MASNOU Émile, Denis, François [« Montjou » dans la clandestinité].

Par André Balent

Né le 18 mars 1893 à Saint-Hippolyte (Pyrénées-Orientales) ; mort le 11 septembre 1961 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; commis puis contrôleur des contributions directes à Perpignan ; militant communiste exclu (1929) du parti pour sympathies trotskystes ; militant pivertiste (PSOP) puis à nouveau communiste (1942) ; résistant ; cadre des FTPF dans les Pyrénées-Orientales ; arrêté et déporté en Allemagne.

Émile Masnou, 1945. Collection André Balent
Émile Masnou, 1945. Collection André Balent

Émile Masnou naquit à Saint-Hippolyte, une commune de la Salanque, basse plaine littorale du nord-est du Roussillon. Son père, Étienne, Louis, Masnou menuisier, était alors âgé de trente-trois ans. Sa mère, Rose Cavany, sans profession avait vingt-six ans. Émile Masnou se maria à Saint-Hippolyte le 18 novembre 1918 avec Denise, Thérèse, Marguerite Montagne, née le 9 octobre 1890 à Saint-Hippolyte, fille de Charles Montagne cultivateur et de Marguerite Durandeu, institutrice à Saint-Laurent-de-la-Salanque. À cette date Émile Masnou était toujours sous les drapeaux. Le couple n’eut pas d’enfant.

Émile Masnou poursuivit ses études jusqu’à l’obtention du brevet élémentaire. Il entra aux Contributions directes où il occupa les fonctions de commis et termina sa carrière avec le grade de contrôleur. Il semble que sa carrière se déroula en entier à Perpignan.

Émile Masnou fit son service militaire dans la Marine. Incorporé le 24 novembre 1913, il resta mobilisé pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale. Affecté à la flotte de Lorient, il fut promu matelot de 2e classe fourrier le 1er avril 1915 puis quartier maître, le 1er juillet 1918. À « l’intérieur », au 5e dépôt, du 2 août 1914 au 15 avril 1915, il fut ensuite embarqué sur le transporteur pétrolier« Czar Nicolas II » du 15 avril 1916 au 28 octobre 1916, puis sur le cuirassé « Vérité », du 29 octobre 1916 au 15 février 1918 et enfin sur l’éclaireur auxiliaire (patrouilleur, ex yacht) « Atmah » du 15 juin 1918 au 10 juillet 1918. Avec ces unités, il fut engagé dans diverses opérations en Méditerranée orientale. Du 11 juillet 1918 au 4 août 1919, il fut affecté aux ateliers centraux de la flotte de guerre àe Sidi Abdallah (Bizerte, Tunisie). Souffrant de cardiopathie aortique mal compensée, il fut déclaré réformé définitif n°2 par la commission de réforme de Toulon (Var). Le 31 août 1921, il fut admis par la commission de réforme de Perpignan pour bénéficier d’une pension temporaire de 40%. Le 31 juillet 1923, celle-ci fut déclarée définitive par la commission de réforme de Béziers (Hérault).

Nous ignorons quand Masnou adhéra au PC. Remarquons cependant que sa commune natale (et le chef-lieu de canton voisin de Saint-Laurent-de-la-Salanque) avait été un des bastions du guesdisme et du syndicalisme des ouvriers agricoles d’avant 1914 que le PC avait partiellement récupéré après 1921. Néanmoins, nous pouvons penser que adhésion date de l’époque de la « bolchévisation » du parti ou fut légèrement antérieure.

Émile Masnou était l’un des principaux dirigeants du rayon de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Cependant, dès 1927, bien qu’il siégeât au bureau de la Région du Midi, il était en désaccord avec la ligne définie par la IIIe Internationale. Le 9 avril 1927, lors d’une réunion du bureau régional, il prit parti pour les thèses de l’opposition soviétique et s’abstint de voter la résolution proposée par la majorité du bureau. Masnou critiqua la tactique « classe contre classe ». Avec François Chiroleu* et Pierre Pacouil*, il critiqua la tactique adoptée pour le second tour des élections législatives d’avril 1928. Blâmé au cours d’une conférence de la Région du Midi et refusant de l’admettre, il fut exclu le 9 février 1929 : Le Travailleur du Languedoc, du 16 février 1929 expliqua que ces militants n’ayant pas respecté « le blâme [de la conférence régionale (...) ] se sont mis en dehors du Parti ». Le principal reproche formulé contre Pacouil et à Chiroleu (et Sistach*) étaient leur complaisance en faveur de la SFIO ; quant à Masnou, il était considéré comme étant proche des analyses de Trotski concernant l’URSS. Mais en tant que dirigeants déchus du rayon de Perpignan ils étaient confondus dans le même opprobre.

À la suite de son exclusion, il demeura pendant un moment à l’écart des activités militantes.

À partir de 1936, et bien qu’il n’adhérât pas à la SFIO, Masnou se rapprocha de la Gauche révolutionnaire perpignanaise (voir Abbadie Henri). Après le congrès national de Royan du Parti socialiste SFIO (juin 1938) qui décida l’exclusion de la Gauche révolutionnaire, il adhéra au Parti socialiste ouvrier paysan (PSOP).

À l’automne 1942, il fut intégré, en même temps que deux anciens pivertistes, (Voir Fernand Cortale et Georges Delcamp), dans les rangs du Parti communiste clandestin, après avoir formulé une demande d’adhésion après la manifestation unitaire de la Résistance à Perpignan le 14 juillet 1942 (Voir Dapère Julien). En 1942, Masnou fut un temps membre du "triangle" départemental de direction du Front national (avec Jacques Crouzières et Charles Robert). D’anciens pivertistes furent chargés, en 1943, de mettre en place l’organisation des FTPF dans les Pyrénées-Orientales. (Voir aussi Cortale Fernand, Delcamp Georges) Membre de l’ état major régional (Pyrénées-Orientales) des FTPF : membre du comité militaire régional des FTPF il assura le contact avec le Front national. Au début de janvier 1944, il devint le recruteur régional des FTPF — il remplaça Casimir Lucibello*— et « travailla » avec Aimé Couffignal* qui avait remplacé Georges Delcamp* muté en Haute-Garonne. Il fut arrêté le 14 avril 1944 (et non en juin 1944 après « l’affaire de la trésorerie générale » comme l’ écrit par ailleurs Georges Sentis) avec Jean Bobo et Daniel Cognaut. Il fut torturé à la citadelle de Perpignan, où il était détenu par la Siecherheitspolizei avant d’être déporté à Buchenwald depuis Compiègne par le convoi parti le 12 mai 1944 (matricule 51374). Il fut libéré le 11 avril 1945. Divers témoignages ont fait remarquer son attitude « exemplaire » pendant son séjour à Buchenwald d’où il revint très diminué.

Après son retour en France, Masnou fut candidat du Parti communiste au conseil général dans le canton de Saint-Laurent-de-la-Salanque (septembre 1945). Il n’avait qu’un seul adversaire, le docteur Jean Payri, de la SFIO. Il se retira au second tour en application de l’accord de désistement entre le PCF et la SFIO. Dès 1945, il était président de la FNDIRP des Pyrénées-Orientales dont il fut le principal fondateur dans le département. Il en demeura le président jusqu’à sa mort. Il adhérait également à l’UFAC (Union fédérale des anciens combattants et au Comité d’entente de anciens combattants et veuves de guerre. Émile Masnou était titulaire de la Croix de guerre avec palmes et de la médaille de la Résistance.

Malade, il disparut prématurément le 11 septembre 1961. Ses obsèques civiles eurent lieu à Saint-Hippolyte, son village natal. La fédération du PCF étaient représentée par deux de ses secrétaires, Joseph Albert* et Fernand Cortale*, mais ce fut un résistant émérite, Roger Torreilles qui, en son nom, fit l’éloge du défunt. Armand Estève*, de la FNIDRP prit également la parole pour lui rendre hommage. Le chroniqueur anonyme du Travailleur catalan le présentait comme « un homme dans toute l’acception du terme, impulsif, parfois bourru ». Il « n’était pas de ceux qui taisent ce qu’ils ont à dire même si cela ne plait pas à tout le monde. Mais sous des dehors ombrageux, Émile Masnou cachait un cœur d’or et tous ceux qui l’ont connu peuvent témoigner combien son amitié était précieuse ».

Il convient de remarquer qu’Émile Masnou n’occupa jamais au sein de la fédération du PCF des fonctions de premier plan, à la différence d’autres anciens pivertistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139761, notice MASNOU Émile, Denis, François [« Montjou » dans la clandestinité]. par André Balent, version mise en ligne le 4 mars 2012, dernière modification le 4 décembre 2020.

Par André Balent

Émile Masnou, 1945. Collection André Balent
Émile Masnou, 1945. Collection André Balent

SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales 1 R 515, registre matricule, f° Masnou Émile ; série W non classée, versement du cabinet du préfet, 24 décembre 1956. — Arch. com. Saint-Hippolyte, état civil, acte de naissance d’Émile Masnou et mentions marginales et acte de mariage. — Bibliothèque marxiste de Paris, microfilm n° 250. —André Balent, notice « Chiroleu François », DBMOF, 22, 1984, p. 277 ; notice « Masnou Émile », DBMOF, 36, 1990, p. 46. — Roger Bernis, Les Pyrénées-Orientales sous la IVe République, Thèse, Montpellier, 1971. — Roger Bernis, Roussillon politique du réséda à la rose... 1. Le temps de quatrième (1944-1958), Toulouse, Privat, 1984, 286 p. [p. 28]. — Michel Cadé, Le parti des campagnes rouges. Histoire du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales 1920-1939, Marcevol, Éditions du Chiendent, 1988, 346 p. [p. 140]. — Ramon Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 479, p. 1060. — Georges Sentis, Les archives des FTP catalans (hiver-printemps 1944), Lille, Marxisme / Régions, 1984, 72 p. [p. 5 ; p. 62]. —Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales, I, Dans la tourmente. Février 1939-novembre 1942, Lille, Marxisme / Régions, 1983, 154 p. [p. 119] ; II, Le difficile combat vers la libération nationales. Novembre 1942-août 1944, Lille, Marxisme / Régions, 1985, 174 p. [p. 75, 77]. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme / Régions, 1994, 182 p. [p. 98]. — Le Cri catalan, 2 mars 1929. — Le Travailleur du Languedoc, 16 février 1929. — Le Travailleur catalan, 22 septembre 1945, 16 septembre 1961, nécrologie. — Le Républicain, 21 septembre 1945, 22 septembre 1945, 24 septembre 1945. — L’Indépendant, 12 septembre 1961, 13 septembre 1961. — Site de la Fondation pour la mémoire de la déportation, http://wwww.fmd.asso.fr /, consulté le 24 février 2012. — Témoignages de Ferdinand Baylard, Fernand Cortale, Joseph Guisset, interviewés par l’auteur de la notice.

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