BRIEN Paul, Louis, Philippe.

Par Jean Puissant

Hannut (pr. Liège, arr. Waremme), 24 mai 1894 – Watermael-Boitsfort (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 19 février 1975. Docteur en sciences et professeur d’université, membre du Parti communiste de Belgique, sénateur provincial du Brabant, militant wallon.

Fils d’un instituteur, Émile Brien, et d’Éléonore Heine, Paul Brien entreprend des études à l’École normale de l’État à Nivelles (aujourd’hui pr. Brabant wallon, arr. Nivelles), et devient régent. Pendant la Première Guerre mondiale, il est instituteur intérimaire à Hannut. À l’issue du conflit, il poursuit des études de zoologie à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Élève assistant en 1920, Paul Brien est docteur en sciences en 1922. Il mène une brillante carrière scientifique et académique : assistant en 1922, chargé du cours « La biologie dans ses rapports avec les sciences sociales » en 1925, professeur ordinaire en 1930.

Paul Brien n’en est pas pour autant étranger à la problématique sociale. Ami proche de l’écrivain populiste, Jean Tousseul, il partage, avec lui, dès 1915, une grande admiration pour Romain Rolland. Cette amitié reste sans faille jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, période durant laquelle Brien se sépare de l’écrivain, pacifiste convaincu.
Lors d’une interview radiodiffusée, Paul Brien note l’importance d’une visite, à Noël 1916, à un ouvrier carrier qui lui fait découvrir la condition ouvrière. Le 4 novembre 1935, il préside la première session de l’Université ouvrière de Bruxelles qui se tient à la maison des Tramwaymen, rue du Pinçon. Il y donne des cours. Il est également membre de son Comité de patronage. Il visite l’URSS en 1935.

En relation avec ce qui se passe à Paris, Paul Brien participe, en 1935, à la création du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) qu’il préside « à un moment », explique-t-il, « où les partis ne voulaient pas voir le fascisme ». Partisan, dans cette optique, de la constitution d’un Front populaire des forces de gauche, il est élu le 22 juin 1936 sous cette étiquette et, sur présentation des conseillers provinciaux communistes, sénateur provincial du Brabant, avec l’appui d’élus socialistes.
Convoqué par le président du conseil d’administration de l’ULB, P. Hymans, qui lui présente les observations de l’institution, défendues notamment par Henri Rolin*, sur l’incompatibilité entre le professorat et l’action politique, Paul Brien répond dans une lettre datée du 13 juillet 1936 : « On peut la défendre (ULB) par une activité scientifique pure. C’est le point de vue de la plupart de mes collègues. Pendant 15 ans, il fut le mien. Il ne peut plus l’être pour moi. Devant les dangers que nous a révélés l’histoire des dernières années dans des pays voisins, dans le nôtre même... danger pour notre idéal, danger pour l’esprit,... j’ai senti, dans la sérénité et dans la quiétude de mes travaux, naître l’angoisse d’être, non plus un intellectuel mais un monstre. Les intellectuels qui ont, dans un pays, la responsabilité de la culture, devraient-ils sous le prétexte d’être en dehors de la vie même, laisser battre le principe essentiel de cette culture, le libre examen ? Pour le sauver, je n’ai vu qu’un moyen, réunir toutes les forces encore saines de notre pays, les forces démocratiques de tous les travailleurs pour assurer le droit au travail donc la dignité, la paix donc la culture, la liberté donc la pensée. » Il répète ensuite qu’il remplira toutes ses obligations pédagogiques.
Non inscrit à un parti, l’engagement antifasciste et démocratique de Paul Brien va de pair. Il n’empêche qu’il remet sa démission de sénateur le 27 octobre 1936. Il signe un appel à la démocratie du CVIA en septembre 1939.

Suspendu de ses fonctions professorales par l’occupant allemand à son retour d’exode en 1940, Paul Brien est, à nouveau, autorisé à donner cours le 4 février 1941 : « autorisation soumise toutefois à la condition (qu’il s’abstienne) de toute espèce d’activité politique ». La reprise est courte puisque l’université ferme ses portes. Arrêté comme otage le 12 décembre 1942, il est enfermé à la prison de Saint-Gilles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) puis à la citadelle de Huy (pr. Liège, arr. Huy). Il est libéré fin février 1943.

À la libération du pays en 1944 , Paul Brien se mêle aux campagnes politiques, en particulier à la préparation des élections législatives de février 1946. Il prend la parole à divers meetings communistes. En 1945, il se rend à Moscou où il remet à Staline les insignes de docteur honoris causa de l’ULB. Il est l’un des brillants universitaires qui apporte ainsi sa caution intellectuelle au Parti communiste de Belgique (PCB) au sommet de son influence dans le pays.
Dans une interview accordée au Drapeau rouge du 2 février 1946, titrée Le communisme c’est la science et l’art au service du pays, Paul Brien défend l’action du parti de Joseph Jacquemotte, souligne son patriotisme durant la guerre, son efficacité après le conflit, son attrait sur les intellectuels. « Inévitablement, le communisme est l’application du marxisme, c’est-à-dire celle de la méthode scientifique aux problèmes moraux, sociaux et économiques. Le communisme, c’est la science et l’art au service du pays. En Belgique aussi (après l’URSS), j’ai vu les communistes œuvrer en vue du bien-être matériel et moral de toute la population. » Cette campagne ouverte, soutenue par des intellectuels de premier plan, permet au PC, à Bruxelles en particulier, d’obtenir un résultat tel qu’il implique l’appui d’une fraction de la petite bourgeoisie de la capitale.

En fait, cet engagement politique est conforté depuis 1937-1938 par un engagement intellectuel plus profond de la part de Paul Brien. En 1937-1939, en tant que biologiste, Brien, néo-darwinien, participe, avec de nombreux biologistes réputés de l’époque, à la contre-offensive idéologique opposée au racisme hitlérien. Sa défaite, à l’issue de la guerre, les conforte dans cette attitude renforcée par les succès et le prestige nouveau de l’URSS. Le biologiste, Jean Brachet, le jeune frère de Pierre Brachet, professeur à l’ULB, adhère également au Parti communiste. Or, dès septembre 1948, en pleine guerre froide, l’affaire Lyssenko apparaît comme un des enjeux idéologiques majeurs de la confrontation Est-Ouest. Présenté par l’URSS comme le parangon de la science prolétarienne, le lyssenkisme apparaît comme une sorte de revanche des praticiens sur les universitaires. S’engage donc un double débat sur la validité des thèses de Lyssenko et sur le rôle des intellectuels dans le mouvement communiste. J. Terfve*, un des principaux dirigeants du PCB issus de la résistance, demande, en septembre 1948, à J. Brachet de rédiger un texte vantant les mérites de la biologie soviétique. Réticent, ce dernier se rend néanmoins en URSS en mars 1949. À son retour, il refuse de reconnaître un quelconque mérite à Lyssenko. La direction du parti lui demande donc de démissionner.
Paul Brien, de son côté, soutient le mitchourinisme, la base empirique des théories de Lyssenko dans deux articles parus dans Communisme, la revue théorique du PCB, en février 1949, et en mars 1949, dans le Bulletin des anciens étudiants de l’ULB où il réaffirme les acquis de la science moderne, de la génétique, le rôle des chromosomes mais défend également les thèses soutenues par Lamarck sur le rôle du milieu sur l’hérédité et y rattache Mitchourine et Lyssenko. Après le retour de Brachet d’URSS, Brien ne prend plus publiquement position à ce sujet. Une science prolétarienne, opposée à la science bourgeoise et qui a pour fonction d’expliquer la formation d’un homme nouveau en URSS, n’obtient pas de confirmation.

Paul Brien quitte le PCB sur la pointe des pieds. Il reste néanmoins démocrate et explique par là sa participation à la création du Front de défense des francophones (FDF) de la capitale dans les années 1960. Il en est le premier président. En 1972, il exprime une fois encore le rejet du modèle « rose »... « Le Parti socialiste imagine avoir le monopole du socialisme. En réalité, le PS ne représente plus rien que lui-même. C’est-à-dire rien. Il vit, il se maintient par la force des choses... par ses magnifiques institutions. Mais ce parti socialiste ne représente plus aucune aspiration importante. Le syndicalisme bourgeois l’étouffe dans ses problèmes ménagers. »

Paul Brien apparaît comme porteur d’une éthique qui l’a amené du combat antifasciste au Parti communiste puis à la défense des francophones sans renoncer à une certaine idée des interactions de la vie et de la société. Il a en effet siégé à la direction de l’Institut de sociologie Solvay et au Conseil supérieur de l’éducation populaire.

Paul Brien est l’époux d’Émilie Gavage, docteure en Sciences naturelles (ULB), professeure à l’Athénée royal d’Ixelles.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139434, notice BRIEN Paul, Louis, Philippe. par Jean Puissant, version mise en ligne le 5 mars 2012, dernière modification le 29 novembre 2022.

Par Jean Puissant

Œuvre : La signification biologique de l’éducation, Bruxelles, 1931.

SOURCES : Notice réalisée par E. Herchaft, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, 1984 – KOTEK J. et D., L’affaire Lyssenko, Bruxelles, 1948 – La mémoire du siècle, Bruxelles, 1986 – POLL J. et HEERLANT-MEEWIS H., « Brien Paul », dans Annuaire Académie royale de Belgique, 1979, p. 39-141 – KESTELOOT C., « Brien Paul », dans Encyclopédie du mouvement wallon, t. I, Charleroi, 2000, p. 200 – Notice réalisée par S. De Laeter, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, 2005.

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