HAFNER Angélica

Par Daniel Grason

Née le 11 décembre 1899 à Eskichéhir en Asie Mineure (Turquie) ; sténodactylo, traductrice ; militante communiste.

Angélica Hafner
Angélica Hafner

Fille de Frédéric et d’Elisabeth, née Tose, d’origine italienne, son père ingénieur travailla aux chemins de fer à Bagdad (Irak). Elle se maria en 1922 avec Fritz Sulzbachner, né à Bâle (Suisse). Le couple divorça, Angélica Hafner vint en France en 1923.
Elle milita activement au parti communiste, obtint l’autorisation de séjourner par voie de sursis renouvelables. Un mot anonyme accompagné de sa photographie arriva à la Sureté générale au quai des Orfèvres à Paris, « Monsieur le chef de la sûreté, Je vous déclare que la nommée Angelica Sulzbachner Hafner sujet Allemand Communiste Déléguée Internationale. »
« Malgré deux arrêts d’expulsion de France [elle] se trouve depuis un certain temps rue Sarrette 29 ou 39 [illisible] […] Maurice et Charles Honel cachant sa véritable identité sous le nom de Madame Honel. »
L’anonyme signa « Un Patriote »
Mariée à Fritz Sulzbachner, elle l’avait quitté pour vivre en 1923 avec Maurice Honel à Levallois-Perret puis de juin à octobre 1925 au 42 rue du Montparnasse à Paris (XIVe arr.) et dans d’autres domiciles à Paris. Le couple revint à Levallois-Perret, vécu chez Gustave Honel, père de Maurice à Levallois-Perret.
Les hommes des Renseignements généraux exerçaient des surveillances régulières des différents domiciles où elle logeait, l’un écrivit dans un rapport daté du 27 avril 1926 : « elle est considérée comme une militante communiste des plus actives, fréquentant avec son amant les milieux avancés de la région parisienne. À Paris, 42 rue du Montparnasse, elle recevait des étrangers et une assez importante correspondance provenant de Suisse, d’Allemagne et de Russie. »
Le 26 mai 1926 le ministre de l’Intérieur rédigea un arrêté d’expulsion à l’égard d’Angélica Hafner. Trop tard, Angelica Sulzbachner s’était mariée le 17 avril 1926 en mairie du XIVe arrondissement avec Maurice Honel. Ce jour-là, Louis Maurice Honel, encadreur épousa Angelica Hafner, traductrice, tous deux domiciliés 59 rue Sarrette, ils eurent pour témoins Gustave Dochereuil, représentant et Héloïse Radas, concierge au 51 rue Daguerre. La Préfecture de police prenait acte que l’arrêté d’expulsion n’avait pu être signifié à Angelica Sulzbachner et en informa le ministre de l’Intérieur.
En 1927, le couple se sépara sans divorcer. Elle vécut à partir de 1929 avec André Martin, ils habitèrent avenue Jean-Jaurès à Vitry (Seine, Val-de-Marne), puis à partir de juillet 1932, 1 rue Mansart dans la même localité. En 1928, elle travailla à la section Française du Secours Rouge International au 8 avenue Mathurin-Moreau à Paris (XIXe arr.).
Le 15 juillet 1929 vers 23 heures, Angélica Honel était interpellée en compagnie de Lucienne Lesaint, manutentionnaire, toutes deux étaient domiciliées 215 rue de Paris à Bagneux. Elles distribuaient des tracts édités par le parti communiste dans un bal organisé sur la voie publique, Lucienne Lesaint alla à l’École léniniste internationale à Moscou de 1930 à 1931. Angélica Honel fut de nouveau interpellée le 19 septembre de la même année pour distribution de tracts communistes. En 1930 elle travaillait à la Maison des syndicats 33 rue de la Grange-aux-Belles (Xe arr.).
Le 17 avril 1931 le ministère de l’Intérieur, direction de la Sûreté générale ordonnait une enquête sur Angélica Honel qui résidait à la Villa Germinal (XIVe arr.) à Paris. Il était précisé qu’elle était « employée en qualité de dactylographe et traductrice à la Section économique de l’URSS 25, rue de la Ville-l’Evêque à Paris (XIVe arr.) ». Le 18 et le 30 mai de la même année nouvelles notes policières de recherche, elle ne travaillait plus à la Représentation commerciale de l’URSS et avait quitté son domicile sans laisser d’adresse.
En 1931 elle travailla au dispensaire municipal de Vitry-sur-Seine, elle dirigea et accompagna les pupilles communistes de la localité à la colonie de vacances de Cayeux-sur-Mer dans la Somme. En janvier 1933, membre du 5e Rayon de la Région Parisienne du Parti communiste, elle adhéra à « l’Union des Femmes contre la Guerre ».
Le 3 février 1933, dans une lettre au ministre de l’Intérieur le Préfet de police demandait que le Garde des Sceaux, ministre de la Justice examine « s’il convient d’engager à l’égard de la nommée Hafner la procédure de déchéance la nationalité française. » Le 4 avril le ministre répondit que l’acquisition de la nationalité française s’était opérée de « plein droit et non sur la demande de l’intéressée », et qu’en conséquence « La Chancellerie ne saurait donc envisager d’exercer contre la femme Honel une action en déchéance de la nationalité française. » Le 21 juillet 1933 son signalement était diffusé sous le motif qu’elle était « dangereuse pour l’ordre intérieur : taille 1,60 m, front moyen, menton rond, cheveux châtains foncés, yeux gris foncés, visage ovale, sourcils foncés, nez moyen, teint clair, bouche moyenne, corpulence forte, signes particuliers allure dégagée. »
En 1933, elle dirigea avec André Martin le Comité des chômeurs de Vitry, s’occupait de l’édition des tracts et bulletins pour l’organisation communiste de la ville et la municipalité. Adhérente de la CGTU des employés de la région parisienne, membre du sous-rayon communiste de Vitry, du Secours Rouge International (SRI), elle était la secrétaire de la section locale de l’Union des femmes contre la misère et la guerre. Elle prenait une part active dans les réunions et manifestations organisées par ces organisations.
Elle quitta Vitry en 1936, habita 166 rue de Charonne, à Paris (XIe arr.), puis 20 rue Guilhem, elle divorça avec Maurice Honel en 1940. Angélica Hafner ne se manifestait pas comme militante, elle vivait des subsides que lui versait sa fille Sieglinde, née le 2 mars 1920 à Zurich (Suisse). Dans les archives de Moscou déposées à la BDIC à Nanterre, une très courte note concerne Angélica Hafner : « Semble avoir été proche de personnes qui font du travail spécial dans l’aéronautique française. »
En avril 1940, un locataire de son immeuble, commis aux Halles, découvrait une malle dans sa cave. À l’intérieur plus de trois-cents livres et brochures édités avant-guerre par le parti communiste, des romans, recueils de chansons, une cinquantaine d’ouvrages en allemand. La concierge de l’immeuble se rendit au commissariat du quartier Saint-Ambroise, lors d’un entretien avec la police Angélica Hafner reconnut être la propriétaire de la malle qui fut saisie le 13 mai. La Brigade spéciale n° 1 (anticommuniste) fut alertée.
En 1943 elle travaillait chez Inter-Autag 27 rue de Marignan à Paris (VIIIe arr.), et demeurait 20, passage Guilhem (XIe arr.). Le 3 avril 1943 trois inspecteurs de la BS2 se présentèrent à son domicile vers 19 heures, elle présenta une carte d’identité, des coupons provenant de la mairie de Louvigné-du-Désert dans l’Ile-et-Vilaine, et diverses feuilles de rationnement. Les policiers saisissaient un tract manuscrit du parti communiste, un carnet annoté et trois clefs.
Les Renseignements généraux l’appréciaient comme une « révolutionnaire acharnée ». Concernant la malle d’ouvrages, ils notaient qu’il y avait « deux cents brochures et livres antérieurs à la dissolution du parti communiste. » Quant à la fille d’Angélica, Émilie Schwitza elle était notée au carnet B depuis mai 1939, date à laquelle elle avait été interpellée pour « menées communistes. »
Angélica Hafner fut appréhendée par la Gestapo, emprisonnée pendant trois mois. Après sa libération, craignant une nouvelle arrestation, elle se réfugia en zone sud. Elle revint à Paris en 1945, malade, ayant souffert de privations, elle dut être hospitalisée à Saint-Antoine. À sa sortie, elle s’adressa au commissariat pour récupérer sa malle et ses ouvrages, celle-ci fut introuvable. En mai 1945, elle demanda un passeport pour se rendre en Suisse pour raisons de santé. Toujours domiciliée au 20 rue Guilhem dans le XIe arrondissement de Paris, elle adressa le 25 septembre 1945 une lettre au cabinet du Préfet elle lui demandait qu’il lui indiqua « la marche à suivre pour retrouver [sa] malle de livres dont beaucoup étaient de grande valeur. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139451, notice HAFNER Angélica par Daniel Grason, version mise en ligne le 20 novembre 2018, dernière modification le 8 décembre 2018.

Par Daniel Grason

Angélica Hafner
Angélica Hafner

SOURCES : Arch. PPo. 77W 572, 1W 252-59641, GB 125. – BDIC Nanterre Arch. De Moscou, Honel Angelica fonds 495 270/6564. – État civil du XIVe arrondissement 14M 288_C acte n° 637.

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