BUURMANS Victor.

Par Willy Haagen - Jean Puissant

Né à Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers) le 11 mars 1842. Employé, dirigeant de l’Association internationale des travailleurs, communard.

Le père de Victor Buurmans est savonnier, son frère Félix, abbé, dirige l’Institut Saint-Joseph à Anvers en 1871. Victor Buurmans appartient du moins à la petite bourgeoisie. Il poursuit des études et devient employé. Dès sa jeunesse, il est sensible aux griefs et revendications flamandes. À l’instar de Philippe Coenen* et Joseph Labaer*, il est membre de la Nederduitsche bond catholique jusqu’en 1867 et du mouvement du Meeting anversois. Il s’éloigne du monde catholique, devient libre penseur et s’affilie à la Volksverbond (Ligue du peuple), créée en mars 1867 par Philippe Coenen. Il y est accepté malgré l’ouvriérisme de l’association et en devient le secrétaire.

La Volksverbond adhère à l’Association internationale des travailleurs (AIT) en 1868 et en constitue donc la section anversoise. Son organe, De Werker (Le travailleur), est également reconnu organe de l’AIT. Victor Buurmans en est l’éditeur responsable en 1870. Il mène de violentes polémiques avec les journaux bourgeois de la métropole, tient des meetings antimilitaristes mais rédige également des textes plus théoriques. Proche des thèses flamingantes, il représente ainsi la Volksverbond aux funérailles de Van Elewijck père, important flamingant anversois en 1869, mais il critique violemment les députés du Meeting, Coremans et Gerrits, qui, à la Chambre des représentants, trahissent la cause des travailleurs flamands.

Victor Buurmans préside à Anvers en 1870 le Congrès ouvrier néerlandais et le Congrès de l’AIT belge à Bruxelles les 5 et 6 juin 1870. En juillet, il est l’animateur d’un grand meeting contre la guerre à Anvers. Dès le 6 septembre 1870, il gagne Paris pour s’enrôler dans la Garde nationale. En fait, pour des raisons inconnues, il s’est rendu, à diverses reprises, à Paris dans les années précédentes. Il y vit en 1862, 1863 et en 1866, date à laquelle il y épouse Élise Louise Sertilange, dont il a un fils et une fille.

Les lettres de Victor Buurmans à De Werker en 1871 montrent bien d’ailleurs son engagement « patriote » anti-bismarckien autant que républicain et socialiste. Installé dans le quartier du Jardin des plantes, il fréquente l’internationaliste Varlin qui, pour échapper à la police de Napoléon III, vit un moment en Belgique, en particulier à Anvers, où il est relieur.

Naturellement, pourrait-on dire, Victor Buurmans poursuit son service sous la Commune. Il est adjudant au 164ème bataillon fédéré, la compagnie de marche du quartier où il habite. Il est fait prisonnier dans la plaine de Châtillon (département des Hauts-de-Seine, France) lors d’un des grands essais de sortie des troupes fédérées. Son sort rejoint celui d’Élisée Reclus* au même endroit, dans les mêmes circonstances. Il est emprisonné au fort de Guelern dans la rade de Brest (département du Finistère, France), « espèce de trou d’argile jaunâtre, entre les hauts talus qui ne vous laissent voir que le ciel », comme l’écrit Reclus dans sa correspondance à Buurmans. Prisonnier, sans apparemment d’instruction poursuivie, Victor Buurmans se voit déjà enfermé pour une longue durée. Le 29 juillet 1871, dans une longue lettre adressée au ministre catholique anversois, Victor Jacobs, il lui demande d’intervenir auprès des autorités françaises. Il fait état de son engagement flamand au sein du parti du Meeting, aux côtés de Coremans et Gerrits, de sa simple présence en uniforme dans les troupes fédérées et de l’absence de suites judiciaires, ainsi que de sa situation familiale et de sa volonté de servir son pays et d’acquérir une position honorable, « en qualité d’agent dans une colonie quelconque pour y créer des relations commerciales et autres avec la Belgique », pour amadouer le ministre conservateur.

Le 4 octobre 1871, le frère de Victor Buurmans, Félix, s’adresse à son tour à Victor Jacobs, remplissant « un devoir de fraternelle charité ». Il plaide qu’il a été envoyé avec sa compagne contre l’armée française à son insu, et qu’il a déjà lourdement payé par six mois de dure détention. « Je suis le premier à reconnaître ses erreurs. Plus d’une fois, je lui ai reproché sa vie agitée et révolutionnaire... Je l’ai engagé à se ranger, à s’adonner au travail et à chercher dans l’accomplissement de ses devoirs religieux le calme, le repos et le bonheur qui lui manquent. » En septembre 1871, Buurmans est inscrit sur une liste de prisonniers pour lesquels les autorités françaises recherchent des renseignements. À la suite de tractations diplomatiques, le ministre belge des Affaires étrangères communique à Félix Buurmans, le 31 janvier 1872, qu’il est mis fin aux poursuites à la date du 21 janvier.

Après dix mois de détention, Victor Buurmans recouvre la liberté. Il vit avec sa famille à Paris mais se plaint des tracasseries policières. Peut-être sur les conseils de Reclus, invoquant leur compagnon de captivité, Gobley, retourné en Uruguay, Buurmans gagne l’Amérique du sud. Il envoie trois correspondances d’Argentine à De Werker en juillet-août 1874. Mais son exil ne réussit pas.

Rentré en Europe, Victor Buurmans travaille comme premier employé chez un huissier à Bruxelles, rue Blaes, à la fin 1874. Il donnerait également des cours. Ce qui est certain, c’est qu’il abandonne le militantisme et s’occupe de sa famille - son fils est mort peu après sa libération -.

Le contact semble interrompu à ce moment avec Reclus qui retrouve Victor Buurmans toujours à Bruxelles en 1878. Il lui demande des détails topographiques sur Anvers et de bien vouloir corriger les épreuves des pages d’un de ses ouvrages consacrées à la Belgique. « Tu recevras les épreuves relatives aux flamands et à la ville d’Anvers, tu auras la bonté de me les corriger, de me les annoter, de me les enrichir de tes observations. J’aurais ainsi le plaisir de pouvoir mettre ton nom dans mon livre et toutes les fois que je puis y introduire le nom d’un communard au lieu de celui de quelque professeur réactionnaire, je suis enchanté. » (17 février 1878). Victor Buurmans lui affirme être « perdu pour le socialisme ». Élisée Reclus l’encourage : « garde précisément en toi le bon trésor de nos idées et de nos revendications sociales », « La preuve que tu n’es pas mort, quoique tu en dises c’est que la question flamande, pourtant un détail infiniment petit dans la question sociale, t’occupe et te passionne encore »...

En 1892, Victor Buurmans donne à De Werker pour le vingt-cinquième anniversaire de l’organisation socialiste à Anvers, un article de souvenirs qui laisse entendre qu’il n’abandonne pas ses idées révolutionnaires, radicales peut-être par rapport à ce qu’est le POB à cette date. Selon A. Van Laar, retourné en France, il publierait sous le nom de Victor Voisin (traduction française de son nom) Le journal de Courbevoie. On sait par ailleurs, qu’incarcéré avec Emmanuel Chauvière, il garde des contacts avec lui et que ce dernier, à son retour en France, a été conseiller municipal puis député à Paris.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139496, notice BUURMANS Victor. par Willy Haagen - Jean Puissant, version mise en ligne le 7 mars 2012, dernière modification le 16 janvier 2020.

Par Willy Haagen - Jean Puissant

ŒUVRE : Collaborateur à De Werker, 1868-1874.

SOURCES : RECLUS E. Correspondance, II, 1911 − FREYMOND J. (dir.), La Première Internationale. Recueil de documents, 4 vol., Genève, 1962-1971 − VAN LAAR A., Geschiedenis van de de arbeidersbeweging te Antwerpen en omliggende 1860-1925, Antwerpen, 1926 − SARTORIUS F., DEPAEPE J.-L., Belges ralliés à la Commune de Paris, Bruxelles, 1985, p. 730-731 (Reprint Revue belge d’histoire militaire, 1980 et 1984) − DEVREESE D., Documents relatifs aux militants belges de l’Association internationale des travailleurs, Louvain-Paris, 1986 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 79).

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