LUBY Yvon, Raphaël

Par Gérard Boëldieu

Né le 11 avril 1931 à Rospez (Côtes-du-Nord/ Côtes d’Armor), mort le 19 juin 2017 à Lannion (Côtes-du-Nord/ Côtes d’Armor} ; instituteur puis professeur d’enseignement général de collège dans la Sarthe ; syndicaliste ; militant et dirigeant départemental communiste ; maire d’Allonnes (Sarthe) de 1977 à 2008 ; conseiller général de la Sarthe de 1979 à 1992 puis de 1998 à 2011.

Yvon Luby
Yvon Luby

Né dans une famille d’instituteurs, fils d’un instituteur de tendance socialiste et d’une mère sans profession selon le registre de naissance, Yvon Luby, à partir de 1953, après ses études primaires dans sa commune natale, secondaires au collège public de Lannion (Côtes-du-Nord), supérieures à l’École supérieure de commerce de Nantes, suivit, professionnellement parlant, les traces familiales, mais hors de la Bretagne, dans la Sarthe département alors déficitaire en instituteurs, tout comme Maryvonne Le Roy, qu’il avait épousée le 26 décembre 1953 à Cavan (Côtes-du-Nord), qui le précéda dans le militantisme communiste.

Le couple, qui eut deux enfants, exerça successivement à Oisseau-le-Petit (canton de Saint-Paterne), en 1954-1955 comme instituteurs remplaçants ; à Douillet-le-Joly (canton de Fresnay), où Luby fut titularisé, jusqu’en 1959 ; à La Guierche (canton de Ballon) de 1959 à 1962 ; enfin, à Allonnes, commune de la périphérie sud du Mans, où un grand ensemble était en cours d’édification. Yvon Luby y enseigna à l’école Victor-Hugo puis au premier collège ouvert dans la localité (collège Kennedy).

Membre du Syndicat national des instituteurs, Yvon Luby siégea dans la deuxième partie des années 1960 à son bureau. Il défendait les positions des « Unitaires » qui conquirent la direction de la section sarthoise en 1971.

Ancien des Jeunesses socialistes SFIO, Yvon Luby militait au Mouvement de la paix quand, en 1956, dans le contexte de la guerre d’Algérie et sous l’influence de sa femme, il adhéra au Parti communiste français. Lors des pourparlers de Melun (juin 1960), autour de son collègue Christian Rouby, conseiller municipal communiste de la localité ouvrière de Sainte-Jamme-sur-Sarthe et d’André Guérin, maire socialiste de cette même commune, il fut de ceux qui fondèrent, à l’échelle du canton de Ballon, un « Comité pour la paix en Algérie ». Le 27 octobre 1960, en réponse à l’appel à manifester lancé par l’Union nationale des étudiants de France, ce comité organisa un rassemblement qui réunit à Sainte-Jamme-sur-Sarthe une centaine d’opposants à la guerre. Initiative jugée fractionniste par le secrétaire de la section sarthoise du SNI, Robert Dernelle, de la tendance « autonome », l’accord a minima conclu au plan départemental entre les organisations qui répondirent favorablement à l’UNEF (dont le Conseil sarthois de la paix et le SNI) ne stipulant qu’un unique meeting au Mans, avec pour seul orateur, Ulysse Dominé*, secrétaire de la FEN. Par la suite, le comité de Ballon appela à plusieurs reprises à manifester contre l’OAS. Luby était membre du comité départemental du Mouvement de la Paix depuis le début des années 1960. Il faisait partie de son bureau au milieu des années 1960. A la fin des années 1960, il devint le secrétaire départemental du comité d’action pour la victoire du peuple vietnamien.

Yvon Luby, secrétaire de sa cellule du PCF, était depuis 1960 membre du Comité fédéral sarthois du PCF, chargé du secteur nord-ouest du département, autour de Fresnay-sur-Sarthe. Plus tard il fut secrétaire de la section communiste Le Mans-Ouest. Aux élections cantonales de juin 1961, dans le canton de Saint-Paterne, il affronta Constant Garnier, conseiller sortant, de centre-gauche, qui, professionnellement bien implanté dans les milieux agricoles, l’emporta au premier tour.

L’affectation, à sa demande, de Yvon Luby à Allonnes avait une finalité politique. Le premier secrétaire fédéral, Robert Jarry, comptait en effet sur lui pour renforcer l’implantation communiste dans cette « zone à urbaniser en priorité », en forte croissance démographique (1 246 habitants en 1954, 4 983 en 1962) avec l’installation, entre autres, d’ouvriers de l’usine Renault. Secrétaire de la section d’Allonnes, entré au bureau fédéral en 1964 après avoir suivi une école d’un mois du PCF, il fut un temps responsable de l’action communiste dans la jeunesse et dans le monde enseignant à partir de 1970 auxquels s’ajoutèrent les intellectuels en 1972, Luby s’engagea à Allonnes parmi les locataires (présidence d’une amicale rattachée à la Confédération nationale des locataires), parmi les parents d’élèves de la fédération Cornec.

Aux élections cantonales de mars 1970, présenté dans le canton de La Suze, non loin d’Allonnes, Luby, largement distancé au premier tour, se retira au profit du sortant, le radical Albert Fouet qui devança un « Indépendant ».

Aux élections municipales de 1971, forte de vingt-trois élus au premier tour, la droite continua d’être majoritaire dans la municipalité d’Allonnes, mais quatre élus de gauche, menés par Luby, le seul de sa liste à l’avoir emporté dès le premier tour avec 48,7 % des suffrages exprimés, constituèrent une opposition active. À celles de 1977, avec 65,2 % des exprimés, la liste d’Union de la gauche conduite par Luby, gagna la totalité des vingt-sept sièges. Élu maire à l’unanimité, il accéda à une vice-présidence de la Communauté urbaine du Mans à direction socialiste. Au total, il accomplit cinq mandats consécutifs de maire d’Allonnes de 1977 à 2008 et de vice-président de la Communauté urbaine. À chacun des renouvellements, sa liste d’Union de la gauche l’emporta au premier tour sur celle de droite régulièrement conduite, à compter de 1983, par Claudine Lefebvre (RPR). Ses scores de 1983 et de 1989 s’avèrent de l’ordre de celui de 1971 (64,2 % puis 66,2 % des exprimés) ; les suivants révèlent des duels plus serrés (52 % en 1995, 51, 2 % en 2001).

Luby, à partir de 1962, fut toujours le suppléant du candidat communiste aux élections législatives dans les circonscriptions de Le Mans II puis en 1973 dans celle de Le Mans IV (Le Mans, Allonnes Sablé).

En mars 1979, Luby entra au conseil général de la Sarthe. Élu de son canton de résidence (Le Mans 5 -Allonnes), toujours au second tour, il succéda à son camarade Pierre Combe qui ne se représentait pas. Déjà, aux élections législatives de 1978, dans la IVe circonscription, il l’avait remplacé comme candidat communiste opposé à l’indéracinable Joël Le Theule, député gaulliste depuis 1958, constamment réélu au premier tour. Il avait recueilli 12 908 voix sur 71 043 inscrits. À chacun des renouvellements de l’assemblée départementale, jusqu’en 2004, il affronta Claudine Lefebvre : il la battit en 1985 ; elle le devança de 56 voix en 1992 ; il l’emporta en 1998 puis 2004. Membre de la minorité de gauche à dominante socialisante, au conseil général, il se montra à la fois ouvert à tous et tenace dans la défense des intérêts du département et de son canton, ainsi que du service public.

Vice-président de l’association des maires de la Sarthe, Luby fut par ailleurs vice-président de l’association nationale des villes de banlieue.

À trois reprises, Luby mena la liste des trois candidats communistes lors d’élections sénatoriales, scrutin favorable à la droite : en 1986 il obtint 154 voix ; en 1995, il en obtint 76 ; en 2004 il en obtint 348 (24,8 % des exprimés).

Toute son action d’élu visa à transformer le grand ensemble d’Allonnes en véritable ville de la banlieue mancelle, dotée d’une image forte dans les domaines culturel et sportif grâce à la présence d’un réseau associatif particulièrement dense qu’il soutint. À plusieurs reprises, soutenu par la population, il affronta le pouvoir central et régional. Deux de ces luttes, victorieuses, contribuèrent à sa popularité. En 1977, ville-dortoir « aux moyens comptés », les ressources d’Allonnes dépendaient essentiellement de la taxe d’habitation versée par une population modeste (60 % des habitants d’Allonnes étaient locataires d’appartements HLM). Refusant toute augmentation d’impôts après des hausses décidées précédemment par la droite, la première municipalité de gauche d’Allonnes vota un budget délibérément déficitaire afin de placer l’État devant ses responsabilités. Non sans mal, après pétitions, délégations à la préfecture et à Paris, Luby obtint finalement une subvention d’équilibre.

Le combat « homérique » livré dès avant 1980 par la municipalité, la FCPE, les syndicats de la FEN, pour obtenir du conseil régional présidé par le gaulliste Olivier Guichard la création d’un lycée à Allonnes restera comme un des hauts-faits de l’histoire récente d’Allonnes. Après nombre de péripéties retentissantes, ponctuées de manifestations, pétitions, délégations, un lycée public d’enseignement général et technique, le sixième lycée de l’agglomération mancelle, ouvrit enfin ses portes à la rentrée de 1995. Inauguré le 8 septembre 1996, il reçut le nom “André Malraux”,

Figure emblématique de la fédération communiste après les retraits puis les décès de Robert Manceau et de Pierre Combe, ainsi que de l’exclusion de Robert Jarry, Yvon Luby affirma toujours bien fort, non sans esprit critique, sa fidélité à son parti. Il avait fait Mumia Abu-Jamal, condamné à mort en Pennsylvanie en 1982 suite à un « procès entaché de racisme », citoyen d’honneur d’Allonnes. Ses dernières déclarations publiques d’élu furent un cri d’alarme face à la montée du chômage et de la misère. Il eut la satisfaction de voir son premier adjoint, Gilles Leproust, communiste, lui succéder à la mairie d’Allonnes en 2008, puis au conseil général en mars 2011.
Retiré à Trébeurden dans les Côtes-d’Armor, Yvon Luby décéda à l’hôpital de Lannion. Les obsèques se déroulèrent au funérarium de Lannion.
Dans son carnet, l’Humanité, le 26 juin, annonçait son décès, indiquant qu’un hommage lui serait rendu le 27 juin à Allonnes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139617, notice LUBY Yvon, Raphaël par Gérard Boëldieu, version mise en ligne le 9 février 2012, dernière modification le 21 septembre 2017.

Par Gérard Boëldieu

Yvon Luby
Yvon Luby

SOURCES : Arch. Dép. Sarthe, 1359 W 120 (rapports des RG sur le 27 octobre 1960). — Archives du comité national du PCF. — Annuaire des personnalités de la Sarthe, 1985.- “Les têtes” de la Sarthe, novembre 1993. — Presse locale. — Bulletin départemental de l’enseignement primaire. — L’Instituteur syndicaliste (organe de la section sarthoise de Syndicat national des instituteurs). — Sarthe-Nouvelle (hebdomadaire de la fédération communiste de la Sarthe). — Archives de Christian Rouby sur le Comité de Ballon pour la paix en Algérie. — Nadia Guibert, André Veillard, Clément Mazier, Serge Séchet, Michel Bertin, Un lycée de haute lutte…, Allonnes, 1995, 48 pages (Chronique des luttes pour la création du lycée d’Allonnes, par certains des principaux acteurs). — Plusieurs conversations informelles avec Yvon Luby, des années 1970 à nos jours. — Notes de Jacques Girault.

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