MAHOUDEAUX Raymond, Émile, Paulin [pseud. Résist. : Édouard]

Par Frédéric Stévenot

Né le 21 février 1926 à Wimy (Aisne), mort le 22 mai 1983 à Reims (Marne) ; employé de la Sécurité sociale ; militant communiste de l’Aisne ; maire d’Hirson (1971-1983) ; conseiller régional de Picardie.

Raymond Mahoudeaux
Raymond Mahoudeaux

Fils de Gaston Maurice Mahoudeaux, né le 8 décembre 1898 à Watigny (Aisne), maçon, mort le 4 mai 1961 à Wimy (Aisne), et de Marguerite Marie Eugénie Marcelle Julliard, née le 14 janvier 1902, morte le 22 mars 1979, rue de la Fontaine à Wimy. Ses parents se marièrent le 5 mai 1921 à Ohis (Aisne), et eurent treize enfants.
Raymond Mahoudeaux épousa Jacqueline Marie Laure Leboutet le 9 septembre 1950, à Neuve-Maison (Aisne). Le couple eut trois filles. Il était le frère de Robert Mahoudeaux, tué en opération en août 1944.

Raymond Mahoudeaux obtint le certificat d’études primaires le 1er juillet 1939. Durant l’année scolaire 1940-1941, il s’inscrivit à l’école professionnelle supérieure de T.S.F. et de télévision, au 51 boulevard Magenta à Paris (Xe arr.), pour y suivre des cours de radio-technicien par correspondance. Cet enseignement fut cependant interrompu le 1er mars 1941, les autorités d’occupation ayant interdit tout enseignement tendant à la formation de radios et de radio-technicien.
Raymond Mahoudeaux trouva ensuite à s’employer comme manœuvre de fonderie aux établissements Briffault, à Effry (Aisne), du 29 septembre 1941 au 27 octobre suivant. À partir du 20 juillet 1942, il entra comme apprenti-boulanger chez Pierre Bardellini, boulanger artisan à Wimy, qu’il quitta le 12 mai 1945 comme deuxième boulanger.

En 1943, Raymond Mahoudeaux entra dans la Résistance. Il appartint alors au groupe Pierre-Sémart (matr. 312 ; pseud. : Pierre) du secteur d’Hirson et environs, ce que certifia plus tard Julien Parmentier (alias Désiré), homologué lieutenant FFI. Ce dernier le décrivit comme un : « chef de groupe rempli d’abnégation et de courage ; a toujours fait exécuter et mener à bien les différentes missions qui lui étaient confiées. Quoi que se sachant traqué, a toujours continué jusqu’au bout la tâche obscure qui consista à affaiblir les moyens d’action de l’ennemi » (l’attestation porte le timbre du chef de secteur : F. T. du maquis du « Bled », qui était probablement le nom du groupe FTPF de Saint-Michel ; il était établi au Bois-la-Dame). De fait, Raymond Mahoudeaux avait participé très activement à de nombreuses actions. De juin à septembre, il s’employa ainsi à recruter et à organiser un groupe dans la région de Wimy, et à distribuer le journal clandestin France d’abord (juillet à septembre 1943), journal créé en janvier 1942 et destiné aux militants FTPF. Il participa ensuite à des actions de sabotage : sectionnement des fils téléphoniques entre La Capelle et Clairfontaine (Aisne), en septembre 1943 ; sabotage de wagons au dépôt SNCF d’Hirson, par introduction de sable dans les boîtes de graissage (6 novembre 1943), opération menée avec Eugène Fort, chef de groupe relevant du détachement du maquis Le Bled ; dispersion de clous sur la RN 39 entre La Capelle et Hirson (8 décembre 1943), toujours avec le chef de groupe Fort.

Le jeudi 30 décembre 1943, en début d’après-midi, un quadrimoteur B-17 Fortress "Sarah Jane" américain (571 Bomb Squadron, 390 Bomb Group) touché aux environs de Neuchâtel-sur-Aisne (Aisne) à 13 h 43 par Henrich « Jan » Schild, pilote d’un Focke-Wulf 190 appartenant à la 2./JG 26, puis par la DCA allemande aux environs de Saint-Quentin, dut atterrir à Wimy, au lieu-dit La Malgouverne, dans une pâture appartenant à Édouard Debuf (résistant, secteur n° 4 de Vervins, dépendant de Gilbert Denis, chef régional FFI). L’appareil était de retour d’une mission de bombardement des usines IG Farben de Ludwigshafen (port, raffinerie et usines chimiques). Quatre aviateurs furent pris en charge et cachés dans la commune voisine, à Luzoir (Aisne), puis par Albert Cliche demeurant à Wimy. Le lieutenant Brigman Campbell, chef de l’équipage, fut emmené par Raymond Mahoudeaux et trouva refuge dans la famille Mahoudeaux. Les quatre derniers s’enfuirent dans les bois proches, tandis qu’un blessé grave — Charles J. Vanderwarf, mitrailleur de queue — fut acheminé vers l’hôpital d’Hirson. Dans la nuit suivante, deux des Américains qui n’avaient pas pu être secourus furent recueillis par Émile Monvoisin (résistant FFI, secteur n° 4 de Vervins), habitant le hameau d’Écreveaux (Wimy) ; les deux autres empruntèrent la route de Plomion (Aisne) pour se diriger vers Laon (Aisne). Raymond Mahoudeaux fut mis en relation avec un responsable de la Résistance de Signy-le-Petit (Ardennes), M. Bouteillier, par l’intermédiaire de Germaine Patat. Il prit part au regroupement des aviateurs à Luzoir, le dimanche 2 janvier 1944, qui furent alors convoyés par Madame Bouteillier, aidée par M. Bardellini, boulanger à Wimy. Il s’agissait d’Ernest Slock (508 Minter ST, vivant à Santa Ana, Californie), Russell C. Gallo (33291118T 43-43-A, John Gallo BO X33 Oliver PAC), Erenuis Koltz (151 Park Street, Pautercket, Rhode Island) Frank A. Tank (1517n 4th St ; Eheboygan, Wisconsin), Campbell C. Brigman J. (307 West Dunlaps Street, Lancaster S.C.). Quant au blessé évacué, Charles Vanderwarf, il mourut à l’hôpital d’Hirson le 14 janvier 1944.

Équipage du B-17 Fortress "Sarah Jane"
Arrière : 2d Lt Frank Albert Tank Jr, bombardier ; 2d Lt Ernest Lyle Stock, navigator ; 2d Lt Thomas J. Terrill, co-pilot, interned ; 2d Lt Campbell Coleman Brigman Jr, pilot.
Devant : Sgt Leonard Hugh Cassady, waist gunner ; S/Sgt Russell C. Gallo, radio operator. ; S/Sgt Eric Kolc, top turret gunner ; Sgt Charles Vanderwarf, tail gunner [blessé, mort] ; S/Sgt Harold A. Boyce, ball turret gunner, captured ; S/Sgt Paul D. Young, waist gunner, interned [en Suisse].
B-17 Fortress "Sarah Jane"
B-17 Fortress "Sarah Jane"

En mars 1944, un groupe de récupération d’armes put se constituer à Wimy, composé de René Marche, Robert Mahoudeaux, Pierre Dutrieux, Klébert Julliard, Gaston Mahoudeaux, et de Raymond Mahoudeaux.

À la mi-juin, des groupes de FTP, venus du Pas-de-Calais pour rejoindre le maquis des Manises (Ardennes), furent accrochés sévèrement dans la région de Guise, à une trentaine de kilomètres de Wimy. Trois résistants rescapés furent recueillis par la veuve Mauvoisin-Pécavet, qui les dirigea au domicile des Mahoudeaux où ils furent hébergés durant plusieurs jours. Blessés aux pieds, ils furent soignés par Mesdemoiselles Parmentier (infirmière ; il s’agit soit de Paulette, soit de Geneviève Parmentier) et Reine Monvoisin. Guéris, ils furent conduits par Gaston Mahoudeaux à Deville (Ardennes), où ils furent confiés à Madame Gantier. Quelques jours après leur départ, Maurice Cevaux se présenta comme membre d’un groupe de Lens (Pas-de-Calais) et indiqua vouloir les récupérer.

Le 15 juin 1944, Noël Mahoudeaux, réfractaire, se présenta comme faisant partie d’un groupe de Résistance d’Halluin (Nord), indiquant qu’il était traqué par les Allemands. Il existe de fait un résistant homologué (GR 16 P 384286) portant le même nom, né à Hirson le 24 décembre 1923), mais il s’agit très probablement d’un homonyme. Le réfractaire fut caché à Wimy par la famille Mahoudeaux. Le 18 juillet, Noël Mahoudeaux quitta Wimy et forma un groupe à Effry, où il fut en contact avec René Gorgerin-Carlier. Dans le courant du mois précédent, le groupe avait accompagné Noël Mahoudeaux (avec son frère et un Russe) pour aller chercher des effets militaires à la compagnie du génie 9/12, cantonnée à Wimy. Ces effets, destinés à habiller le groupe d’Effry, non encore constitué, furent remis au capitaine Collet (commandant le 14e bataillon FTPF).

Le 13 juillet, à minuit, le groupe de Wimy (Marche, Julliard, Dutrieux et les frères Mahoudeaux) orna le monument aux morts avec des drapeaux français. Quelques heures plus tard, entre 2 et 4 heures, le même groupe sabota la ligne ferroviaire Hirson-Guise entre Effry et Luzoir, à 500 mètres de la gare d’Effry, afin d’empêcher la circulation du train qui emmenait les ouvriers à Hirson, de façon à bloquer la production destinée à l’Allemagne le jour de la fête nationale. Le sabotage ne put cependant avoir lieu. À 10 heures, un ouvrier d’Effry, Léon Dubois, vint en effet avertir le chef de gare qu’il avait vu que la voie était déboulonnée et qu’il voulait sauver la vie de ses camarades. Le chef de gare n’eut alors d’autre choix que d’en référer à sa hiérarchie. Cependant, le train montant vers Hirson fut arrêté par un autre sabotage, à Proisy : seule une machine HLP (engin motorisé haut-le-pied) venant à Étréaupont et Wimy, avec les cantonniers et l’outillage, aurait pu dérailler.

Deux jours plus tard, Éliane Ravaux, professeur des cours complémentaires à La Capelle (Aisne), mit le groupe en relation avec Vériele, receveur des Postes dans la même localité et chef régional FTPF. Celui-ci contacta le commandant Gaston Collet, qui fixa un rendez-vous au groupe le 23 juillet. Il fut officiellement intégré par le commandant Collet dans les FTPF (3e région, détachement 16, groupe 161). Ce jour-là, Maurice Cevaux, Léon Dufour et Jacques Cattelin le rejoignirent. Voici sa composition :

  • Chef : Cevaux Maurice, matr. 1611, alias Bernard
  • Caporal : Mahoudeaux Robert, 1612, Claude
  • Catelin Jacques, 1613, Henri
  • Dufour Léon, 1614, Germain
  • Dutrieux Pierre, 1615, Éloi
  • Mahoudeaux Raymond, 1616, Édouard
  • Julliard Klébert, 1617, Anatole
  • Marche René, 1618, Edmond

Le même jour (23 juillet), à 14 h, le groupe sabota la ligne Busigny-Hirson par un déboulonnage de la voie, l’objectif étant de faire dérailler une grue. Le chef du groupe de Fourmies (Nord), le sous-lieutenant Raymond Lemaire, dirigea l’opération avec les FTPF de Wimy (sauf Pierre Dutrieux et Klébert Julliard) qu’il avait directement sous ses ordres. La grue ne dérailla cependant pas. Une autre opération fut organisée à 23 h sur la même ligne : quatre locomotives déraillèrent cette fois. Deux jours plus tard, à 12 h 30, Maurice Ceveaux sabota la ligne téléphonique entre la poste du Nouvion (Aisne), le PC de la division et la Kommandantur d’Hirson, sur ordre de Raymond Lemaire. À ce moment, en effet, la division allemande attaquait le maquis de la forêt du Nouvion.

Le 4 août, à 0 h 30, le groupe en entier organisa un attentat contre un train de munitions qui stationnait dans la gare d’Ohis-Neuve-Maison (voir photographie)

Gare de Neuve-Maison. Sabotage du train allemand

. Un soldat allemand fut tué, mais le groupe perdit un pistolet-mitrailleur. Le lendemain, une opération fut montée avec Robert Mahoudeaux, Maurice Cevaux, Jacques Catelin et Léon Dufour, placés sous les ordres du chef de détachement Marceau (groupe de Fourmies). Il s’agissait de pénétrer sur le chantier de l’entreprise Henry, travaillant pour l’Allemagne, et de faire sauter les machines. Le groupe se heurta cependant à la police française : Robert Mahoudeaux fut tué, et deux hommes capturés. Ceux-là furent libérés quelques heures plus tard par le maquis de Papleux (Nord). Le groupe fut dissous le même jour, au motif de l’incapacité à commander de son chef et de la mort de Robert Mahoudeaux ; par ordre du chef de détachement, les armes furent remises au chef de groupe, Maurice Cevaux. Robert Mahoudeaux fut enterré au cimetière de Wimy. Le 8 août, le groupe FTPF 161 fut reformé par le sous-lieutenant Lemaire, qui en confia le commandant à Raymond Mahoudeaux. En firent encore partie Pierre Dutrieux, René Marche, Kléber Julliard et Gaston Mahoudeaux (matr. 1619). Le 10 août, Raymond Mahoudeaux fut mis en relation avec Gilbert Denis, chef régional FFI, par l’intermédiaire d’André Devin, d’Effry. Le groupe intégra alors officiellement le secteur FFI n° 4 ZN (groupe C).

Le 13 août, Raymond Mahoudeaux et Pierre Dutrieux sabotèrent les plaques indicatrices routières dans le secteur de Wimy, Ohis et Luzoir, pendant qu’un coup de main était mené contre un train stationnant à la gare d’Effry par le groupe du maquis du Bled. L’action permit de récupérer un fusil-mitrailleur, une caisse de cartouches, des chaussures et des vêtements. L’opération de sabotage des panneaux indicateurs fut répétée le 20.
Le lendemain, le groupe fut renforcé par l’arrivée de Marcel Lhomme (matr. 1620), originaire d’Hirson et réfugié à Wimy.
Le 16, la compagnie du génie 9/12 fut dissoute ; son chef, le capitaine Arnaud, remit à Raymond Mahoudeaux les effets militaires. Après le départ des officiers, quinze hommes de la compagnie rejoignirent le groupe.
Le 27 août, à 16 h 30, Paul Censier, Jean Conti (tous deux issus de la compagnie du génie) et Raymond Mahoudeaux sabotèrent la ligne Hirson-Guise, causant le déraillement d’un train allemand. À 19 h, Raymond Mahoudeaux seul sabota la locomotive n° C9F6 140 C 126, dans la gare de Wimy, à l’aide d’un pain de plastic.
En août toujours (à une date imprécisée), il aida Édouard Rigol à déserter : il s’agissait d’un Polonais enrôlé dans la Wehrmacht, alors affecté à la batterie de DCA de Neuve-Maison.
Le 31 août, Raymond Mahoudeaux reçut l’ordre d’André Devin de se poster sur la route nationale avec quelques hommes pour observer les mouvements des troupes allemandes en retraite. Le lendemain, il quitta en urgence son travail, appelé au téléphone chez le boucher, M. Gillier. Deux résistants l’attendaient pour aller dans un bois près de Luzoir : deux mitrailleuses allemandes avaient été installées au carrefour, et c’est dans ce bois que devait se rendre le groupe de Wimy. À 16 heures, une partie des résistants de Wimy commandé par Gaston Mahoudeaux, armés, se dirigea vers le bois. À 18 heures, les blindés américains arrivèrent. À 22 heures, Jean Nicolas prit le commandement du groupe.
Le groupe participa ensuite à des opérations de nettoyage dans le secteur de Wimy, Luzoir et Effry, au cours desquelles il récupéra des véhicules, fit des prisonniers, et tua un SS. Dix femmes « ayant fraternisé avec l’ennemi » furent tondues sur ordre du lieutenant Gilbert Denis, chef régional.
Par la suite, en septembre 1944, Raymond Mahoudeaux se conforma aux ordres de remise des armes de son groupe au chef régional, à savoir cinq mitraillettes 9 mm, deux fusils Mauser, une carabine américaine, deux grenades allemandes, des grenades britanniques et américaines, des pièges et détonateurs, des chargeurs et munitions.

Dans l’édition de la Gazette de la Thiérache du dimanche 12 novembre 1944 (n° 2572), Raymond Mahoudeaux fit paraître un article intitulé « Pas de confusion ! », en réponse à des accusations relatives à son frère :

« Croit-on encore que l’armée de la Résistance, qui pendant deux [sic] longs mois, a lutté contre l’agresseur allemand, était composée de malfaiteurs dont l’occupation principale consistait à piller les fermes ? Trop de gens parlent à la légère de choses qu’ils ne connaissent pas. Il y a quelque temps on parlait avec des sous-entendus désobligeants de l’activité de Robert Mahoudeaux, âgé de 22 ans, tué à Fourmies le 5 Août 1944. La vérité, c’est que ce soit-disant « gangster » a trouvé la mort au cours de l’exécution d’une mission, ainsi que l’a rappelé le chef de la Résistance R. Lemaire, dans le discours qu’il a prononcé au cimetière de Wimy. Réfractaire et membre F.F.I. depuis la démobilisation, qui suivit l’occupation de la zone sud par les Allemands, Robert coupa les fils téléphoniques entre la colonne qui attaquait le maquis du Nouvion et la Kommandantur d’Hirson, participa aux déraillements de Wimy et du viaduc. Le 5 Août, il reçut l’ordre de se rendre à Fourmies pour s’emparer de l’argent de l’entreprise boche « Todt ». Des policiers français, sbires de Vichy, voulurent l’arrêter, il répondit à leurs sommations en faisant feu. Le malheureux jeune homme tomba atteint de 15 balles par la riposte des policiers.
Il est faux de croire que l’argent enlevé à un bureau de l’organisation Todt devait lui profiter, ainsi qu’à sa famille et à quelques membres du groupe.
Le soussigné se déclare prêt à toute confrontation avec les personnes de la région ayant eu à se plaindre de bandes clandestines et demande en toute honnêteté de ne plus confondre Résistance et banditisme ».

Raymond Mahoudeaux prononça un discours le 14 juillet 1945, en tant que chef de la Résistance locale :

Mesdames, Messieurs,
Après 5 années de guerre implacable ; la fête nationale prend en ce magnifique 14 juillet une signification que nous ne lui avons jamais connue.
Au nom du groupe de la Résistance de Wimy, j’apporte l’hommage de sa joie et de sa reconnaissance et je me permettrais de dire quelques mots sur son activité.
Les hostilités ont cessé et avec elles la plus grande partie de nos souffrances morales et physiques. Certes, nous pâtissons encore de nombreuses privations mais nous les supportons mieux, car enfin nous sommes redevenus libres. Nous pouvons, en paix, panser nos blessures ; demain nous relèverons nos ruines et travaillerons à refaire la France. La victoire est acquise, mais elle a coûté cher. Nous le devons au sang de nos morts tombés en combats réguliers, dans les maquis et les rangs de la Résistance, en captivité ou sous les bombardements. Cette victoire a été payées également par les tortures infligées à nos déportés dans les bagnes allemands, par les 60 mois d’un exil démoralisant de nos prisonniers ; nous le devons aux larmes de nos mères, aux souffrances sans nom de tous ceux qui ont lutté et souffert, et dont, pour beaucoup, l’obscur héroïsme ne sera jamais connu. Nous la devons, cette victoire, au courage malheureux de nos vaillants défenseurs de 1940 dans une France étonnée et trahie.
Mais aussi et surtout au concours puissant de nos grands allés anglais, russes, américains.
Mais il est également un facteur primordial qui a contribué à ranimer le courage des Français, à relever le moral du pays, qui a lutté contre l’ennemi et finalement participé efficacement à son expulsion. C’est le mouvement de la Résistance dont le général de Gaulle fut l’instigateur. Groupant toutes les opinions, toutes les bonnes volontés, i lincarnait l’esprit de la vraie France, de celle qui refusait à supporter la servitude. Opiniâtrement, de mille façons diverses, elle travaillait à miner le moral d’un ennemi inquiet et souvent décontenancé, mais aussi impitoyable pour qui tombait entre ses griffes. Le mouvement de la Résistance possède, hélas !, un long martyrologe.
Le groupe de Wimy a apporté dans cette action son modeste concours. Je ne raconterai pas les péripéties de sa formation ancienne en partant de quelques jeunes décidés, ni de ses vicissitudes. Son rôle agissant débuta avec la dissimulation et l’hébergement des aviateurs américains tombés fin de décembre 1943 sur notre territoire. Des personnes, ici présentes, y ont aporté leur aide précieuse, sans souci des mences de représailles. Nous avons ensuite à notre actif l’hébergement et convoiement au maquis ardennais de résistants traqués après le combat de Vadencourt, six sabotages de voies et locomotives sur la ligne Hirson-Guise et Hirson-Busigny, un attentat contre le train de munitions à Ohis, sabotage des plaques indicatrices du secteur Wimy, Effry, Luzoir. Le 1er septembre, ordre nous était donné de rejoindre en formation le maquis dans une région voisine. Et ce fut l’arrivée des Américains apportant avec leurs puissants blindés l’enthousiasme de la libération. L’action de la Résistance consiste alors en opérations de nettoyage et de récupération. Notons que pour le secteur Wimy, Effry, Luzoir, elle a capturé 14 Allemands et tué un SS. Il n’a pas dépendu de nous que notre rôle ne fut plus complet, mais le point essentiel était atteint : la fuite de l’envahisseur.
Mais si l’ennemi n’est plus là, notre tâche n’en est pas finie pour autant. Nous ; les jeunes particulièrement, qui désirons nous montre dignes de nos aînés, qui ne voulons pas qu eles morts se soient sacrifiés en vain, nous serons vigilants en face d’une Allemagne guettant nos faiblesses en vue d’une éventuelle revanche. Nous converserons l’esprit de solidarité et de compréhension qui réunissait les résistants ; nous ingorerons les querelles stériles pour nous unir derrière notre Grand Chef le Général de Gaulle. Nous travaillerons, ardents et joyeux, au relèvement de notre Patris pour redevienne grande, forte, libre, pour que Vive la France ».

Le 20 juin 1949, Raymond Mahoudeaux fut homologué membre des FFI (GR 16 P 384287 ; certificat national FFI n° 9030-BR-FFCI/FIN CA2), pour la période du 1er avril au 1er septembre 1944. Julien Parmentier (alias Désiré), homologué lieutenant FFI, avait certifié qu’il l’avait eu sous son commandement de juin 1943 à septembre 1944. En 1949, le général Chevillon, commandant la deuxième région militaire, restreignit cependant la période d’activité de Raymond Mahoudeaux au sein des FFI (mouvement FTPF), pour la comprendre entre le 1er avril et le 1er septembre 1944. En conséquence de quoi, et en dépit des attestations établies notamment par Norbert Lejeune (commandant Gilbert), chef militaire du Nord FFI et commandeur de la Légion d’honneur, la commission départementale des combattants volontaires de la Résistance rejeta le 7 octobre 1963 sa demande d’attribution de la carte de combattant volontaire de la Résistance : « l’intéressé n’a pas justifié de 90 jours d’activité résistante en unité combattante et ne remplit donc pas les conditions imposées par l’article R. 254 3°, du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ». Toutefois, un recours fut introduit le 31 mars 1964, accompagné une nouvelle fois d’attestations, contresignées par le liquidateur national du Front national, M. Mugnier. Raymond Mahoudeaux put enfin faire reconnaître ses droits : le 28 avril 1965, on lui attribua enfin la carte du combattant n° 38 265 (la carte porte le n° 58 265, en réalité) et celle du combattant volontaire de la Résistance n° 66 122. Cela lui permit d’attester à son tour des actions des membres de son groupe, dont Marcel Lhomme (en février 1982) ou René Marcq.

Raymond Mahoudeaux participa à une préparation militaire élémentaire à Hirson pendant le premier trimestre 1945, qui lui permit d’entrer dans l’armée de l’air. Le 26 avril 1945, il contracta un engagement de trois ans, et il fut affecté le même jour à la base aérienne 104, au Bourget. Le 12 octobre suivant, il fut dirigé vers le groupe de reconnaissance 2/33 « Savoie », stationné à Freiburg-am-Brisgau (Allemagne) de mai 1945 à mai 1950. En 1945. Il était équipée de North-American F-6 Mustang. Le 16 octobre 1945, Raymond Mahoudeaux était caporal (son livret militaire indique cependant qu’il fut nommé à ce grade le 1er janvier 1946).
Le 13 janvier 1947, il fut appelé à comparaître devant le tribunal du gouvernement militaire de Fribourg, afin de témoigner dans une information ouverte contre un dénommé Wehrle, affaire à propos de laquelle aucun élément n’a pu être recueilli.
Raymond Mahoudeaux fut libéré avant la fin de son engagement, le 15 mai 1947, par résiliation de son contrat. Il put en effet bénéficier des services militaires effectués au sein de la Résistance, soient deux ans et dix-neuf jours. Muni d’un certificat de bonne conduite, il se retira alors à Hirson, au 29 rue Legros.

Le 1er octobre 1948, Raymond Mahoudeaux entra à la caisse primaire de sécurité sociale, comme contrôleur administratif à mi-temps. Il avait alors à vérifier les prescriptions d’arrêt de travail des assurés sociaux dans la secteur de Wimy, La Capelle, Étréaupont et Vervins. Dans le même temps, il était secrétaire de mairie à Effry. Le 15 juin 1950, il entra définitivement à la Sécurité sociale, au bureau d’Hirson, et fut titularisé dans son emploi le 15 décembre suivant. Son activité consistait, outre des travaux administratifs, à renseigner les employeurs, d’assurer la tenue de sept permanences dans des localités voisines. Il devint agent principal en novembre 1966.

Raymond Mahoudeaux adhéra au Parti communiste à une date qui n’a pu être établie. Il l’était en tout cas au cours de sa période militaire, à en juger par sa correspondance. Il devint secrétaire d’une cellule puis trésorier de la section d’Hirson, et entra au comité fédéral communiste le 1er juillet 1962. Il y demeura jusqu’en 1966 (son nom disparaît de la liste des membres du comité fédéral à partir du 18 décembre 1966).

Conseiller municipal d’Hirson en 1959, maire-adjoint en 1964, il fut élu maire après les élections municipales de 1971 et conserva ce mandat pendant deux mandats, jusqu’à son décès. Georges Lapeyrie, RPR, lui succéda alors.

Raymond Mahoudeaux fut candidat pour le parti communiste lors des élections législatives de 1967 et 1968 dans la 3e circonscription de l’Aisne. Il se désista chaque fois au second tour en faveur du candidat socialiste Maurice Brugnon, au terme d’accords. En 1967, il était cependant arrivé très largement devant Brugnon, obtenant 10 667 voix contre 8 930 voix. En 1968, il enregistra un net recul : 8 252 voix contre 12 117 à Brugnon.

Il fut élu conseiller régional de Picardie en 1981, mandat qu’il exerça très brièvement.

Après sa mort prématurée, le conseil municipal d’Hirson donna le nom de Raymond Mahoudeaux au foyer Hirson-Amitié fondé en 1977, destiné au troisième âge. En 2007, l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy vint inaugurer plusieurs rues portant le nom de l’ancien maire d’Hirson, outre Maurice Brugnon, Claude Brunet, Paul Codos et Raymond Fischer.

Les obsèques civiles de Raymond Mahoudeaux eurent lieu le mercredi 25 mai 1983 à 17 heures, au cimetière d’Hirson, après un hommage public qui se tint dans la salle de l’Eden.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139213, notice MAHOUDEAUX Raymond, Émile, Paulin [pseud. Résist. : Édouard] par Frédéric Stévenot, version mise en ligne le 29 décembre 2011, dernière modification le 22 juin 2020.

Par Frédéric Stévenot

Raymond Mahoudeaux
Raymond Mahoudeaux

SOURCES : Arch. comité national du PCF. SHD, Vincennes (n.c.). — Michèle et Jean Sellier, Guide politique de Picardie, Tema, 1973. — Alain Trogneux, Dictionnaire des élus de Picardie, tome 3, « Aisne », éditions Encrage, 2010 (notice Frédéric Stévenot). — Sites Internet : Mémoire des hommes ; Bombardier B-17 Fortress Sarah Jane — État civil. — Archives familiales Sylvie Varea (fille de Raymond Mahoudeaux).

ICONOGRAPHIE. Arch. privée, Sylvie Varea

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