BRENEZ Alphonse.

Par Jean Puissant

Hornu (aujourd’hui commune de Boussu, pr. Hainaut, arr. Mons), 7 novembre 1862 – Hornu, 14 février 1933. Ouvrier mineur, militant socialiste, dirigeant syndical, fondateur d’une coopérative, député de l’arrondissement de Mons-Borinage, conseiller puis échevin de Hornu, père d’Arthur Brenez.

Fils de mineur, Alphonse Brenez fréquente l’école primaire durant quelques années, avant de descendre au fond. Il y est « jambot », « scloneux » en charge du transport du charbon et du mort-terrain, puis « caporal de scloneux », c’est-à-dire chef d’une « bande de scloneux », engagée par marchandage pour un travail donné, pendant une période de plusieurs semaines ou même de plusieurs mois. À l’âge de vingt ans, le 1er janvier 1882, il s’engage à l’armée, sert aux Deuxièmes chasseurs à pied où il devient sergent. Il est licencié le 21 avril 1887. Il gagnerait ensuite l’Amérique du nord où il travaillerait un moment comme mineur dans les Montagnes Rocheuses.

Rentré au pays où il épouse Aline Carlier, le 14 janvier 1888, Alphonse Brenez travaille à Wasmüel (aujourd’hui commune de Quaregnon, pr. Hainaut, arr. Mons) et se mêle à l’agitation ouvrière et socialiste. À l’occasion du 1er mai 1890, 15.000 mineurs chôment en faveur de la journée des huit heures, à l’appel de la Fédération socialiste républicaine du Borinage. Pour la première fois, de nombreux ouvriers du Grand Hornu participent à l’action politique. Brenez n’est peut-être pas étranger à cette évolution. Il est, en tout cas, l’un des fondateurs du syndicat des mineurs de Hornu en 1891, considéré par Émile Vandervelde*, comme le syndicat le plus fort et le mieux organisé du bassin.
Alphonse Brenez est à la tête de l’agitation à Wasmüel. À la tête de la fanfare ouvrière de Jemappes, il tente de passer malgré l’interdiction de la police. Une fiche de renseignements de la police, dressée à la suite d’un heurt avec le commissaire de police de Wasmüel, indique : « Insolvable. Vit de son travail. Conduite douteuse, moralité assez bonne, agent socialiste passionné ». Il est condamné pour outrages et coups à quinze jours de prison et vingt-deux francs d’amende.

Alphonse Brenez siège au Comité du Syndicat général des mineurs du Borinage en 1893 et au Comité de la Fédération régionale du Parti ouvrier belge (POB). Orateur violent, meneur d’hommes, il est également mêlé, lors de la grève générale d’avril 1893 en faveur du suffrage universel, aux violents incidents de Mons-ville (Quaregnon) où une barricade est dressée et où s’affrontent grévistes et gendarmes, causant quatre blessés graves. Il est arrêté le 16 avril, puis condamné à la suite d’une procédure menée rapidement, le 23 avril, à cinq ans de prison pour rébellion. Le 17 avril, après la fusillade de la route de Jemappes, la direction de la Fédération du POB est arrêtée mais relaxée en raison du classement sans suite du dossier.
Cette lourde condamnation apparaît comme le fruit de la volonté judiciaire de frapper néanmoins la direction socialiste. L’emprisonnement de Brenez est à l’origine de son élection au Parlement en 1894, avec une députation socialiste homogène. Elle provoque son élargissement anticipé.

Le 23 juillet 1907, Alphonse Brenez, dépose, avec Arthur Durant, au nom de la Fédération des syndicats des mineurs du Borinage qui compte 17.000 membres, et du Syndicat des mineurs de Jemappes et de Flénu (2.000 membres) devant la commission d’enquête sur la durée du travail dans les mines de houille, lors de la réunion de la section de et du groupe de Mons.

Alphonse Brenez siège à la Chambre jusqu’en 1929. C’est le seul véritable député mineur de la région mais son niveau d’instruction limité ne lui permet pas de jouer un rôle parlementaire actif de premier plan. Il intervient peu et uniquement à propos de problèmes sociaux de la mine et à l’occasion de catastrophes. Il cosigne les nombreuses propositions de lois en faveur des ouvriers mineurs déposées par Alfred Defuisseaux*, Désiré Maroille*, etc.

À l’origine, le syndicat de Hornu est ouvert à tous les ouvriers puis il devient exclusivement un syndicat de mineurs. Conscient de la précarité de ce type d’organisation qui se fait et se défait au gré de la conjoncture économique et sociale, Alphonse Brenez introduit l’organisation à bases multiples qui, à côté de la caisse de résistance, établit des caisses de chômage, maladie, invalidité, vieillesse. Il préconise cette organisation au Congrès national de la Fédération des mineurs en 1903. La cotisation syndicale à Hornu est désormais la plus forte de la région.

Alphonse Brenez est également secrétaire de la Fédération régionale des mineurs lors de sa reconstitution en 1901, jusqu’à la création d’un premier poste de permanent en août 1908. Moderniste pour ce qui concerne la nature de l’organisation syndicale, il ne joue pas le même rôle au niveau des structures. Il met l’accent toujours sur l’organisation locale. La Fédération régionale des mineurs ne se développe pas sous son action, elle n’adhère ni au POB ni à la Commission syndicale du POB.

Alphonse Brenez reste, par contre, radical dans son langage et parfois dans ses propositions, comme en 1906 où il propose au Congrès régional « l’auto-réduction de la journée de travail à huit heures, descente et remonte comprise ». Il obtient la majorité contre Désiré Maroille pour qui cette attitude heurtera de plein fouet le patronat et pour qui le conflit qui en résulterait conduirait à l’effondrement de l’organisation. Mais en fait, Brenez poursuit la seule tactique parlementaire en faveur de la réduction de la journée de travail.

Alphonse Brenez siège au Bureau national de la Centrale des mineurs après 1918, mais c’est bien au plan local que réside sa réelle importance. Il est un peu actif secrétaire de la Fédération régionale du POB, membre du Comité fédéral, sans discontinuer jusqu’à sa retraite en 1932, membre du Conseil général, mais il défend également le particularisme local dont il est un des principaux partisans après la Première Guerre mondiale.

Fondateur de la nouvelle coopérative de Hornu, L’Avenir socialiste, en 1895, Alphonse Brenez en est l’administrateur avec F. Quinchon*. Il participe à la fondation de l’Imprimerie coopérative de Cuesmes (aujourd’hui commune de Mons) en 1899 et en est administrateur. Élu conseiller communal à Hornu en 1895 - trois élus POB sur onze - malgré la tutelle qu’exerce le charbonnage du Grand-Hornu sur la vie communale, il est, avec Quinchon, l’artisan inlassable de la croissance de l’influence socialiste dans la commune. En 1907, le POB remporte les élections, Brenez et Quinchon deviennent échevins. Un nouveau succès électoral en 1912 donne la majorité absolue au POB. Quinchon devient bourgmestre et Brenez reste échevin des Travaux publics.

Pendant la Première Guerre mondiale, Alphonse Brenez préside le Comité de secours et d’alimentation local. Il est, après la guerre, le dernier dirigeant historique de la Fédération républicaine et voit, pour cette raison, ses nombreux mandats renouvelés au parti, au syndicat, à la coopérative, trente-deux au total, semble-t-il. Il préside, par exemple, l’importante chorale des Enfants du peuple, ainsi que ces nombreuses associations de toutes sortes qui tissent la toile du contrôle socialiste sur la population des communes industrielles des bassins miniers et lui fournissent des services nombreux et divers.

Alphonse Brenez écrit peu mais régulièrement dans la presse socialiste régionale, l’hebdomadaire, Le Suffrage universel, puis le quotidien, L’Avenir du Borinage, principalement des appels à la lutte, à l’organisation. Surnommé « l’Pekeu » par Alfred Defuisseaux*, en raison de sa passion pour la pêche, y compris à la dynamite, Alphonse Brenez est représentatif de ce type de mineur borain volontaire, combatif, têtu, « fort en gueule » « qui fait toujours ce qui est interdit et qui le fait surtout parce que c’est interdit », comme l’écrit Achille Delattre en 1925. Son rôle national est dû à son emprisonnement mais il a su représenter, susciter, utiliser sur le terrain quotidien l’importance du mouvement social spontané des mineurs. Il est, à ce titre, l’un des principaux artisans de l’implantation durable du POB dans le bassin et dans la commune de Hornu, dans la population de houilleurs dont il fait intimement partie. Il représente l’arrondissement de Mons à l’Assemblée wallonne de 1919 à 1933.

Alphonse Brenez est le père d’Arthur Brenez.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139431, notice BRENEZ Alphonse. par Jean Puissant, version mise en ligne le 5 mars 2012, dernière modification le 7 mai 2021.

Par Jean Puissant

SOURCES : PUISSANT J., L’évolution du mouvement ouvrier socialiste dans le Borinage, Gembloux, 1993 – DELATTRE A., Souvenirs, Cuesmes, 1977, p. 338-339 – DELFORGE P., « Brenez Alphonse », dans DELFORGE P., DESTATTE P., LIBON M. (dir.), Encyclopédie du mouvement wallon, t. I, Charleroi, 2000, p. 196-197.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable