RABATEL Maurice Pierre, dit FORESTIER Jean, dit LARSEN Pierre, dit PONS Ferdinand

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

Né le 22 décembre 1901 à Saint-Romain-en-Gal (Rhône), mort en déportation à Ellrich, kommando dépendant du camp de Dora ; comptable ; militant communiste à Paris XVe arr. dès 1925 puis du Lot-et-Garonne de l’été 1935 à l’été 1936.

Maurice Rabadel en 1943
Maurice Rabadel en 1943

Maurice Rabatel était le fils cadet d’e Louis, Prosper Rabatel, professeur de Lettres au collège de Vienne (Isère) mort à Chambery en 1909 deux années après son épouse et de Berthe, Marie née Gratier, morte en couches en 1906. Maurice avait deux frères, l’un se suicida, l’autre, Robert, devint notaire. 1levé par ses grands-parents libraires à Grenoble, Maurice Rabatel fit ses études au collège de Vienne puis au lycée de Grenoble où il obtint la première partie du baccalauréat (latin, anglais, italien) et étudia la comptabilité dans une école de commerce Pigier à Paris. Il fut alors placé en 1918 comme employé dans une maison de soierie à Lyon puis il s’installa à Paris en 1920. Après son service militaire (1921-1923) il se maria en juillet 1923 avec Lucette Goubert (Villeurbanne, 23 juin 1905, Chaumont-en-Vexin, Oise, 3 mai 1984) et le ménage eut un enfant en 1925, Ivan (3 juillet 1925, Paris XIVe arr.) (en hommage à l’URSS). Le couple se sépara au cours de l’été 1927, veille du départ de Maurice pour Moscou. Maurice Rabatel se remaria avec Georgette Bourgeois , sculpteur, d’une famille bourgeoise suisse et non militante. Ils eurent deux enfants : Dominique et Sylvie. Il vécut ensuite avec" Marie Deliot", pseudonyme de Caridad Mercader (Marie Deliot est une francisation de son nom de jeune fille : Maria Caridad del Rio Hernández), mère de Ramon Mercader (l’assassin de Trotsky) avec laquelle il cohabita, à Paris d’abord, puis à Savignac, de l’été 1934 à l’été 1936.

Habitant 82 rue Olivier de Serres dans le XVe arr. Il exerçait le métier de comptable dans diverses maisons puis il entra en février 1924 dans une fabrique de bronze jusqu’en 1927. Il affirmait n’avoir jamais rencontré de difficultés matérielles et être resté « non conscient » en politique jusqu’en 1923 où il fit des « lectures de doctrine ».

Maurice Rabatel adhéra au Parti communiste en septembre 1925 et milita à la cellule 401 des ouvriers et employés de l’Hôtel de Ville au sous rayon du 4e rattaché au 3e rayon. Il fut successivement affecté comme membre du comité du 3e rayon à la section de la Presse jusqu’en avril 1926, à celle d’Agit. prop jusqu’en septembre 1926 et à la section d’organisation jusqu’en août 1927. À l’Agit. prop il constitua la cellule locale de Saint Maurice puis il réorganisa celle de Saint-Mandé qui connaissait d’énormes difficultés. Son travail fit l’objet de rapports dont l’un parut dans l’Humanité. Il fut également responsable d’une école de rayon. Il déclarait ne pas avoir d’expérience syndicale et qu’il était passé de l’USTICA à la fédération unitaire des Métaux pour être en contact avec des ouvriers. Se défendant de toute participation à une lutte fractionnelle il faisait cependant des réserves sur certaines pratiques du parti (amnistie, campagne Sacco Vanzetti, fraction parlementaire...).

Le 3 novembre 1927, Rabatel fut pressenti pour aller à Moscou suivre les cours de l’ELI. Dans un texte signé Coste du 24 octobre 1927 le parti le jugeait « moins prolétaire que les autres auditeurs sélectionnés mais dans tous les cas c’est un excellent camarade ». Il prit le pseudo de Jean Forestier pour signer le 17 novembre sa situation politique. Un problème se posa dès l’arrivée puisque le 24 novembre, dans une lettre écrite par Rabatel et cinq autres élèves il demandait d’être informé sur le montant de l’indemnité qui leur était allouée et dans quelles conditions il pouvait la faire parvenir aux familles. Dans une lettre du 16 décembre il précisait que l’indemnité prévue (50 roubles) était insuffisante pour nourrir sa compagne qui attendait sa nomination à l’administration des Postes. Resta-t-il à l’ELI ? In ne semble pas car il était en France à l’été 1928 comme en témoigne une photo. Selon une lettre ultérieure du 1er mars 1938 signé de Leduc de la région Paris Ville : “ il n’a pas été accepté ” à Moscou. Mais Leduc se trompe en datant de 1928 ou 1929 le départ en URSS. Il ajoutait que Rabatel aurait fait un certain « travail de groupe » [fractionnel] à la suite duquel il avait été écarté de la direction du rayon.

Cette lettre répondait à une demande de renseignements sur Rabatel en liaison avec une affaire survenue en janvier 1936 dans le Lot-et-Garonne (accusation de complicité d’escroquerie commise en juin 1933 en sa qualité d’ex-comptable d’un certain M…, entrepreneur véreux reconverti dans les « affaires »). On apprenait alors que Rabatel était venu habiter dans la région de Villeneuve-sur-Lot, à Savignac-sur-Leyze où il avait acheté une maison et se déclarait cultivateur. Toujours membre du PC, secrétaire du rayon de Villeneuve-sur-Lot , il anima, sous le nom de Larsen, à Fumel, une grève de Monsempron (Société des produits réfractaires de Fumel et Libos) du 20 décembre 1935 au 22 janvier 1936.

Or, par une lettre du 15 janvier 1936 adressé à Renaud Jean, député du département et signée Pierre Larsen, Rabatel informait qu’il venait d’apprendre par la gendarmerie qu’il avait été condamné par défaut le 27 juillet 1935 par le tribunal correctionnel de Dijon à 3 mois de prison et 100 F d’amende pour « escroquerie et complicité ». Il proclamait être victime d’une abominable erreur et demandait d’être convoqué par le tribunal pour qu’éclate sa complète innocence. Il affirmait que ce jugement avait pour but de porter un coup à la grève qu’il dirigeait. Sans indiquer la raison de ce verdict il se disait prêt à donner à la commission de contrôle du Parti toutes les explications nécessaires et à accepter toute décharge de ses responsabilités dans le PC et la CGTU. Renaud Jean inquiet de cette affaire trouvait « très fâcheux » que le rayon de Villeneuve-sur-Lot avait pu désigner Rabatel comme secrétaire sans explication sur son passé et les raisons de son installation dans la région.
Le 22 mai 1936 il fut condamné par le cour d’appel de Dijon à trois mois de prison et 100 F d’amende ; il a toujours proclamé son innocence) Au bord de la banqueroute frauduleuse, celui-ci, pour s’en sortir, avait eu l’idée de monter, grâce à ses nombreuses relations), une affaire assez douteuse de vente de pavés allemands à la ville de Paris. Maurice le quitta (sans être entièrement payé, d’ailleurs), après avoir découvert ses malversations ; les quelques mois qu’il resta à son service suffirent cependant à le compromettre. Du reste, comme justement indiqué au paragraphe 7 de sa biographie, il resta toujours intimement convaincu que ses activités militantes (il dirigeait alors la grève de Monsempron à Fumel et Libos), n’étaient pas étrangères à la sévérité à son égard des juges de Dijon…
Après avoir purgé sa peine de prison à Agen (février-mai 1937), il retourna vivre à « Panissou », sa ferme de Savignac. Il y resta jusqu’à la fin de l’année 1938 où, ayant épuisé toutes ses ressources, il retourna avec sa compagne à Paris pour tenter d’y trouver du travail. Rabatel-Larsen écrivit en effet en 1937 un livre-témoignage sur son séjour en prison – livre qu’il ne réussit jamais à faire publier. Il fut réformé définitivement le 26 avril 1938 pour perte d’acuité visuelle. Toujours sans travail, il se lança en 1939 dans le reportage photographique, activité peu lucrative et d’ailleurs rapidement interrompue par la guerre. En réalité, jusqu’à la fin de l’année 1941 où il parvint enfin à décrocher une place de comptable à la Société Tunisienne des Hyperphosphates Réno (S.T.H.R.), il connut une période de misère noire, ne survivant que grâce à la générosité de ses amis, et l’aide financière de sa belle-famille de Suisse…

Le 22 janvier 1937 Renaud Jean répondait à une demande du 13 janvier de la région des Deux Savoies au sujet de Pierre Larsen qui, se réclamant de la fédération communiste du Lot-et-Garonne voulait prendre contact avec un militant local. Dans sa réponse Renaud Jean qui définissait toujours Rabatel comme « un bon élément » suggérait de s’informer auprès de la section de Villeneuve-sur-Lot. Dans sa réponse du 4 février 1938, signée du secrétaire régional, on rappelait l’arrivée de Rabatel dans le Lot-et-Garonne et annonçait qu’en appel il avait été condamné à 3 mois et 1 jour de prison. Fin 1936, il était reparti pour Paris et en Suisse. Selon le secrétaire régional, Rabatel, en 1938, écrivait et faisait de la photographie mais « ses moyens d’existence sont assez obscurs » (il aurait confié qu’il allait toucher un chèque à la banque, faire échanger des billets étrangers... [ce qui est bien naturel puisque sa femme était Suisse]. Il paraîtrait « qu’il a ses grandes et petites entrées » à la colonie pénitentiaire d’Eysses et qu’il serait correspondant du journal Paris Soir. Depuis sa condamnation, il n’est plus au Parti mais il ne lutte pas contre.

Dans les documents de son dossier on n’indique pas pourquoi Rabatel fut condamné. Peut-on prendre au sérieux Leduc, du BR de Paris Ville, lorsqu’il affirme le 1er mars 1938 : « il nous a semblé qu’il était question de lui dans les journaux à propos de la découverte de trafiquants de pavés de la ville de Paris » ? Accusation bien fragile. Sans doute un de ses nombreuses accusations fausses dans cette période d’extrême vigilance.

Maurice Rabatel démissionna du Parti communiste au cours de l’été 1936 en raison notamment de la condamnation qui pesait sur lui ; il en resta cependant sympathisant et renoua, après son retour à Paris à la fin 1938, avec nombre de ses anciens camarades du XVe arr. C’est comme communiste qu’il participa à la Résistance.
Domicilié 51 rue Saint-Louis-en-l’ïle à Paris (IVe arr.), il travaillait comme comptable à la Société tunisienne des hyperphosphtes Réno.
En 1941-1942, avec ses camarades communistes, il se dévoua sans compter pour apporter toute l’aide possible aux Juifs menacés par les rafles, aux communistes, aux étrangers en situation irrégulière pourchassés par les Nazis, ainsi qu’à leurs femmes et leurs enfants. Menacé lui-même (après deux visites de la Gestapo à son domicile,, il vécut deux mois chez des amis, sans rentrer chez lui), il obtint de son directeur sa nomination à Sète, en zone libre, où la S.T.H.R. possédait une usine. Le 1er octobre 1943, sous le pseudo de « Roger Lelièvre », il intégra en qualité d’agent « P2 » le réseau de renseignements Gallia, fondé quelques mois plus tôt par Henri Gorce. Une mutation à Paris, le 1er mars 1944, lui fut fatale. Il fut arrêté par la Gestapo à Paris le 1er mai 1944 (deux mois jour pour jour après son retour dans la capitale). Interné à Fresnes, il fut déporté à Buchenwald le 15 août 1944, puis transféré début septembre à Ellrich, kommando dépendant du camp de Dora, où il mourut d’épuisement le 28 octobre 1944…

Pendant la guerre, sa femme était repartie, avec ses enfants, dans sa famille en Suisse. Il avait passé une fois clandestinement la frontière pour aller les voir.

Il fut décoré de la médaille de la Résistance française par décret du 3 juin 1971 ?

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139513, notice RABATEL Maurice Pierre, dit FORESTIER Jean, dit LARSEN Pierre, dit PONS Ferdinand par René Lemarquis, Claude Pennetier, version mise en ligne le 2 février 2012, dernière modification le 8 septembre 2020.

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

Maurice Rabadel en 1943
Maurice Rabadel en 1943

SOURCES : RGASPI, 495.270.5261 : autobiographie de novembre 1937. Lettres de 1936-1938. — Renseignements communiqués par Sylvie Rabatel, fille de son second mariage. — Sur la grève de Fumel : http://www.cg47.org/archives/service-educatif/Mallette-virtuelle/Annees-Trente/Partie-une/Cinq.htm. — Il a laissé un correspondance avec sa femme qui occupe une douzaine de classeurs. — Notes d’Ariane Forot et d’Agnès Fuzibet.

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