LEROY Bernadette, Angèle, Marie

Par Jocelyne George

Née le 23 mars 1939 à Sequedin (Nord), morte en 2013 ; ouvrière du textile ; militante communiste et syndicaliste CGT, membre du bureau de la Fédération du Textile de 1966 à 1982, puis du bureau de la Fédération du Textile, de l’Habillement, des Cuirs et peaux réunies de 1982 à 1993.

Marcel Leroy, le père de Bernadette, né en 1913, fut d’abord ouvrier fondeur chez Massey-Harris (terrassier selon l’acte de naissance), à Marquette dans le Nord ; là il adhéra à la CGT, puis en 1946 il devint mineur dans les mines de Courrières. Il adhéra alors au Parti communiste ; très actif lors de la grève de 1948, il fut poursuivi, obligé de quitter Sallaumines où la famille résidait. Il se réfugia dans la région parisienne où il fut aidé en particulier par ses camarades de l’usine Renault. Madeleine, sa mère, née en 1912, fut d’abord lampiste (cardeuse selon l’acte de naissance) puis trieuse de charbon dans les mines de Bruay-en-Artois, elle travailla ensuite dans le textile, chez Crépy à Lambersart. De famille catholique elle était pratiquante. Elle milita à l’Union des femmes françaises et diffusa Heures Claires, le magazine de cette organisation. Avec les autres femmes de mineurs elle mena aussi la lutte contre la remise en cause des avantages du statut de mineur. Madeleine et Marcel Leroy eurent cinq enfants qui partagèrent les opinions communistes de leurs parents.

À neuf ans, Bernadette Leroy fut témoin de la catastrophe de Sallaumines où un coup de grisou fit vingt-et-un morts. Elle obtint son certificat d’études, poursuivit quelque temps des études dans le secteur de l’habillement puis les interrompit en 1956 contre l’avis de son père, mais l’argent manquait à la maison. Elle fut immédiatement embauchée à l’usine textile de coton Crépy dans le Lillois. Les « filles des mines » étaient une main-d’œuvre très recherchée par le patronat pour leur dextérité et parce qu’elles étaient peu payées. La formation se faisait sur le tas ; Bernadette Leroy fut « fileuse », c’est-à-dire qu’elle rattachait sur les continus à filer. Il fallait travailler vite avec les chronométreurs sur le dos. Une semaine, le travail était du matin : les filles partaient à trois heures dans un car privé, en mauvais état ; la semaine suivante, c’était l’après-midi, de onze heures à vingt-deux heures trente, retour dans le même car. À l’usine il y avait un crucifix dans chaque salle, pas de cantine ; les filles mangeaient leur tartine sans arrêter le métier, en avalant la poussière de coton.

En 1956 Bernadette Leroy adhéra à l’Union des jeunes filles de France et devint membre du secrétariat de cette organisation dans le Pas-de-Calais ; en octobre de la même année elle adhéra à la CGT, l’année suivante au Parti communiste. À dix-sept ans, elle entama une vie de lutte ouvrière, pour l’amélioration des conditions de travail, de transport, contre les abattements de salaires pour les moins de dix-huit ans, pour la dignité. Dans l’usine où en 1961 la militante communiste Marthe Vermersch venait de reconstituer le syndicat, elle eut en mai 1962 son premier mandat syndical : elle fut élue déléguée du personnel. Cette année fut une année de luttes importantes contre l’OAS, contre la guerre d’Algérie. Ce fut aussi l’année où l’entreprise Crépy décida de se délocaliser dans les Vosges en touchant une indemnité pour supprimer des broches dans le Nord et une autre pour créer des emplois dans les Vosges. Les ouvrières se révoltèrent, occupèrent l’usine ; elles ne réussirent pas à empêcher la fermeture mais obtinrent une indemnité de licenciement, une première dans la région et en France. Les déléguées ne faisant pas confiance au patron perçurent les primes et l’argent, déposé dans une boîte en fer-blanc, fut réparti par elles-mêmes.

En novembre 1962, une cinquantaine d’ouvrières de l’usine Crépy, dont Bernadette Leroy, partirent à Tourcoing s’embaucher dans l’industrie lainière chez Masurel. Dans un premier temps elles se heurtèrent au rejet des ouvriers tourquenois et belges, au préjugé contre les jeunes et contre les filles des mines. L’année suivante cependant une cellule communiste fut créée dans l’entreprise dont Bernadette Leroy fut la secrétaire. En mars, elle fut élue à la commission administrative de l’Union départementale du Nord, en novembre ce fut la création d’un syndicat CGT dans l’entreprise ; aux élections qui suivirent la CGT fut largement majoritaire.

En 1964, au 34e congrès de la Fédération CGT du Textile, à Roubaix, Bernadette Leroy fut élue à la commission exécutive. En 1965, elle intervint au 35e congrès national de la CGT, au nom de la commission féminine de l’Union départementale du Nord, pour dire comment elle organisait la vente d’Antoinette, le magazine féminin de la CGT, durant les minutes où les ouvrières s’engouffraient dans les cars. En 1966, elle fut élue au bureau de la fédération avec en particulier la responsabilité du travail parmi les jeunes de la région minière. En 1966 et 1967 Prouvost et Masurel fusionnèrent, des entreprises furent menacées de fermeture, d’imposantes manifestations eurent lieu à Tourcoing. En 1968 Masurel fut la première usine occupée.

En 1970 Bernadette Leroy fut élue au bureau de l’Union départementale du Nord et devint permanente ; avec Blanche Bellanger elle eut comme responsabilité le travail en direction des femmes et en particulier la diffusion d’Antoinette. Elle assura aussi le suivi des unions locales de Cambrai, de Fourmies, d’Halluin, d’Armentières.

De 1982 à 1993 elle milita avec Manoël Dias au Collectif régional textile du Nord et du Pas-de-Calais.

Bernadette Leroy milita au bureau de la fédération du textile jusqu’à sa fusion avec les fédérations de l’habillement et des cuirs et peaux en 1982, puis au-delà dans la nouvelle fédération jusqu’en 1993. À cette date et jusqu’en 2012 elle devint la secrétaire dans le département du Nord de l’association de consommateurs, d’usagers et de locataires de la CGT, Indécosa ; elle fut membre du conseil d’administration et membre du bureau de cette institution sur le plan national. En 1999, à la retraite elle fut élue au bureau de l’union des retraités CGT du Nord.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139905, notice LEROY Bernadette, Angèle, Marie par Jocelyne George, version mise en ligne le 11 mars 2012, dernière modification le 20 septembre 2013.

Par Jocelyne George

SOURCES : Témoignage de l’intéressée ; notes de Slava Liszek ; « Du bassin minier au cœur du textile : la vie des filles des mines », entretien avec Jean-Claude Poitou dans Les Cahiers de l’institut d’histoire sociale Mines-Énergie, n° 4 juin 2004.— Etat civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable