MABILLE Hélène [née MÉLÉCHOWITZ ou MÉLÉCHOVITZ Hélène]

Par Jocelyne George

Née le 30 novembre 1917 à Paris, morte le 30 mars 1995 à Beauregard (Seine-et-Marne) ; vendeuse puis secrétaire, communiste, résistante, secrétaire de la fédération des employés CGT de 1954 à 1973, membre de la commission exécutive de la CGT (1969-1979), secrétaire générale de la fédération CGT des commerces et des services (1973-1979), cofondatrice de l’association pour l’information et la défense des consommateurs salariés (INDECOSA) en 1973.

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Les parents d’Hélène Mabille étaient des juifs émigrés depuis 1908, son père de Roumanie, sa mère de Pologne ou de Lettonie. Ils se rencontrèrent à Paris en 1912 ou 1913. Tous les deux furent naturalisés en 1928. Le père était un militant actif du syndicat CGTU des casquettiers de Paris. Hélène Méléchowitz, ou Méléchovitz selon les sources, était l’aînée de quatre enfants dont trois filles et un garçon. La famille vivait rue des Écouffes dans le IVe arrondissement. Hélène Méléchowitz quitta l’école en juin 1932 et en juillet elle travaillait comme vendeuse dans une chemiserie. Dans la biographie qu’elle écrivit pour le Parti communiste en novembre 1945, elle déclara être titulaire du brevet élémentaire et être secrétaire, aide-comptable. En 1936, elle participa à la fondation de l’Union des jeunes filles de France dans le IVe arrondissement et elle fut secrétaire de cette organisation. En 1937, elle adhéra au Parti communiste auquel elle appartint toute sa vie.

Hélène Méléchowitz fut responsable politique de la section du IVe arrondissement de septembre 1939 à décembre 1940 puis entra en liaison avec les Jeunesses communistes pour reformer l’organisation dans cet arrondissement. Elle milita alors en cachant son activité à ses parents. Elle participa à la création de l’Organisation spéciale, c’est-à-dire les groupes armés de la jeunesse d’où sortirent les Francs-tireurs et partisans français.

En janvier 1941, à cause d’un militant qui avait craqué lors d’un interrogatoire, elle tomba dans un piège alors qu’elle avait sur elle un questionnaire pour le recrutement des partisans. Condamnée à dix mois de prison en application de la loi du 26 septembre 1939 contre les associations communistes, elle fut incarcérée à la Roquette. Au bout de deux mois elle fut dirigée sur la prison de Fresnes où elle refusa de signer le serment d’allégeance à Pétain en échange de sa liberté. Elle fut renvoyée à la Roquette, puis au camp d’Aincourt en Seine-et-Oise (aujourd’hui Essonne), ouvert par les Allemands pour les internés politiques. Dans le car les conduisant à Aincourt les femmes chantèrent la Marseillaise et l’Internationale en l’honneur des fusillés de Châteaubriand tombés la veille, le 22 octobre 1941. Pour ce fait, six otages furent désignées dont Hélène. Méléchowitz. Jugée par le tribunal spécial de Paris, elle fut condamnée à dix ans d’internement pour « atteinte au moral et chants séditieux ». Elle fut emprisonnée successivement à La Roquette puis dans les centrales de Fresnes et de Rennes. C’est là qu’elle réunit dans un manuscrit de soixante-quinze pages ses connaissances sur la littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles. Le 1er mai 1944, les prisonnières de Rennes furent déportées à Ravensbrück. Hélène Méléchowitz fut désignée pour un commando de travail à Zwodau en Tchécoslovaquie, dans une usine Siemens de moteurs d’avions. Les femmes employées dans cette usine pratiquèrent le sabotage et le 14 juillet 1944, celles de l’atelier d’Hélène le décorèrent avec des fils à souder bleus, blancs et rouges. À Ravensbrück, Hélène Méléchowitz, qui connaissait le yiddish, apprit l’allemand et servit d’interprète. Le camp fut libéré le 30 avril 1945 par l’armée américaine. Hélène le quitta le 25 mai, elle pesait 38 kg.

À son retour, elle travailla à l’Union française d’information, une agence de presse progressiste, puis elle entra au secrétariat de Benoît Frachon où elle resta deux ans. Elle y eut la responsabilité de la publication Le délégué du personnel. Elle fit partie de la Commission féminine confédérale créée en 1945 et du comité de rédaction de La Revue des travailleuses (1952-1955). Elle participa régulièrement aux réunions de cette commission et en fut une des animatrices les plus constantes. En 1949, elle se maria avec Jacques Mabille (1926-2000), fils d’un administrateur colonial et militant du Parti communiste, qui, quelques années plus tard, créa une entreprise de création sonore et radiophonique. Leurs deux enfants, Jean-Pierre et Catherine, naquirent en 1950 et 1952.

En 1954, Hélène Mabille entra au bureau puis au secrétariat de la Fédération des employés que dirigèrent Pierre Delon puis Georges Pompey. Devenue permanente, elle parcourut la France pour syndiquer par milliers les employés du commerce, branche qui devint la première de la confédération pour les effectifs. Le Ier Mai 1968, elle participa à une délégation à Moscou où on la voit en photo à côté de Nicolaï Podgorny, de Bernoit Frachon et de Jean Louis Moynot. En mai-juin 1968, elle conduisit la grève dans les grands magasins parisiens, au syndicat desquels elle appartenait. Elle mena les négociations au nom de sa fédération pour l’application des accords de Grenelle.
Hélène Mabille avait obtenu son certificat d’appartenance à la Résistance intérieure le 2 novembre 1948. Mais on lui avait refusé en 1960 la carte de combattant volontaire de la Résistance, la commission départementale des Anciens combattants et victimes de guerre de la Seine estimant que « l’activité de l’intéressée, antérieure à la reconnaissance officielle du mouvement auquel elle est réputée appartenir, doit être contestée ». Il en fut de même en 1964. Le 30 octobre 1968, encore une fois saisi, le ministre des Anciens combattants estima qu’« il n’apparaît pas judicieux de poursuivre une telle procédure à l’encontre de l’intéressée ».

En 1969, elle fut élue à la commission exécutive confédérale de la CGT où elle siégea jusqu’en 1979. Elle fut vice-présidente puis présidente de l’Union internationale des syndicats du commerce dépendant de la Fédération syndicale mondiale. En 1970, elle représenta la CGT aux États généraux de la femme organisés par l’hebdomadaire Elle où elle défendit son organisation contre les attaques du MLF accusant la CGT de n’avoir rien fait pour les femmes. En avril 1973, Hélène Mabille devint la secrétaire générale de la nouvelle fédération du commerce qui réunit des employés de l’alimentation et de la distribution, secteur devenu le second employeur de France après la métallurgie avec 1 750 000 salariés. Elle se retira en 1979, laissant sa responsabilité à Michèle Commergnat. En 1973, elle avait créé avec Julien Livi, secrétaire général de la Fédération de l’alimentation, l’association pour l’information et la défense des consommateurs salariés (INDECOSA) dont elle s’occupa jusqu’en 1989.

Hélène Mabille a laissé un fort souvenir aux militants qui l’ont connue. C’était une femme d’action qui avait un don d’éloquence, une grande autorité naturelle et une grande force de conviction.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139924, notice MABILLE Hélène [née MÉLÉCHOWITZ ou MÉLÉCHOVITZ Hélène] par Jocelyne George, version mise en ligne le 15 mars 2012, dernière modification le 23 août 2021.

Par Jocelyne George

1er mai 1968 à Moscou avec Nicolaï Podgorny, Benoit Frachon et Jean-Louis Moynot

SOURCES : Archives du comité national du PCF : biographies 1945-1947. – Archives Institut CGT d’histoire sociale, cartons Main-d’œuvre féminine : notes de Slava Liszek. – Archives du service historique de la défense : dossier de Résistance. – Hommage lors de son décès : Cahiers de l’IHS-CGT, mars 1995, Le Peuple n° 1406-1407, 27 avril 1995. – Archives communales d’Ivry-sur-Seine : fonds Thorez-Vermeersh. – Antoinette, magazine féminin de la CGT, novembre 1975, enquête de Marie Cadras. – Marie-Louise Coudert, Elles, la Résistance, Messidor, 1983. – Le Peuple , n° 859, 26-31 décembre 1970. — Témoignage de son fils.

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