LIEBRICH Frédéric Guillaume [LIEBRICH Friedrich Wilhelm]

Par Pierre Schill, Léon Strauss

Né le 12 janvier 1885 à Durstel (Basse-Alsace, Alsace-Lorraine annexée), mort le 1er novembre 1943 à Strasbourg (Bas-Rhin annexé de fait) ; journaliste, écrivain, permanent syndical et politique ; socialiste SFIO, puis communiste ; secrétaire général de l’UD-CGT, puis CGTU de la Moselle (1921-1924), rédacteur à L’Humanité de Metz (1926), secrétaire du syndicat CGTU des ouvriers métallurgistes du Bas-Rhin (1929- ?), secrétaire régional de l’ARAC à Strasbourg jusqu’en 1939.

Frédéric Guillaume, issu d’une dynastie de pasteurs luthériens, originaire du Palatinat, établie en Alsace Bossue depuis le XVIIIe siècle, était le cinquième enfant d’Auguste Frédéric, pasteur à Durstel, remarié après son veuvage avec Caroline Wilhelmine Dietrich, fille d’un cultivateur de Durstel. Dans cette famille, la solidarité et l’entraide étaient des valeurs importantes. Il fréquenta l’école primaire de son village avant d’intégrer le gymnase (lycée) de Bouxwiller (Basse-Alsace). Après avoir passé l’Abitur, le baccalauréat allemand, il s’inscrivit en 1905 à la faculté de Théologie protestante de l’université de Strasbourg. Il aurait aussi suivi des cours d’économie et de science politique à la faculté de Droit. Comme son père et la plupart des membres de sa famille, il adhéra à la corporation étudiante protestante Wilhelmitana, dont il devint le trésorier. Sa culture était certainement à prédominance germanique : son sobriquet familial, oncle Max, se référait à une œuvre populaire de l’humoriste allemand Wilhelm Busch, Max und Moritz. En 1909, il soutint un mémoire sur l’Évangile de Saint Jean et cessa ses études pour devenir journaliste et écrivain. Dès 1910, il publia son premier roman, Um die Heimat (À propos de la patrie) et en 1911, il commença à rédiger des nouvelles littéraires dans la presse régionale D’octobre 1911 à septembre 1912, il effectua son service militaire dans un régiment d’infanterie. Il fut un moment secrétaire du syndicat conservateur des employés de commerce, le Handlungsgehilfe Verband. En 1913, après une courte formation à la Strassburger Post, il devint rédacteur à la Hagenauer Zeitung. Mobilisé comme sous-officier dans l’armée allemande, il participa aux combats en Lorraine dès août 1914 et fut grièvement blessé et décoré de la Croix de fer. Promu officier, il fut à nouveau blessé sur le front de l’Est en 1915. Il fut affecté ensuite au service de renseignement du gouvernement militaire allemand en Belgique. À la fin de la guerre, il vécut la révolution allemande et fut particulièrement frappé par la constitution de soviets de soldats d’autant plus que la troupe lui avait arraché ses épaulettes d’officier.

De retour en Alsace redevenue française, révolté « par l’exploitation capitaliste des plus pauvres », il s’engagea politiquement à gauche. En 1919, il adhéra au Parti socialiste SFIO et commença une carrière de permanent syndical. Secrétaire adjoint de la fédération régionale des employés CGT à Strasbourg en 1920, il défendit lors du congrès de l’Union régionale CGT d’Alsace et de Lorraine à Mulhouse en septembre 1920 la thèse de l’adhésion à Moscou. Il s’installa en mars 1921 à Montigny-les-Metz pour assurer le secrétariat général de l’UD des syndicats CGT de la Moselle en remplacement de Charles Becker, de même que celui de la fédération du nouveau Parti communiste. Il contribua largement à l’adhésion de la plupart des syndicats mosellans d’abord au Comité syndical révolutionnaire en octobre 1921, puis à la nouvelle confédération CGT en mars 1922. Il était également l’un des rédacteurs du quotidien messin du Parti communiste, Die Volkstribüne/ La Tribune du Peuple. Il fut candidat aux cantonales de mai 1922 à Sarralbe et obtint 563 voix contre 975 au sortant de droite qui fut réélu. Le même mois, il se présenta sans succès aux élections municipales complémentaires de Metz. Le 18 mars 1923 il polémiqua avec Léon Jouhaux lors d’une réunion publique organisée à Metz-Sablon par les confédérés. Il était alors question de son retour à Strasbourg où il aurait été chargé de diriger le futur quotidien régional unique du Parti communiste. Il prit une part importante dans la coordination de la grève de huit semaines des houillères mosellanes (février-avril 1923). Le 1er juillet 1923, il participa à un meeting à Esch-sur-Alzette (Luxembourg) en même temps que Léon Vernochet et Charles Friedrich. Il y évoqua le fascisme et les autres efforts tentés par les capitalistes pour se protéger, comme le projet d’une milice luxembourgeoise. Le 13 août 1923, il participa à Strasbourg au congrès régional des syndicats unitaires, où fut fondée l’union régionale d’Alsace et de Lorraine : il fit adopter le lancement d’une campagne de tracts contre le militarisme français. Déjà contesté le 25 mars 1923, lors du congrès départemental des métallurgistes unitaires où Victor Doeblé et Conrad l’accusèrent d’être « vendu au patronat », en décembre 1923, il fut mis en minorité au congrès départemental des syndicats « rouges » à Amnéville à la suite de l’échec de la grève des mineurs, dont, avec Charles Friedrich, il tenta de rejeter la responsabilité sur Marcel Kirsch. En septembre 1923, lors d’une réunion de la section communiste de Rombas, il rendit compte du « dernier congrès » (vraisemblablement celui de l’Union régionale CGTU) et exposa la résolution Massebron relative à la presse du parti selon laquelle il ne devait plus y avoir qu’un seul journal pour les trois départements. Ce dernier serait installé provisoirement pour une durée de six mois à Metz et ne serait transféré à Strasbourg que si les départements alsaciens fournissaient plus d’abonnements que la Moselle. Il demandait l’exclusion du parti des Strasbourgeois qui s’opposaient au maintien du journal à Metz : Charles Hueber, Charles Hornecker et Offenbroich.

En février 1924, il fut remplacé au secrétariat de l’Union départementale et partit pour l’Allemagne où il semble avoir travaillé un moment pour le KPD, le parti communiste allemand. En juillet 1924, il était de retour en Moselle, puisqu’il prit la parole dans plusieurs réunions publiques organisées par le Parti communiste en faveur de l’introduction des lois laïques en Alsace et en Moselle. Il résidait en 1925 à Montigny-lès-Metz, où il figura en mai 1925 sur la liste du Bloc ouvrier et paysan présentée par le Parti communiste, puis au second tour sur liste commune des socialistes et des communistes, mais il ne fut pas élu. On le retrouva rédacteur à l’Humanité de Metz en 1926. Il présenta le 12-13 juillet 1926 un rapport sur le problème paysan alsacien-lorrain en liaison avec la question d’Alsace-Lorraine au deuxième congrès régional du PC à Strasbourg. Il fut l’un des signataires des « questions de conscience » posées le 7 juin 1926 par le Comité d’action régionale des ouvriers et paysans au Heimatbund autonomiste au lendemain de la publication de son Manifeste. Installé à Strasbourg au début du mois d’avril 1927, il figura parmi les dirigeants du sous-rayon de Strasbourg du Parti communiste. En 1928, il fut candidat communiste aux élections législatives dans l’arrondissement de Wissembourg (Bas-Rhin) et fut battu au second tour par l’UPR Weydmann. Il se présenta également en 1928 aux élections cantonales à la Petite Pierre (Bas-Rhin) et obtint 9,6 % des inscrits au premier tour. Il participa à une manifestation autonomiste à Haguenau le 28 juillet 1928 sur la même tribune que l’autonomiste Rossé et les cléricaux de l’UPR Keppi, l’abbé Gromer et Michel Walter. À partir du 12 avril 1929, il fut gérant d’un éphémère trimestriel Die Bauernstimme/ La Voix paysanne. Il était aussi secrétaire du syndicat unitaire des ouvriers métallurgistes du Bas-Rhin. Candidat sur la liste communiste aux élections municipales de Strasbourg en 1929, il resta fidèle au parti communiste orthodoxe lors de la scission strasbourgeoise de 1929. Le 22 juin 1929, le bureau régional décida de le présenter à l’élection cantonale du lendemain à Strasbourg-Nord contre l’autonomiste Schall soutenu par l’UPR et par ses anciens camarades Hueber et Mourer. En 1931, il fut candidat aux cantonales à Sarre-Union, mais sous l’étiquette d’« indépendant » : certains communistes locaux comme Wurtz de Pisdorf soutinrent le maire de Sarre-Union, Wack. Liebrich n’obtint que 4,6 % des inscrits. En décembre 1929, il fut question de son exclusion du PCF, mais en avril suivant ce fut lui qui adressa au nom des « Amis strasbourgeois de l’Union soviétique » une lettre ouverte au Directoire de l’Église de la Confession d’Augsbourg pour s’étonner de l’organisation d’une manifestation contre les persécutions religieuses en URSS. Il fut également sans succès candidat du PC aux élections municipales de Strasbourg en 1935. Selon le commissaire spécial de Strasbourg, il était connu en juin 1935 pour sa « germanophilie » et ses « sentiments anti-français », mais il aurait trouvé « l’appui entier » de Maurice Thorez. Membre du bureau régional du PC en 1934, il était secrétaire régional de l’Association républicaine des anciens combattants. En septembre 1939, il fut évacué à Excideuil (Dordogne). Après l’annexion de fait de 1940, revenu en Alsace, il trouva un emploi à la Bibliothèque universitaire de Strasbourg et fut obligé d’adhérer à l’l’Arbeitsfront nationale-socialiste.

Selon L’Humanité d’Alsace et de Lorraine n° 6 du 21-22 janvier 1945, qui inclut sa photo dans une série consacrée aux fusillés du Parti, il fut sauvé de l’internement à Schirmeck par les Nazis par une grave maladie, qui causa sa mort à Strasbourg le 1er novembre 1943. Il était célibataire. Il fut incinéré et ses obsèques se déroulèrent sans cérémonie religieuse. Il s’était d’ailleurs brouillé à la fin des années vingt avec son frère, Gustave-Adolphe, pasteur, qui lui reprochait d’avoir critiqué les Églises chrétiennes lors de ses réunions électorales.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139918, notice LIEBRICH Frédéric Guillaume [LIEBRICH Friedrich Wilhelm] par Pierre Schill, Léon Strauss, version mise en ligne le 13 mars 2012, dernière modification le 20 mars 2018.

Par Pierre Schill, Léon Strauss

ŒUVRE : Um die Heimat, Roman, Heitz, Strasbourg, 1910. — Das elsass-lothringische Bauerntum und die Assimilation, Strasbourg, s.d. (1926 ?). — Caesar Augustus, Geschichtliches Schauspiel in drei Akten, Bios, Strasbourg, 1928.

SOURCES : Arch. Nat. N F7 13130, 13377(688-689, 985), 13379,13401, 13404. — Arch. Dép. Moselle, 24 Z 20. – Arch. Dép. Bas-Rhin, 98 AL 635,661, 664, 674, 639, 683, 1064 ; 102 AL 47 ; 121 AL (114), (855) ; D 388, 112 (693). – Arch. mun. de Metz : 1K/d 55. — Archives familiales de Winfrid Liebrich, son petit-neveu, notamment un curriculum manuscrit du 16 juin 1941. — Renseignements fournis par Denise Friedrich, Marguerite Liebrich, sa nièce, et Winfrid Liebrich. — Wilhelmitanblätter, Siegen, mars 1944. — DBMOF, t. 34, 1989, p. 386. — Nouveau dictionnaire de Biographie alsacienne, p. 2365-2366. — Bernard Klein, La vie politique en Alsace bossue et dans le pays de La Petite Pierre de 1918 à 1939, Strasbourg, 1991, p. 126, 161,162, 173, 175.

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