LONGEOT Henri [André, Emmanuel, Henri]

Par Hervé Le Fiblec, Gilles Morin

Né le 7 mars 1917 à Bellegarde-sur-Valserine (Ain), mort le 27 décembre 2010 à Grenoble (Isère) ; professeur puis inspecteur général de sciences et techniques industrielles ; résistant ; militant syndicaliste, secrétaire régional de Lorraine et membre de la commission administrative nationale du SNET (1956-1959) ; secrétaire général (1951-1954) puis membre du bureau politique du MLP (1954-1957) ; membre du bureau politique de l’UGS (1957-1960) ; secrétaire général adjoint (1960-1961) et membre du bureau national du PSU(1960-1967).

Fils d’un ingénieur chez Citroën, Henri Longeot, né dans une famille bourgeoise et catholique de tradition conservatrice, fit des études brillantes qui le menèrent jusqu’au diplôme d’ingénieur des Arts et Métiers en 1937. Il entra à l’École normale supérieure de l’enseignement technique (section B) en 1937 où, encore plutôt proche du Parti social français, il s’éveilla aux questions sociales et religieuses. Influencé par le journal L’Aube, il eut des discussions avec Jean Guéhenno, qui enseignait le français dans l’école, pour lequel il eut beaucoup de considération. Mobilisé comme aspirant d’artillerie en 1939, il fut démobilisé en 1940.

Longeot s’installa à Lyon où il avait été nommé comme enseignant. Atteint par la tuberculose, il quitta Lyon pour Hauteville (Ain) puis Bonneville (Haute-Savoie) où il résida de 1942 à 1943, où il fut alité à la suite d’une pleurésie. Il traversa alors une phase mystique. Il reprit alors ses activités d’enseignant, à Cluses. Un temps court favorable à Vichy, il se rapprocha de la Résistance au sein du Front national, ce qui témoignait d’une évolution politique importante pour ce catholique fervent.

A la Libération, Longeot fut membre du comité de Libération de Bonneville, puis s’engagea dans les organisations politiques de la gauche chrétienne, notamment au Mouvement populaire des familles dont le secrétaire régional et permanent à Lyon était Georges Tamburini*. Il refusa cependant la proposition qui lui fut faite de se présenter comme candidat du Mouvement républicain populaire aux élections de 1946 pour le Conseil de la République. Il s’occupa des questions de ravitaillement et de logement.

L’année suivante, Longeot fut nommé à l’école nationale supérieure d’électricité et de mécanique de Nancy. En Lorraine, il poursuivit son engagement dans les organisations chrétiennes, notamment à l’Action catholique ouvrière ou au MPF dont il devint le secrétaire régional aux Associations familiales ouvrières dont il était président départemental. Son activité dans les années 1950 pouvait le faire considérer comme un « compagnon de route » des communistes : il fut notamment membre du Mouvement de la Paix et fut élu sur une liste CGT-MLP comme administrateur de la Caisse primaire de Sécurité sociale de Nancy. Il était par ailleurs président de la section départementale de la Fédération nationale des malades, infirmes et paralysés.

En 1951, Longeot devint secrétaire général du Mouvement de libération du peuple, sans pouvoir éviter la scission du Mouvement de libération ouvrière, qui condamnait la satellisation du MLP dans la sphère communiste. Permanent à ce poste, désormais en fonction à Paris, il créa notamment le journal Perspectives ouvrières en 1952, avant d’être mis finalement en minorité sur la question de l’intégration des associations familiales ouvrières dans le MLP en 1954. Il quitta la présidence du mouvement, au profit de Louis Alvergnat*, mais resta au bureau politique.

N’étant plus permanent du MLP, Longeot reprit alors l’enseignement à Nancy, tout en étant secrétaire fédéral du MLP et en étant président départemental des Associations familiales ouvrières. Il s’engagea dans l’action syndicale. Membre du SNET, il fut secrétaire régional du syndicat de 1956 à 1959, et siégea à sa CA nationale, élu en 1956 sur la liste UASE menée par Etienne Camy-Peyret*. Il siégea aussi au bureau de la section de Meurthe-et-Moselle de la Fédération de l’Éducation nationale. Préoccupé par les questions coloniales, il était président du comité départemental pour la liberté des peuples d’outre-mer. Il était encore responsable diocésain de l’Action catholique ouvrière.

En décembre 1957, Longeot, qui s’était montré réticent en 1954 à la création de la Nouvelle Gauche, participa à la création de l’Union de la gauche socialiste dont il fut le secrétaire départemental et il appartint au comité politique de l’Union de sa naissance à avril 1960. En avril 1958, il se présenta comme candidat aux élections cantonales et obtint 11 % des voix, mais, lors des élections législatives de l’année suivante, sous l’étiquette de l’Union des Forces Démocratiques, il dépassa à peine les 5 %. Avec d’autres militants de l’UGS, comme Roger Beaunez*, Georges Gontcharof* et Claude Nery, ils fondèrent en 1959 l’ADELS qui cherchait à former les militants s’intéressant à l’action locale.

Lorsque les militants de l’UGS se divisèrent pour savoir s’ils devaient aller au bout du processus de fusion avec le PSA, en dépit de l’adhésion des mendésistes, avec Pierre Belleville*, Louis Guéry* et Georges Tamburini* il fut l’un des anciens du MLP qui firent campagne pour la création du PSU et pour éviter la division dans leurs rangs, publiant une brochure « Construire le courant du renouveau socialiste ». Marc Heurgon le qualifiait à ce propos dans son Histoire du PSU, comme l’un des « plus politiques des chrétiens ». S’ils allèrent à la fusion en perdant une partie de leurs anciens militants, ils conservaient un instrument d’influence commun et indépendant du nouveau parti en dirigeant avec Gilbert Mathieu la revue Perspective socialiste et les locaux de la rue Garibaldi.

Lors de la création du Parti Socialiste Unifié, en 1960, Longeot fut désigné comme secrétaire national adjoint. Selon le témoignage d’Edouard Depreux*, il se montra méfiant envers lui dans un premier temps, demandant à suivre tout le courrier avant qu’il n’y fût répondu, mais trop absorbé par ses propres occupations professionnelles, il ne pouvait consacrer qu’un temps limité au parti. Les deux hommes devaient ensuite s’entendre et devenir amis. Mais les divergences et les héritages culturels s’affirmèrent à plusieurs reprises. Ainsi sur la question de l’insoumission à l’automne 1960, Longeot se prononça pour le texte de Verlhac, Tamburini et Serratrice qui prônait le soutien aux insoumis, à l’opposé de Gilles Martinet* et Depreux qui se prononçaient contre l’insoumission individuelle.

Henri Longeot, ancien responsable du MLP qui était soupçonné par certains des laïcs venus du PSA d’être par ailleurs un compagnon de route des communistes, se trouva au centre des conflits qui opposèrent à des chrétiens issus de l’UGS et du MLP dans les premières années du jeune parti. Une note qu’il rédigea sur l’Action catholique ouvrière pour le bureau national fut exploitée par ses adversaires. Au congrès de Clichy de mars 1961, il fut mal réélu mais demeura au bureau national, chargé de l’action sociale, en coopération avec Pierre Bérégovoy. Au premier congrès d’Alfortville, en novembre 1961, il présenta la motion majoritaire (54 % des voix), à laquelle s’opposaient Jean Poperen* et Lucien Weitz*. Par contre, il se retrouva minoritaire à l’occasion du vote sur la position à prendre pour le référendum gaulliste, car il prônait le oui et que le parti se prononça pour le vote nul. Secrétaire de section FEN, il participa à la conférence nationale Action économique et dans les entreprises du PSU en septembre 1962. Il fut encore responsable de l’organisation du colloque sur la planification démocratique en mars 1962, avec la CFDT. Au second congrès d’Alfortville en janvier 1963, il déposa une motion qui resta minoritaire (348 mandats sur 709), mais fut élu au nom de la motion B et reconduit au bureau national, où il fut chargé le 21 avril 1963 de l’action municipale et locale, et reconduit à cette fonction en novembre suivant. Candidat PSU aux élections législatives partielles de mai 1964 à Longwy, la même année, il participa aux colloques socialistes organisés par Georges Brutelle en 1964. Deux ans plus tard, en 1966, il était l’un des représentant du PSU aux Rencontres socialistes de Grenoble.

Signataire du texte « le parti devant la perspective de la gauche unie » qui prônait le rapprochement avec la FGDS pour le congrès de 1967 dans Tribune socialiste du 27 avril 1967, il fut mis en minorité dans sa fédération. Il quitta le PSU, avec lequel il était en désaccord à la suite du refus du congrès de rejoindre la Fédération de la gauche socialiste et démocratique. Membre de l’association « Pour un pouvoir socialiste », fondée par Gilles Martinet en octobre 1967, il protesta contre l’exclusion de Jean Poperen* dans Tribune Socialiste du 11 janvier 1968.

Henri Longeot s’éloigna alors de l’engagement militant pour poursuivre une carrière dans l’Éducation nationale. Il devint inspecteur général des sciences et techniques industrielles et se consacra au développement de sa discipline jusqu’à sa retraite, en 1986 et collabora à la revue L’enseignement technique. Il publia notamment plusieurs ouvrages de référence pour l’enseignement des STI. Il fut ensuite président de l’Association française pour le développement de l’enseignement technique de 1986 à 1987, puis de 1995 à 1997 fut nommé président d’honneur de l’Association européenne pour l’éducation technologique.

S’il adhéra, en 1985, au Parti socialiste, il n’y occupa aucune responsabilité jusqu’à sa mort. En avril 2010, il signa l’appel pour les cinquante ans du PSU.

Henri Longeot se maria le 22 juillet 1939 à Meudon (Seine-et-Oise- Hauts de Seine) avec Jeanne Labrouillère, élève de l’ENSET (section B, 1937-1939). Ils eurent cinq enfants.

Jean Longeot, son fils, a été président de l’UGE, et Françoise Longeot-Laurent, sa fille, a présidé longtemps le planning familial. Tous deux ont été membres du ESU.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139499, notice LONGEOT Henri [André, Emmanuel, Henri] par Hervé Le Fiblec, Gilles Morin, version mise en ligne le 30 janvier 2012, dernière modification le 7 décembre 2018.

Par Hervé Le Fiblec, Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., F/1cII/321 ; 19770286/21. — Archives IRHSES. — Tribune du Peuple, 14 décembre 1957, 15 novembre 1958. — Comptes rendus du Comité politique de l’UGS. — Courrier de l’UGS, 15 janvier et 10 octobre 1959. — Tribune socialiste, 2 février 1963 et 11 avril 1964. — Nania (Guy), Un parti de gauche, le PSU, Paris, librairie Gedlage, 1966, 299 p. — Kesler (Jean-François), De la gauche dissidente au nouveau parti socialiste, Toulouse, Bibliothèque historique Privat, 1991. — Heurgon (Marc), Histoire du PSU, tome 1 : La Fondation et la guerre d’Algérie, 1958-1962, La Découverte, 1994. – Notes de Jacques Girault. — Le Monde, 25 août 2010.

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