MARTIN Jacques, Pierre, Auguste

Par André Caudron

Né le 25 juin 1906 à Sainte-Colombe (Rhône) ; mort le 23 juillet 2001 à Die (Drôme) ; objecteur de conscience ; animateur du « Christianisme social », pasteur de l’Église réformée de France.

Fils d’Élie, professeur au collège de Vienne (Isère), et de Louise, née Fabre, Jacques Martin fit ses études secondaires aux lycées d’Uzès et d’Alès (Gard) puis sa théologie à la faculté de Paris (1923-1927). Il militait alors à la « Fédé » (Fédération chrétienne des étudiants), réunissant lycéens et étudiants protestants pour leurs loisirs comme pour leur formation spirituelle. Il prit part en 1926, à Aumarans (Suisse), au camp de jeunesse du Mouvement international de la Réconciliation qui s’efforçait de développer une culture de la non-violence et de la paix. La branche française avait été fondée trois ans plus tôt. Jacques Martin devint responsable des « Cahiers » de cette organisation à Paris. Présent aux congrès du Christianisme social, membre des Jeunesses chrétiennes sociales, fondées en 1926, il sillonna l’Allemagne à pied au cours des étés 1926 et 1927 et rencontra des membres de la Réconciliation. Il suivit aussi les travaux du congrès de la « Fédé » allemande.

À l’issue du service militaire, accompli de 1927 à 1929, Jacques Martin vécut tout un semestre à Berlin-Béthel et développa les relations avec le mouvement chrétien social allemand. Inscrit en philosophie à la Sorbonne en 1930, il fut nommé l’année suivante secrétaire parisien de la « Fédé ». Dirigeant du camp de La Chalp (Hautes-Alpes) pendant l’été 1932, il dut interrompre cette session en raison de son arrestation car il avait refusé de suivre une période militaire. Il fut déféré devant le tribunal militaire de Paris et condamné le 12 octobre 1932 à un an de prison qu’il subit au Cherche-Midi. Il fut toutefois placé en liberté conditionnelle au mois d’avril 1933 grâce aux interventions de la Ligue des droits de l’homme et de son président Victor Basch, ainsi que de l’écrivain Jean Guehenno*.

Mais il opposa un nouveau refus à une convocation analogue, « non par pacifisme, dit-il, mais par fidélité de l’Église à l’Évangile ». L’arrestation qui s’ensuivit, pendant l’été 1934, lui valut encore une fois un an de prison, prolongé jusqu’à dix-huit mois, au fort Saint-Nicolas de Marseille. Il ne retrouva la liberté qu’en avril 1936. À chaque procès, il avait été défendu par André Philip*. Le débat fut engagé dès lors dans les Églises protestantes autour de l’objection de conscience. Lorsqu’en 1938 Jacques Martin et Henri Roser*, autre pionnier de l’objection de conscience, demandèrent la consécration pastorale, celle-ci leur fut refusée. Ils n’obtinrent du synode de Royan qu’une délégation pour un an d’évangélisation à Aubervilliers (Seine). Jacques Martin partit ensuite pour Ganges (Hérault) où il travailla dans une usine de soierie. Lié au maquis d’Ardaillès, dans les Cévennes, de 1940 à 1944, il s’associa aux groupes de résistance spirituelle et au sauvetage de juifs en relation avec la CIMADE.

Arrêté par la Milice vers la fin de l’Occupation, détenu à Montpellier (Hérault) puis libéré, il se lia d’amitié avec Élie Gounelle* l’année suivante et prépara la remise en route du Christianisme social qui reprit vie en 1948 sous forme de revue et de secrétariat. Il prit part au lancement de l’Amitié judéo-chrétienne à Amsterdam (Pays-Bas), auprès de Jules Isaac dont il était devenu très proche, et il en fut vice-président au côté d’Henri Irénée Marrou. Il tenta aussi une expérience de laïc engagé comme libraire de 1950 à 1966 au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) et comme équipier de la CIMADE auprès des personnes déplacées.

Ayant enfin obtenu la consécration pastorale de l’Église réformée de France en 1966, il s’engagea dans l’Église nationale de Genève (Suisse) pour créer une paroisse d’un grand ensemble, le Centre communautaire protestant du Lignon. À son retour en France, il fut pasteur à Mens (Isère) de 1974 à 1977. Au cours de sa retraite dans le Diois, il assura encore maints remplacements de pasteurs en vacances.

Il s’était marié le 23 janvier 1934, à Alès, avec Jacqueline Élié dont il eut six enfants. En 1998, il fut proclamé « Juste parmi les nations » par la fondation Yad Vashem, de même que son épouse à titre posthume.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139598, notice MARTIN Jacques, Pierre, Auguste par André Caudron , version mise en ligne le 7 février 2012, dernière modification le 13 septembre 2019.

Par André Caudron

ŒUVRE : Élie Gounelle, apôtre et inspirateur du Christianisme social, L’Harmattan, 1999, 299 p.

SOURCES : Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, 5. Les protestants, notice de Pierre Bolle, Beauchesne, 1993. – Patrick Cabanel, « Le pasteur Jacques Martin, de l’objection de conscience à la résistance spirituelle à l’antisémitisme », Archives juives, 2007/1 (Vol. 40). – Interview, août 1987, janvier 1991.

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