BEKIER Aleksander [dit FERRY Olek, DEBLAYE Bernard, LONGEON Jules et autres]

Par Daniel Grason

Né le 22 octobre 1907 à Mlawa (Pologne), mort le 23 février 1963 à Varsovie (Pologne) ; représentant en lutherie, chargé d’affaires à l’ambassade de Pologne à Paris et Mexico, diplomate ; communiste ; volontaire en Espagne républicaine.

Fils d’Izaak (Józef) entrepreneur dans le bâtiment et d’Hélène, née Klenier, Aleksander Bekier poursuivit des études en Pologne. En 1909, la famille de Bekier déménage à Varsovie, puis, en 1913, à Krasnoïarsk (sud de la Sibérie). Après le décès de son père en 1915, Aleksander Bekier partit avec sa mère à Kharkov (Ukraine), où il poursuivit sa scolarité. À partir de 1918, il travailla comme coursier. En 1921, il rentra au pays et reprenait sa scolarité dans le collège privé (mixte) de Felicja Buk à Varsovie, où il entra en contact avec les jeunes actifs au sein de l’Union de jeunesse communiste (ZMK). Arrêté en 1925 pour son activité militante, il fut libéré sous caution après plusieurs mois passés à la prison de Pawiak.
Il vint en France en 1925, adhéra au parti communiste en 1927 à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine) fut membre de la cellule Jean Jaurès. Selon une source policière, il arriva en France en 1930, épousa à Montrouge Elisabeth Borensztejn, professeur de musique le 9 novembre 1930.
Il s’établit à Mirecourt (Vosges), où il travailla comme luthier dans l’entreprise de fabrication de violon de son oncle. Il milita à la CGTU à l’Union locale de Nancy, fut membre du Comité de district du Parti communiste jusqu’en 1928. Il était membre du comité de rédaction du journal départemental du Parti communiste La Lorraine ouvrière et paysanne. Gravement malade, il ne mena aucune activité politique entre 1928 et 1930.
Il vint en Région parisienne, travailla dans deux sociétés d’instruments de musique J. Thibouville et Lamy et Elco 89 rue Bobillot, Paris XIIIe (arr.). Il se déplaça beaucoup entre 1931 et 1934 pour des motifs professionnels, et ce à plusieurs reprises en Allemagne, huit fois en Belgique, dans plusieurs grandes villes d’Espagne et de Suisse. Il eut dans la même période la responsabilité du travail parmi les immigrés polonais de l’Est de la France. De 1935 à 1936, il était rédacteur de l’hebdomadaire du parti communiste L’Aube nouvelle (Bagneux, Malakoff, Montrouge). Pendant les grèves de 1936, il a été affecté au travail à la CGT sur le secteur Paris-Sud. Homme de confiance de la CGT il mena des négociations et signa des accords d’entreprises.
Tous les deux partirent en Espagne le 6 décembre 1936, Aleksander Bekier fut incorporé le 12 décembre 1936 dans la XIIIe Brigade Dombrowski. Bien qu’inapte au combat, du fait de ses qualités d’organisateur il fut nommé successivement commissaire de compagnie, adjoint au commissaire de la brigade, commissaire de bataillon, puis chargé de la liaison du 5e corps d’armée avec la 35e Division comme commissaire politique adjoint. Il travaillait en relation avec Rwal (Gustav Reicher), l’un des organisateurs de la Brigade Dombrowski.
Il participa aux opérations de Teruel (janvier 1937), Motril (février), à la bataille de Brunete (juillet), à la bataille pour Saragosse à Villamayor-de-Gallego (août). En janvier 1938, un pneumothorax l’immobilisa, il prit la responsabilité de continuer à assumer ses responsabilités. Lors des batailles d’Aragón et du Levant, opérations dirigées par le général Walter (Karol Swierczewski), Gallo (Luigi Longo) réunit les principaux cadres : Nikolài Menzelinzef, chef de La XVe Brigade ; Jan Barwinski, chef de la XIIIe Brigade ; Olek Ferry (Aleksander Bekier) ; Boris Guimpel chef d’État-major ; Tadeusz Oppman, chef des opérations et Jean Agard, de l’artillerie.
Pendant un certain temps, il travailla au Commissariat des Brigades internationales, puis il sera affecté au Commissariat du Ve Corps de l’armée républicaine (commandé par Modesto), avec la tâche de travailler avec la 35ème et la 45ème division. Après l’offensive de Saragosse, il a été nommé commissaire adjoint du Ve Corps avec rang de commissaire de brigade. En avril 1938, il était rappelé au front.
Dans un rapport uniquement à charge non daté, non signé probablement du service des cadres, une information émanant d’un communiste polonais l’accusait de trotskysme dès 1925 en Pologne, d’y avoir formé un groupe. Deuxième grief la parution dans L’Aube Nouvelle en 1935 d’un article sur l’entretien Staline-Laval avec en titre « Staline avait raison ». À la lecture de l’article il ressortait que « Staline avait raison parce qu’il avait été forcé de faire ces déclarations ».

Aleksander Bekier fut convoqué par Jules Decaux, secrétaire de la région Paris-Sud et reconnut son erreur. Ses déplacements à l’étranger, jetait le soupçon, il faudrait voir de plus près « les raisons de ses voyages hors de France ». Enfin, son amitié avec Rwal (Gustav Reicher), il ne s’agissait pas là d’une simple suspicion.
En conclusion, le PCF était prié de « contrôler » Aleksander Bekier un « Intrigant, extrêmement actif et dynamique ». Quant à son ami Rwal, membre du comité central du parti communiste polonais, il fut rappelé à Moscou, assassiné lors de la dissolution de ce parti ordonné par Staline en 1938.
Le couple fut rapatrié en France probablement en septembre 1938. Ils habitèrent 23 rue des Volontaires à Paris XVe (arr.), Aleksander Bekier effectua au cours du dernier trimestre 1938 un voyage d’affaires en Algérie, Tunisie et Maroc. En 1940, le couple d’origine juive se réfugia en zone libre à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), une fille Sylvie naquit le 27 juin 1942. Après l’occupation de la zone libre le 11 novembre 1942 par les troupes allemandes, ils se réfugièrent chez des amis. Fut-il arrêté et incarcéré à la prison de Saint-Michel de Toulouse ? Des déportés partirent de Toulouse le 2 juillet 1944, un convoi fut formé et partit le 9 août 1944 de Bordeaux, son itinéraire chaotique le fit surnommer « Le Train Fantôme », il arriva à Dachau (Allemagne) le 28 août. Cent cinquante- huit détenus s’étaient évadés dont un Alexandre Bekier le 26 août. Son nom absent dans le Livre-Mémorial figura dans la liste des évadés publiée par l’Amicale du Train Fantôme.
Pour sa participation à la résistance, Aleksander Bekier a été homologué membre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).
À la Libération, le couple demeura 44 avenue Jean-Jaurès à Châtenay-Malabry (Seine, Hauts-de-Seine), Aleksander Bekier devint secrétaire à la délégation du Gouvernement provisoire de la République polonaise, puis chargé d’affaire à l’ambassade. En 1946, ils emménageaient dans la Chancellerie de Pologne au 1, rue Talleyrand, Paris VIIe. Il fut ensuite chargé d’affaires de la République populaire de Pologne au Mexique.
En 1957, il publia à Varsovie un ouvrage sur les Brigades internationales Salud, camaradas ! (Salut les camarades !). Aleksander Bekier devint vice-directeur d’un département du ministère des affaires étrangères, décoré de l’Ordre du drapeau du travail, de la Croix de Grunwald et de la Croix de la Légion d’honneur française. La presse polonaise annonça sa mort en février 1963, son parcours de membre du parti communiste polonais, du parti communiste français et espagnol, et au parti ouvrier unifié polonais était rappelé. Le communiqué du ministère des affaires étrangères polonais concluait : « En sa personne, le service diplomatique polonais perd un collaborateur expérimenté et apprécié. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article139992, notice BEKIER Aleksander [dit FERRY Olek, DEBLAYE Bernard, LONGEON Jules et autres] par Daniel Grason, version mise en ligne le 23 mars 2012, dernière modification le 17 mars 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. RGASPI 545.1.19, BDIC Mfm 880/1 bis ; RGASPI 545.6.678, BDIC Mfm. 880/37. Arch. PPo. 77W 1047-338019. – Bureau Résistance GR 16 P 43795. – Castells Andreu, Las Brigadas internacionales de la guerra de España, Barcelone Ariel, 1974. – David Diamant, Combattants Juifs dans l’armée Républicaine espagnole. 1936-1939, Éd. Renouveau, 1979. – Biographie d’Aleksander Bekier Dictionnaire biographique des militants du mouvement ouvrier polonais, Lucyna Jedrzejowska et Roman Orlowski, édité par le Musée de l’histoire du Mouvement ouvrier polonais, Varsovie 1978, traduction de Stefan Bekier, fils d’Aleksander et Elisabeth Bekier née Borensztejn. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Site Internet Amicale du Train Fantôme. – Traduction de Patrice Lhermitte. – Traduction Monique Dureville-Labarta.

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