LE QUÉINEC Pierre, Félix, écrit parfois LE QUÉINNEC

Par Alain Prigent

Né le 16 octobre 1902 Lambézellec (Finistère), mort le 10 septembre 1986 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) ; capitaine au long cours puis commis aux contributions indirectes ; membre du bureau de l’Union départementale CGT (1936-1939) ; secrétaire adjoint de la région des Côtes-du-Nord du PC (1939), secrétaire du Parti communiste clandestin dans les Côtes-du-Nord (1941-1942) ; membre de l’État-major des FTP au niveau national (1943-1944) ; chef de cabinet au ministère de l’Air à la Libération (1944-1947) ; maire adjoint d’Aubervilliers (1947-1952) ; exclu du PCF en 1952.

Pierre, Félix Le Quéinec était le fils de Pierre, Yves Le Quéinec, menuisier né en 1872, qui épousa à Pont-l’Abbé (Finistère) le 19 septembre 1899 Marie Barré, née en 1880. Le jeune garçon fut élevé dans un milieu ouvrier, républicain et socialiste dans « Brest La Rouge » d’avant 1914.

Après avoir obtenu son baccalauréat, il intégra l’école de la marine marchande de Paimpol d’où il sortit officier. Capitaine au long cours, Pierre Le Quéinec quitta la navigation pour raison de santé en 1930. Commis aux contributions indirectes, après avoir été muté à titre disciplinaire pour activité syndicale en 1934 à Cossé-Le-Vivien (Mayenne), il fut affecté à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) où il habita avec sa famille. Militant unitaire du syndicat départemental des contributions indirectes dirigé par Geffroy*, syndicat à direction autonome qui venait de rejoindre la CGT, il fut autorisé à participer à la session de la commission administrative. Théo Hamon*, secrétaire de l’Union départementale CGT, émit à cette occasion le vœu d’une réunification rapide des structures syndicales. Quelques mois plus tard, le 5 octobre 1934, délégué de son syndicat, P. Le Quéinec participa à la préparation d’une action sur les salaires, avec les militants confédérés et unitaires. Après la fusion syndicale, il intégra au titre du courant « unitaire » le bureau au printemps 1936 sous la direction d’Amédée Quinio* et de Théo Hamon, militants confédérés largement majoritaire dans le département.

Délégué en juin et juillet 1936 à Belle-Isle-en-Terre par l’Union départementale CGT, pour faire opposition à la CFTC lors du conflit des papeteries Vallée, il consacra toute son activité, de juillet à octobre, aux nombreuses commissions paritaires (usine de meubles Pierre et Bâtiment à Saint-Brieuc, Cuivreries de Bretagne à Lannion) dont il était membre. À l’issue du congrès du 9 mai 1937, Le Quéinec fut élu secrétaire adjoint de l’Union départementale. Ce congrès fut marqué par la progression de l’influence des unitaires dans les instances, Yves Flouriot*, archiviste, et René Houzé*, secrétaire à la propagande complétant un bureau de six membres. Le Quéinec accompagna Théo Hamon à Dinan le 20 février 1938 pour le premier congrès de l’Union locale afin d’apaiser les tensions entre Francis Sorin et les unitaires opposés à Eugène Chesnais* et aux confédérés. Réélu comme secrétaire adjoint lors du congrès départemental du 19 juin 1938, il présenta un rapport concernant l’organisation de la propagande en direction des travailleurs. Il fut très actif lors de la préparation du 30 novembre 1938 même si son syndicat au niveau national suspendit le mouvement au milieu de la journée de grè,ve. La grève, qui fut un échec, accentua les clivages internes au sein de la CGT. Amédée Quinio*, secrétaire général de l’Union départementale, également membre du syndicat des cheminots, fut accusé de ne pas avoir suivi le mot d’ordre de grève de son syndicat. Lors de la CA du 23 février 1939, en présence de Robert Bothereau*, secrétaire confédéral, Pierre Le Quéinec tenta une médiation qui échoua. Lors du congrès du 4 juin 1939, Amédée Quinio fut désavoué, Théo Hamon le remplaça à la tête de l’UD, secondé par Le Quéinec qui siégea durant l’été de 1939, au sein de plusieurs commissions paritaires (dockers du Légué, Nouvelles Galeries de Dinan, magasins Louis Bogrand de Saint-Brieuc) et fut désigné à deux reprises comme arbitre ouvrier.

Pierre Le Quéinec eut également des responsabilités politiques locales à partir de 1935. Élu au bureau régional communiste des Côtes-du-Nord lors de la conférence qui se tint à Saint-Brieuc le 18 avril 1937, il fut l’adjoint d’Yves Flouriot* jusqu’à sa mort le 2 septembre 1939. Désigné pour prendre sa succession, il ne put assumer cette responsabilité du fait de sa mobilisation en Afrique du Nord, à La Pêcherie à Bizerte (Tunisie) comme enseigne de vaisseau. Paul Le Chanoine* prit alors la direction de la région jusqu’à la dissolution du parti. Selon le témoignage de son fils, il fut désorienté lors de la signature du Pacte germano-soviétique fin août 1939. Après sa démobilisation, Le Quéinec réintégra les contributions indirectes en octobre 1940, affecté dans un premier temps à l’office des blés et farines pour les secteurs de Saint-Brieuc et Dinan. Il fut, selon Louis Pichouron*, l’un des initiateurs de la cérémonie organisée au cimetière de Ploufragan pour honorer la mémoire d’Yves Flouriot, le 9 septembre 1940. L’historien Christian Bougeard considère que cette initiative marqua le début de la Résistance communiste dans les Côtes-du-Nord.

Selon un rapport du commissaire spécial, Pierre Le Quéinec sortit de sa neutralité de fonctionnaire en défendant les organisations syndicales, il fut alors affecté dans une autre région le 15 décembre 1940. Muté d’office à Douvres-la-Délivrance (Calvados) en juin 1941, il ne rejoignit pas son poste, utilisant pendant plus d’un an les dispositions légales de sa situation de fonctionnaire. Dans le même temps, il organisait les premières bases des structures clandestines communistes dans le département. Une lettre anonyme fut adressée au préfet, en septembre 1941, l’accusant de « distribuer des tracts partout ». Il fut reçu à sa demande par le préfet le 3 octobre 1941. En novembre 1941, il fut mis en demeure de rejoindre son poste sans délai sous peine d’être placé d’office en disponibilité pour trois ans, décision que prit l’administration centrale le 12 mars 1942. Quelques jours plus tard le 30 avril 1942, il subit une perquisition à son domicile rue de la Concorde, perquisition qui s’avéra sans résultat.

Devenu secrétaire régional du PC clandestin, il organisa avec André Cavelan* le départ de Marcel Cachin* de Lancerf en Plourivo (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) le 27 août 1942. Quelques semaines plus tard, la police procéda à son arrestation, avec Jean-Baptiste Bourges*, le 24 septembre 1942 à la Ville Ginglin, quartier populaire de Saint-Brieuc. Le lendemain, un autre militant de premier plan fut arrêté, Joseph Debord*. Interné à Voves (Eure-et-Loir), il s’évada le 9 janvier 1943 ainsi qu’une dizaine d’autres détenus dont les bretons Albert Jaouen* et Eugène Kerbaul*. Il eut alors d’importantes responsabilités dans l’État-major des FTP au niveau national auprès de Charles Tillon dont il devint le chef de cabinet au ministère de l’Air à la Libération.

Il revint à plusieurs reprises dans les Côtes-du-Nord où il avait conservé de solides attaches. Après l’exclusion des ministres communistes, Pierre Le Quéinec se concentra sur ses responsabilités municipales à Aubervilliers. Élu premier adjoint au maire Charles Tillon en octobre 1947, il fut exclu du PCF dans l’affaire Tillon-Marty à la fin de 1952. Selon l’historien Paul Boulland, les critiques formulées dans la résolution du comité de la section d’Aubervilliers, le 29 novembre 1952, contre Pierre Le Quéinec disqualifiait son parcours militant : refus des hiérarchies et de la discipline, absence d’esprit de parti, valorisation de soi, « esprit hautain et méprisant », suspicions implicites sur son métier d’origine entretenues par l’accusation de bénéficier d’avantages matériels et financiers et par le reproche d’une dérive technicienne. L’exclusion de Pierre Le Quéinec fut un drame pour sa compagne, adhérente également du PCF, pour son fils qui militait à l’UJRF et sa belle-fille très active à l’UFF. Rejetés par le PCF, la famille et les proches s’éloignèrent progressivement de l’ensemble des réseaux communistes.

Pierre Le Quéinec réintégra l’administration des contributions indirectes en 1954. Il fut nommé à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) puis à Aix-en-Provence où il prit sa retraite au début des années 1960. Habitant à Miramas puis à Aix, n’ayant plus de contacts avec les milieux communistes, il resta très proche de Charles Tillon qui habita à Aix puis à Montjustin (Alpes de Haute Provence).

Pierre Le Quéinec épousa le 23 novembre 1929 à Kérity (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), commune proche de Paimpol. Yvette Le Cerff, fille de Pierre Le Cerff, pêcheur d’Islande. Le couple eut un fils Pierre-Raymond, né le 16 juin 1928 à Verneuil-sur-Avre (Eure). Yvette Le Quéinec* quitta Saint-Brieuc avec son fils après l’évasion de son mari début 1943. Elle le rejoignit à l’État-major des FTP. Arrêtée sur dénonciation le 13 janvier 1944 à Saint-Maur (Seine, Val-de-Marne), elle mourut à Auschwitz le 29 mai 1944.

Après la guerre, Pierre Le Quéinec refit sa vie avec Marguerite Herbaud qui lui donna deux enfants nés en 1948 et 1950. Le couple se maria en 1975.

La rue de la Concorde à Saint-Brieuc fut dénommée Rue Yvette Le Quéinec.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140024, notice LE QUÉINEC Pierre, Félix, écrit parfois LE QUÉINNEC par Alain Prigent, version mise en ligne le 24 mars 2012, dernière modification le 26 novembre 2021.

Par Alain Prigent

SOURCES : RGASPI, 495 270 4255. — Arch. Dép. Côtes d’Armor 1M362 (série M, réunions syndicales et corporatives ; grèves et conflits du travail ; tracts et affiches), 2W126 (dossier Y. André, suite de perquisition), 2W134. — BMP (Bibliothèque marxiste de Paris), Bobines 841 et 853. — Arch. de l’UD-CGT des Côtes d’Armor (Cahiers Théo Hamon). — L’Aube Nouvelle, hebdomadaire de la fédération des Côtes-du-Nord du PCF (1945-1951). — Christian Bougeard, Les forces politiques en Bretagne. Notables, élus et militants (1914-1946), Presses Universitaires de Rennes, 2011. — Paul Boulland, Acteurs et pratiques de l’encadrement communiste à travers l’exemple des fédérations de banlieue parisienne (1944-1974), Thèse de doctorat, (Université Paris 1), 2011. — Marcel Cachin, Carnets, Tome 4, CNRS, 1997. — Jean Le Jeune, Itinéraire d’un ouvrier breton, chez l’auteur, 2002. — Louis Pichouron, Mémoire d’un partisan Breton, Presses universitaires de Bretagne, 1969. — Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. — Notice de Yann Le Floc’h dans le Maitron (DBMOF). — Correspondance avec son fils Pierre Le Quéinec en mai 2000, entretien téléphonique avec sa belle-fille en mars 2012. — Notes de Paul Boulland et d’Eugène Kerbaul.

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