique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139188, notice DELCROIX Albert. par Claude Coussement, version mise en ligne le 19 décembre 2011, dernière modification le 12 janvier 2020.

Par Claude Coussement

SOURCES : Entretiens avec Sonia Delcroix, Suzanne Pirart-Delcroix, Sonia Leit, Renée Bodart, Lucette Bouffioux, Alphonse Bonenfant – RGASPI, Rapport de Giulio Ceretti du 9 septembre 1940 au Komintern, 495, 270, 9373, f.54 ; télégrammes échangés entre Fried et le Komintern les 10 janvier, 2 juin, 22 juin, 12 septembre 1941 et 9 mars 1942, 495, 184, 6 ; dossiers belges des Brigades – Archives générales du Royaume, Fonds SPF Sécurité sociale, Direction générale victimes de la guerre, Dossiers Albert et Serge Delcroix – Le Drapeau Rouge, édition clandestine, n°64 de mars 1944 – CArCoB, dossier de Suzanne Pirart-Delcroix – GOTOVITCH, J., Du rouge au tricolore. Les communistes belges de 1939 à 1944. Un aspect de l’histoire de la Résistance en Belgique, Bruxelles, 1992 (comprend en particulier des notices sur Albert, Serge et Suzanne Delacroix).- DELCROIX S., Mon père , Albert Delcroix, s.l., sd.

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