MAURER Erwin, Richard

Par Pierre Schill

Né le 11 février 1927 à Petite-Rosselle (Moselle), mort le 7 juin 1997 à Allevard (Isère) ; mineur puis employé aux Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) ; membre du Conseil d’administration et membre du Comité d’entreprise des HBL ; secrétaire général de la Fédération régionale des mineurs CGT des HBL ; membre du secrétariat de l’UD-CGT de Moselle ; membre du conseil national et du bureau national de la Fédération Nationale des Travailleurs du Sous-Sol-CGT ; membre du comité fédéral du Parti communiste puis membre du bureau fédéral du Parti socialiste ; conseiller municipal de Forbach (Moselle).

Erwin Maurer
Erwin Maurer
Erwin Maurer (portant les lunettes) en train de haranguer les mineurs du puits Wendel (Petite-Rosselle) après une intervention à la direction du groupe de Petite-Rosselle des HBL en juin 1960 pour protester contre le lock-out décidé par la direction (à sa gauche en chemise claire, Robert Mourer* responsable des mineurs CFTC de Lorraine) : collection privée Robert Mourer.

La scolarité d’Erwin Maurer fut interrompue en 1939 par l’évacuation de sa famille en Charente. De retour en Moselle annexée au Reich nazi, il refusa d’adhérer aux Jeunesses hitlériennes et fut contraint d’entrer à l’âge de quatorze ans aux houillères de Petite-Rosselle où travaillait son père. Le 1er juillet 1944 il fut incorporé dans le Reicharbeitsdienst (service du travail obligatoire allemand) à Bayreuth (Bavière) puis incorporé de force dans l’armée allemande en novembre 1944. Affecté sur le front de l’Est, il s’évada en février 1945 alors qu’il était non loin de Leipzig et réussit à traverser l’Allemagne pour rejoindre à la fin avril les troupes américaines.
De retour en Moselle, il retrouva un emploi aux houillères en août 1945 et commença à militer au syndicat CGT des mineurs et au Parti communiste.

Il participa de manière active aux « grèves rouges » et fut licencié en novembre 1948 après avoir été condamné à trois mois de prison pour faits de grève.

Erwin Maurer devint secrétaire permanent du syndicat des mineurs CGT en juillet 1949 et le resta jusqu’en décembre 1955, date de son réembauchage aux Houillères du Bassin de Lorraine. Il fut, pendant cette période, responsable, avec le député communiste Pierre Muller*, de la rédaction du Kumpel (le « Camarade »), la revue syndicale dont l’audience était alors très importante dans le bassin houiller. Il y signait notamment des éditoriaux à la tonalité très politique.

En 1959, il fut élu secrétaire général de la Fédération régionale des mineurs de charbon CGT et nommé administrateur des HBL, tâches qu’il assuma jusqu’en juin 1971. Il succéda dans cette dernière fonction à Joseph Frantz qui avait lui-même remplacé Pierre Muller au début de l’année 1956. Il siégea également pendant la même période au comité d’entreprise

Erwin Maurer fut l’un des principaux animateurs des grèves qui jalonnèrent la présidence de de Gaulle, notamment le conflit corporatif victorieux de 1963 et les grèves de mai-juin 1968. Il fut pendant toute cette période membre de la direction fédérale du PC en Moselle et membre du conseil national et du bureau national de la FNTSS-CGT. Il occupa en parallèle des responsabilités à la direction de l’UD-CGT de Moselle.

L’écrivain mosellan Roger Bichelberger évoque dans son ouvrage Le mai, le joli mai, les interventions d’Erwin Maurer à Forbach en 1968 : « Place du marché, la foule se presse et la manif a commencé. (…). La voix d’Erwin Maurer, leader syndical, s’empare de l’espace : « Il faut maintenant, s’écrie-t-il, couper dans le vif. Mille personnes sont annuellement menacées de licenciement. (…) ». Maurer parle de la dignité de l’homme (qui) consiste à lutter et à défendre son droit à la vie. Dignité du mineur lorrain, des jeunes qu’on n’embauche plus… Il a évoqué l’école, la sous-scolarisation. La foule applaudit. »

Erwin Maurer fut en 1965 le responsable régional de la campagne présidentielle de François Mitterrand*. Opposé à l’ingérence du PC dans la direction du syndicat des mineurs, il fut amené sous la pression des responsables communistes à démissionner de ses fonctions à la fédération des mineurs. En mai 1971, au 58e congrès de la FNTSS-CGT tenu à Gassin (Var) ses mandats au bureau fédéral et au conseil national ne furent pas renouvelés, officiellement « pour raisons de santé ». Erwin Maurer adhéra au nouveau Parti socialiste, fut exclu de la CGT et contraint d’abandonner son poste d’administrateur des HBL où il fut remplacé par Cunibert Bruck. Il retrouva un poste aux HBL en devenant employé à l’École des mines.

Ses engagements politiques successifs se traduisirent par plusieurs candidatures électorales, locales et nationales. Il mena ainsi aux élections municipales de mars 1965 à Stiring-Wendel (Moselle) la liste de l’Union ouvrière et démocratique présentée par le Parti communiste. Il obtint au second tour 1544 voix sur 4 484 suffrages exprimés et ne fut pas élu. Il fut à nouveau tête de liste PC aux élections municipales de mars 1971. La liste obtint une moyenne de 1 246 voix sur 4 604 suffrages exprimés.

Candidat sur la liste d’Union de la gauche aux municipales de mars 1977 à Forbach (Moselle), il obtint 2 527 voix sur 7 813 suffrages exprimés. La liste à dominante socialiste n’obtint aucun élu. Aux élections municipales de mars 1983, il figura en deuxième position sur la liste de la majorité présidentielle menée par Robert Perussel. La liste obtint quatre élus dont il faisait partie, l’élection étant remportée par le gaulliste Jean-Eric Bousch qui rassembla 52,3 % des suffrages exprimés. Le Parti socialiste doubla son audience par rapport aux scrutins précédents et devança pour la première fois le PC. Erwin Maurer siégea au conseil municipal jusqu’en juin 1995.

Erwin Maurer s’était aussi présenté aux élections législatives des 7 et 14 mars 1967 dans la circonscription de Forbach-Sarralbe. Candidat du PCF, il obtint au premier tour 7 501 voix sur 45 291 suffrages exprimés pour 46 598 votants sur 55 637 électeurs inscrits (16,6 % des voix contre à peine 5,4 % au candidat socialiste). Seul représentant de la gauche au second tour dans le cadre d’une triangulaire, il obtint 9 225 voix sur 44 050 suffrages exprimés pour 45 104 votants. À nouveau candidat communiste aux élections législatives des 23 et 30 juin 1968 dans la même circonscription, il obtint au premier tour 6 218 voix sur 42 034 suffrages exprimés pour 43 235 votants sur 55 941 électeurs inscrits (14,8 % des voix). Seul représentant de la gauche au second tour, il obtint 5 551 voix sur 40 003 suffrages exprimés pour 40 796 votants (13,8 % des voix) et fut battu par le député gaulliste Jean Coumaros qui totalisa 20 210 voix.

Aux législatives de mars 1973, il représenta le Parti socialiste dans cette circonscription. Il obtint 5 129 voix sur 43 956 suffrages exprimés pour 45 554 votants et 58 666 électeurs inscrits alors que le candidat communiste Gabriel Schlosser obtint 4 906 derrière la candidate « réformatrice » Anne-Marie Fritsch (12 565 voix) et le député Jean Coumaros (12 949 voix). Au second tour le duel entre les deux premiers tourna à l’avantage d’Anne-Marie Fritsch qui profita des suffrages de la gauche.

Il fut encore candidat socialiste aux élections cantonales des 23 et 30 avril 1973 dans le canton de Forbach. Erwin Maurer obtint 746 voix sur 9 584 suffrages exprimés pour 9 929 votants et 16 616 électeurs inscrits. Il obtint au second tour 847 voix sur 11 620 suffrages exprimés. Il arriva en dernière position de la triangulaire et ne réussit pas à faire le plein des 590 suffrages qui s’étaient portés au premier tour sur le candidat communiste Lucien Sauder*.

En 1980, à la demande de certains militants de la CGT, Erwin Maurer adhéra au syndicat des ETAM-CGT. Secrétaire de la section socialiste de Forbach, il fut l’un des membres fondateurs du Groupe socialiste d’entreprise (GSE) aux HBL et du GSE national mines en 1982. Erwin Maurer fut aussi élu au bureau fédéral du Parti socialiste.

Homme charismatique et respecté dans le bassin houiller, ses obsèques au temple protestant de Forbach rassemblèrent le 11 juin 1997 une foule nombreuse. Le maire de la ville, Charles Stirnweiss (droite) salua son « inlassable dévouement à défendre la population minière ». Décédé alors qu’il était en cure dans l’Isère, il venait de fêter avec les militants socialistes l’élection de Roland Metzinger à l’Assemblée nationale.

En janvier 1986, quelques mois après sa retraite, Erwin Maurer avait été fait chevalier dans l’Ordre national du Mérite. Erwin Maurer avait épousé en avril 1951 Anneliese Dirscherl dont il eut deux filles.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139676, notice MAURER Erwin, Richard par Pierre Schill, version mise en ligne le 16 février 2012, dernière modification le 29 avril 2013.

Par Pierre Schill

Erwin Maurer
Erwin Maurer
Erwin Maurer (portant les lunettes) en train de haranguer les mineurs du puits Wendel (Petite-Rosselle) après une intervention à la direction du groupe de Petite-Rosselle des HBL en juin 1960 pour protester contre le lock-out décidé par la direction (à sa gauche en chemise claire, Robert Mourer* responsable des mineurs CFTC de Lorraine) : collection privée Robert Mourer.

SOURCES : Archives des Houillères du Bassin de Lorraine : Vt233- B103 et B128, dossier personnel. – Arch. Dép. Moselle : BA 3939 ; 151 W 821, 822, 823, 824 et 825 ; 499 W 49. — Archives familiales. — Archives du Syndicat régional des mineurs CGT de Merlebach : Der Kumpel, 29 janvier 1955, 27 février 1959. - Archives Marcel Zieder* : Le Travailleur du sous-sol. — Der Kumpel, 30 mai 1961, septembre 1962 et octobre 1963. — Archives de la Fédération régionale des mineurs de charbon CGT de Moselle : Der Kumpel, Le Travailleur du sous-sol, 1er novembre 1951, 17 janvier 1953, 31 mai 1956, 15 décembre 1956, 17 octobre 1957, 12 juillet 1958, 15 mai 1959, 1er au 15 janvier 1971, 1er au 15 mai 1971, 16 au 30 avril 1972. — Le Droit minier, novembre 1953, avril 1959, mai 1960, septembre 1960, novembre 1962, mars 1964, mars 1969, mars 1972, novembre 1963, juin 1966, novembre 1968, juillet-août 1971. — Le Républicain Lorrain, 17 et 20 mars 1965, 6 et 15 mars 1967, 24 juin et 1er juillet 1968, 14 et 21 mars 1971, 24 septembre et 1er octobre 1973, 14 mars 1977, 7 mars 1983. — Renseignements fournis par Gunther Atamaniuk, Albert Goblé, Robert Perussel et Evelyne Maurer, sa fille. — Frédéric Niedzielski (avec la collaboration de Christiane Massel et Serge Masson), 25 ans de vie politique en Moselle. Les chiffres pour comprendre, Sarreguemines, Éditions Pierron, 1987. — Gérard Diwo, Les formations politiques en Moselle (21 octobre 1945-17 juin 1951), thèse de doctorat d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1992. — Dominique Andolfatto, La syndicalisation en France depuis 1945. Annexe : l’Union départementale CGT de la Moselle (de la Libération à nos jours), CERAT, Université Pierre-Mendès-France, Saint-Martin-d’Hères, 1996. — Yves Vilbois, Le rôle et l’influence du syndicat CFTC puis CFDT mineur dans le mouvement ouvrier du bassin houiller lorrain durant la période 1959-1981, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Bernard Desmars, Université de Metz, 1999. — Roger Bichelberger, Le mai, le joli mai, Paris, Albin Michel, 2001. — Pierre Schill, « Mai-juin 1968 et les ‘‘Gueules noires’’. La mobilisation dans l’Hérault et les Cévennes, le mouvement national et l’identité minière », p. 201 à 217 dans Bruno Benoit et al. (dir.), À chacun son Mai ? Le tour de France de mai-juin 1968, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011. — État civil de Petite-Rosselle (Moselle).

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