MASCARELLO Livio

Par Éric Nadaud

Né le 18 septembre 1919 à Molvena (Italie), mort le 26 janvier 2007 à Colombes (Hauts-de-Seine) ; ouvrier agricole, mineur, métallurgiste ; membre du bureau de l’UD-CGT du Gard (1947-1950) ; secrétaire (1950-1952), puis secrétaire général adjoint (1952-1959) de la Fédération CGT des Métaux ; membre suppléant du conseil de la FSM ; président de l’UIS des Métaux (1958-1959) ; membre de la commission administrative (1951-1959), et de la commission exécutive (1969 à 1985) de la CGT ; secrétaire de la CGT (1959-1982) ; membre du Conseil économique et social ; membre du comité directeur du Parti socialiste unitaire.

Livio Mascarello était l’aîné des sept enfants d’un couple d’Italiens de Vénétie, Francesco Mascarello, commis de ferme et membre du Parti socialiste italien, et Elvira Segganfredo, fille d’un propriétaire foncier, qui avaient émigré en France en 1923 pour échapper au chômage et au fascisme. Il prit la nationalité française en même temps que ses parents, en 1932. Il grandit à Bouligny, près de Briey, dans la Meuse, où son père avait trouvé un emploi d’ouvrier-mineur. Malgré un bon parcours scolaire, qui le mena jusqu’au certificat d’études, il dut commencer à gagner sa vie dès l’âge de douze ans et demi, en 1931, et renonça définitivement à l’école en 1932. Il connut une première et brève expérience professionnelle au bureau d’une mine, puis travailla durant cinq ans comme commis de ferme à Louppy-sur-Loison puis à Mangiennes dans la plaine de la Woëvre, avant de s’engager à la mine de fer de Bouligny, en 1937, où il exerça en sous-sol jusqu’au 14 avril 1940 les emplois successifs d’accrocheur, de conducteur de train, et d’installateur de lignes électriques. Son travail à la mine le détermina à entrer dans l’action militante. Il adhéra le 1er octobre 1937 à la Fédération CGT du Sous-sol, et prit part à la grève générale de novembre 1938. Suivant l’exemple de son père, qui cotisait depuis 1934 à la section SFIO de Bouligny, il appartint aussi aux Jeunesses socialistes (JS), de 1937 à 1940.

Mobilisé en mai 1940 comme sapeur de deuxième classe au 6e régiment du Génie d’Angers, puis fantassin au 8e régiment d’infanterie, il fit partie de l’armée d’armistice. Rendu à la vie civile en novembre 1942, il s’établit à Alès, où il retrouva sa famille et travailla dans une entreprise de charpenterie. Le 15 avril 1944, il passa dans la clandestinité pour échapper au Service du travail obligatoire (STO). En l’absence de poursuites, il se fit embaucher le 1er juillet par les établissements de métallurgie Richard Ducros, à Alès, comme magasinier-outilleur, puis ouvrier spécialisé. Il reprit alors l’action militante. Il entra au comité patriotique de l’usine. Il adhéra de nouveau à la CGT, où son activisme lui permit d’opérer une ascension rapide dans l’organisation confédérée de la ville d’Alès puis du Gard, puisqu’il accéda aux fonctions successives de délégué du personnel, en 1945, secrétaire du syndicat de l’entreprise Richard Ducros, en 1946, secrétaire du syndicat des Métaux et membre du bureau de l’Union des syndicats d’Alès, en 1947, et enfin membre du bureau de l’Union départementale du Gard, où il siégea de 1947 à janvier 1950. Il rejoignit de même la SFIO, pour militer au groupe socialiste de son entreprise et à la section d’Alès, dont il anima la commission de propagande, ainsi qu’aux JS du Gard, comme membre de leur secrétariat.

L’année 1948 fut le tournant majeur dans son parcours tant politique que syndical. Sur le plan politique, il rompit avec la SFIO. Il suivit les leaders de la tendance Bataille socialiste, dont il épousait les thèses révolutionnaires et unitaires, après qu’ils eurent fait scission, en janvier 1948, et prit part avec eux à la fondation du Parti socialiste unitaire, renommé en 1954 Parti socialiste de gauche, qui rassembla pendant près d’une dizaine d’années des socialistes « compagnons de route » du Parti communiste. Il y exerça les fonctions de secrétaire de la section d’Alès et secrétaire adjoint de la Fédération du Gard, dès 1948, puis siégea à son comité directeur national, d’avril 1952 à novembre 1954. Après 1958, il se tint en dehors de toute organisation partisane.

En 1948, de même, il entama une longue carrière syndicale à l’échelon national. L’origine en fut la scission de Force ouvrière. Il fut de ces syndicalistes socialistes hostiles à la scission auxquels la CGT confia les fonctions laissées vacantes par ses responsables démissionnaires. Sur recommandation d’Ambroise Croizat, il entra en juin 1948 au comité exécutif de la Fédération CGT des Métaux. Dans un premier temps, il n’en fut que membre non permanent. Toujours titulaire de ses mandats syndicaux locaux, il continua de déployer l’essentiel de son activité dans le département du Gard, où il appuya les mineurs lors de leur grande grève de la fin 1948, ce qui lui valut d’être condamné, en décembre 1948, à vingt-cinq jours de prison ferme et cinq ans de privation des droits civiques. Cependant, son licenciement de l’entreprise Richard Ducros, en octobre 1949, le rendit disponible, et lui permit de s’établir à Paris. Élu membre permanent du comité exécutif le 27 janvier 1950, il exerça les fonctions de secrétaire dès le mois de juin de la même année, puis de secrétaire général adjoint de la Fédération des Métaux de juin 1952 à juin 1959. A la direction fédérale, il reçut la responsabilité particulière de la Machine-outil et de la Construction mécanique, et la co-responsabilité des problèmes de la jeunesse. Il représenta aussi la Fédération dans de multiples organismes internationaux. Il fut membre du comité administratif, à partir de 1951, puis président, à partir de 1958, de l’Union internationale des syndicats (UIS) de la Métallurgie, l’un des départements professionnels de la Fédération syndicale mondiale (FSM), et membre suppléant du conseil général de cette dernière. Il siégea à la commission des industries mécaniques du Bureau international du travail. Sur un plan plus politique, il fut aussi le délégué de la Fédération au Conseil national du Mouvement de la paix, de 1950 à 1959.

En 1951, ce fut à la direction de la CGT elle-même qu’il fit son entrée. Après s’être fait connaître en présentant devant le congrès confédéral de cette année-là le rapport de la commission de travail de la jeunesse, il accumula les mandats. Il siégea à la commission administrative de 1951 à 1959, au secrétariat de juin 1959 à juin 1982, et à la commission exécutive de la CGT de 1969 à 1985. Au secrétariat, il reçut la responsabilité du secteur des élus et mandatés de la CGT dans les entreprises, avec la mission de superviser le travail des comités d’entreprise. Il fut également chargé des questions relatives à la Communauté européenne. À ce titre, il présida dès 1959 le Comité syndical de coordination et d’action des pays du Marché commun, joua un rôle important au secrétariat permanent constitué à Bruxelles par la CGT et son homologue italienne la CGIL pour coordonner les positions des centrales syndicales des pays d’Europe occidentale, et siégea, de 1968 à 1982, au Comité économique et social de la CEE dans la capitale belge. Il s’occupa enfin, durant un temps, des questions de culture. De plus, il continua d’exercer pour le compte de la confédération les délégations qui lui avaient été confiées antérieurement par la Fédération des Métaux auprès de la FSM, dont il anima le comité antimonopoliste, ainsi qu’auprès du Mouvement de la paix, et appartint dans les années 1960 au comité national de l’association pour les Échanges franco-allemands, ancêtre de l’association France-RDA, dont il fut aussi l’un des coprésidents. De 1977 à 1984, il représenta la CGT au Conseil économique et social.

Socialiste unitaire jusqu’au bout, il prit part pendant trente ans à toutes les batailles de la CGT sans jamais s’éloigner vraiment des positions communistes. Il adhéra sans broncher à la condamnation de Tito en 1950. Il n’exprima pas de réserves explicites, malgré quelques interrogations personnelles, sur l’intervention soviétique en Hongrie en 1956, et conduisit l’année suivante une délégation de la Fédération des Métaux à Budapest. Aux élections, il vota régulièrement communiste, de son propre témoignage, à partir des années 1950. Lors de la rupture de l’Union de la gauche, il se rangea ostensiblement aux côtés du parti de Georges Marchais* en publiant dans l’Humanité du 11 octobre 1978 une lettre ouverte à François Mitterrand* pour exposer ses différends avec le Parti socialiste. En 1992, il se prononça contre l’adoption du traité de Maastricht. À l’intérieur même de la CGT, il ne chercha pas à se rapprocher durablement des autres responsables d’inspiration socialiste. Il s’opposa même avec constance à l’idée d’une autorisation des tendances. Il fallait avant tout, disait-il, défendre l’unité ouvrière et éviter de faire le jeu de l’anticommunisme. Ce ne fut qu’à la fin de sa carrière syndicale qu’il sortit du rang, avec d’autres secrétaires non communistes, pour exprimer un point de vue critique sur l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan, en 1979, puis sur les pratiques non démocratiques du régime polonais. Encore ne le fit-il qu’à huis clos, devant les seules instances du bureau confédéral et de la commission exécutive. Aussi Henri Krasucki n’eut-il aucune difficulté à lui rendre hommage, en 1982, pour le « grand rôle » qu’il avait joué dans l’histoire de la confédération comme symbole vivant de l’ouverture de celle-ci à la « diversité d’opinions ». C’était reconnaître qu’il avait été au total moins un problème qu’un atout pour la direction communiste de la CGT, du fait même de sa discrétion.

Il s’était marié le 15 avril 1944 avec Almerina Brighi. Il en eut deux filles, Mireille, en 1945, et Maryse, en 1961, dont la première devint institutrice spécialisée, et la seconde directrice d’école. Il reçut les insignes de chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet 2000, au titre du ministère du Travail, sur proposition de la CGT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139705, notice MASCARELLO Livio par Éric Nadaud, version mise en ligne le 20 février 2012, dernière modification le 21 avril 2021.

Par Éric Nadaud

SOURCES : Entretiens avec Livio Mascarello. — Livio Mascarello, La route va (Souvenirs inédits). — L’Union des métallurgistes, 1950-1959. — Le Mouvement syndical mondial, 1950-1959. — Rencontres franco-allemandes, 1959-1971. — Le Peuple, 1959-1982 ; 13 juin au 18 juillet 1982, pp. 137-139, et 19 décembre 1985, p.144. — Réunions du CD du PS unitaire, 1952-1954. — Jacques Varin, Les hommes du métal, Paris, Éd. Messidor, 1986.

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