Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason
Né le 24 février 1922 à Castiglione-di-Pepoli, province de Bologne (Italie), fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier cimentier ; résistant FTP-MOI, un des condamnés du procès dit de l’Affiche rouge.
Cesare Luccarini rejoignit son père en 1930 avec sa mère et ses sœurs. Il alla à l’école primaire et obtint à l’issue de sa scolarité le CEP. Il travailla comme ouvrier cimentier au Génie civil à Lille (Nord). Il adhéra aux Jeunesses communistes en août 1940 dans la clandestinité. Il participa aux activités clandestines et fut arrêté en février 1942, suite à la dénonciation d’un ancien membre de la Jeunesse communiste, par des gendarmes français. Il fut condamné le 19 mars 1942 à deux ans de prison par la cour spéciale de Douai (Nord) pour distribution de tracts. Incarcéré dix-huit mois à la prison de Cuincy puis au camp de travail de Watten-Éperlecques (Pas-de-Calais), il s’en évada en août 1943 à la suite d’un bombardement de la Royal Air Force. Des militants communistes l’hébergèrent et, lors d’un entretien, il accepta d’entrer dans les Francs-tireurs et partisans (FTP). Emmené à Paris par Eugène Martinelli, il fut présenté à René (Robert Witchitz). Doté d’une fausse pièce d’identité française au nom de Marcel Châtelain, il entra au 3e détachement des Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) (détachement italien) sous le matricule 10612 et avec le pseudonyme de Marcel. Il habitait sous sa fausse identité à l’hôtel du 9 rue Charles-Bertheau (XIIIe arr.). Il participa à sa première action le 17 septembre 1943 à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Robert Witchitz et « Antoine » se retrouvèrent au rendez-vous gare d’Argenteuil. Les trois hommes étaient armés d’un pistolet 6,35 mm. Luccarini et Witchitz devaient tuer l’horloger Tagliaferri qui avait dénoncé plusieurs antifascistes italiens. Ils entrèrent dans la boutique. Robert Witchitz tira plusieurs coups de feu, tuant Tagliaferri. Le 25 septembre, une équipe de FTP se rendit 77 rue de la Voie-Verte (XIVe arr.), au « Café de l’autobus ». Des soldats allemands fréquentaient le lieu en écoutant un orchestre composé d’un piano, d’un violon et d’un accordéon. Vers 21 h 30, un homme entra, écarta de sa main gauche la tête d’un spectateur et lança une grenade. L’explosion blessa très gravement la femme accordéoniste, qui mourut lors de son transport vers l’hôpital. Il y eut neuf blessés dont cinq soldats allemands. Le même mois, avec trois FTP à Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines), Léon (Roger Rouxel) lança une grenade contre une maison de tolérance de l’armée allemande. Vers 20 heures le 8 octobre, protégé par plusieurs combattants, Cesare Luccarini lança une grenade dans un restaurant au 22 bis avenue Mac-Mahon (XVIIe arr.), qui n’explosa pas. Dans le courant du même mois vers midi, avec deux FTP qui guettaient un dénonciateur à sa sortie d’une usine d’Argenteuil, Robert Witchitz tira mais l’homme ne fut pas atteint. Six ou sept FTP se rendirent le 4 novembre à Vincennes (Seine, Val-de-Marne) pour dérober des bicyclettes dans un garage, où le propriétaire n’opposa pas de résistance.
Le 12 novembre 1943 vers 13 heures, il participa en protection à l’attaque d’un transporteur de fonds allemand rue Lafayette (IXe arr.). L’opération échoua. Robert Witchitz et Rino Della-Negra furent arrêtés en pleine action. Lui-même et Antonio Salvadori furent arrêtés dans les heures qui suivirent. Georges Cloarec, Spartaco Fontanot furent arrêtés le lendemain et Georges Rouxel le 14.
Trois inspecteurs de la BS2 arrêtèrent le 12 novembre Cesare Luccarini à son hôtel. Les faux papiers qu’il portait sur lui furent saisis ; ni tracts ni armes ne furent trouvés. Emmené dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, il fut battu à plusieurs reprises. À l’issue des interrogatoires, les policiers connaissaient l’essentiel de son activité. Cesare Luccarini fut l’un des vingt-quatre accusés qui comparurent le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas. La presse collaborationniste dont Le Matin s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2.300 francs par mois. »
Cesare Luccarini fut passé par les armes le 21 février 1944 à 15 h 29 au Mont-Valérien avec les vingt-deux autres condamnés à mort. L’abbé Franz Stock écrivit dans son journal : « Luccarini Cesare aussi confessé et communié ».
Son inhumation eut lieu dans le carré des corps restitués aux familles dans le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Avant de mourir, dans une lettre adressée à un de ses cousins, il écrivit : « Surtout fait courage à mon père car moi je serai ``Mort pour la France’’. » Le nom de Cesare Luccarini figure sur une stèle à Pont-à-Vendin, ainsi que sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian au 19 rue au Maire à Paris (IIIe arr.), à Marseille, près de la gare d’Évry-Petit-Bourg (Essonne) où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein (colonel Gilles) et au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason
SOURCES : Arch. PPo., 77W 2122, BA 1749, BA 1752. – DAVCC, Caen, Liste S 1744 098/44 (Notes Thomas Pouty). – Le Matin, 19, 20, 21, 22 février 1944. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. – Antonio Bechelloni, « Antifascistes italiens en France pendant la guerre : parcours aléatoires et identités réversibles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, avril-juin 1999, p. 280-295 ; « Antifascist Resistance in France from the ``Phony War’’ to the Liberation : Identity and Destinies in Question », in Donna R. Gabaccia and Fraser M. Ottanelli (sous la dir.), Italian workers of the World, Labor Migration and the Formation of Multiethnic States, Urbana and Chicago, University of Illinois Press, 2001, p. 214-231. – Gaston Laroche, Colonel FTP Boris Matline, On les nommait des étrangers (Les immigrés dans la Résistance), Paris, Les Éditeurs Français Réunis, 1965. – Pia Carena Leonetti, Les Italiens du maquis, Éd. Mondiales, 1968. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 191-192.— Notes Antonio Bechelloni.