LLABRES Claude, Albert

Par Marc Giovaninetti

Né le 20 mai 1938 à Toulouse (Haute-Garonne), mort le 9 septembre 2017 à Toulouse ; dessinateur industriel ; militant toulousain puis national du PCF ; un des leaders des rénovateurs du PCF avant de rompre avec le communisme ; secrétaire des JC de Haute-Garonne ; secrétaire puis premier secrétaire de la fédération de Haute-Garonne ; membre du comité central du PCF, membre de la section de Intellectuels et de la Culture ; conseiller général et vice-président du conseil général de la Haute-Garonne ; adjoint au maire centriste de Toulouse Dominique Baudis.

Claude Llabres
Claude Llabres

Le père de Claude Llabres, Lucien Llabres, était déjà un militant communiste fort connu à Toulouse. Né à Perpignan d’un père — Barthélemy Llabres*— originaire de Majorque et d’une mère native de Toulouse (Haute-Garonne), résistant, emprisonné pendant l’Occupation, son fils le présentait comme l’archétype de ces militants ouvriers staliniens intransigeants. C’était en outre un père autoritaire, notamment avec Claude, celui de ses trois enfants qui se montrait le plus rebelle. La mère au contraire avait un caractère effacé, mais avait été élevée dans une famille d’ouvriers communistes ; le grand-père, cheminot, avait été un des fondateurs du Parti communiste à Toulouse. De sa grand-mère maternelle, que Claude Llabres a bien connue, il gardait un souvenir plus affectueux : véritable Occitane, c’est elle qui affubla son petit-fils d’un qualificatif qu’il utilisa plus tard dans tout son récit autobiographique, en alternance avec « notre héros », pour se désigner lui-même à la troisième personne : « lo trop polit » (« le trop joli »), en référence à son physique de « séducteur » dont il aimait se prévaloir. Cette grand-mère le fit aussi baptiser en catimini, lorsqu’il avait six ans déjà.

Le garçon grandit dans le quartier des Carmes à Toulouse. Rebuté par l’école, il décrivait comme « premier de la bande, dernier de l’école », mais après le certificat d’études et quelques années de cours complémentaire, il décrocha à seize ans un CAP d’aide-comptable. Ses relations difficiles avec ses parents ne le dissuadèrent pas de s’engager à l’exemple des hommes de la famille. En 1956, il adhéra aux Jeunesses communistes, l’année même où elles abandonnaient leur appellation de Jeunesses républicaines héritée de la Résistance, et en devint rapidement le leader pour la ville et le département, avant d’être intégré au bureau de l’organisation après avoir en avoir suivi le stage national d’un mois en 1958. Il appréciait particulièrement les opérations commandos contre ceux qu’ils qualifiaient de « fachos », en pleine guerre d’Algérie, et organisait les manifestations locales. Il se devait aussi de prendre des « mesures d’organisation », ainsi relate-t-il avoir exclu le trésorier local des JC lorsque son homosexualité fut révélée (Les Tribulations..., op. cit.).

Lui-même échappa à l’Algérie, lorsqu’il fut appelé au service militaire, car il était déjà père de deux enfants, un garçon et une fille, suite à son mariage en août 1959, à Toulouse, avec Monique Panero (divorce en 1975), une militante communiste, coiffeuse de métier.

En 1958, il avait adhéré au Parti communiste. Sa chance pour démarrer dans la carrière politique fut d’avoir connu dès son enfance Jean-Baptiste Doumeng, le patron d’Interagra, l’homme d’affaires le plus fortuné du PCF, surnommé « le milliardaire rouge », auprès de qui son père était devenu directeur technique. Il l’appelait familièrement « Tonton ». Lors d’un repas à trois avec Waldeck Rochet*, qui n’était pas encore secrétaire général mais toujours responsable de la section d’agriculture, il fut invité et se vit proposer un emploi qui lui permettrait de se consacrer à plein à l’action politique. Bien que nullement agriculteur, il prit alors des responsabilités départementales à l’UJAF (Union nationale de la Jeunesse agricole) et fut promu à son comité national. Le secrétaire fédéral et membre du comité central Jean Llante prévoyait que ce « camarade très dévoué » ferait un « excellent cadre », et en mai 1960, il ressortit de l’école centrale d’un mois avec un « avis favorable ». Lors de la conférence fédérale de 1961, Roger Garaudy, délégué du comité central, louait le « dynamisme » de ce « jeune camarade très capable ». Il fut cette année-là élu au comité fédéral, puis promu au bureau fédéral en 1965, et au secrétariat en 1966.

Sur les événements de Mai 1968, Claude Llabres restait discret. Tout au plus évoquait-il un meeting d’Alain Krivine à Toulouse, qu’il aurait saboté avec des arguments « de mauvaise foi ». Il suivit pendant l’hiver 1968-1969 le stage de quatre mois à l’École centrale du parti. Il s’y ennuya autant qu’à l’école communale, sécha les cours, fit les quatre cents coups avec son copain Michel Cardoze, son homologue des JC bordelais, à tel point qu’un de leurs condisciples, Maxime Gremetz, qui devait faire, lui, une carrière d’apparatchik bon teint, excédé, demanda leur exclusion. À l’issue de la formation, il se glorifiait de l’appréciation qu’on lui aurait collée, tellement semblable à celle des ses instituteurs : « De très grandes facilités, mais refuse de se concentrer sur l’étude et déstabilise ses camarades ».

Apparemment, le PCF ne se découragea pas de parvenir à exploiter ses talents. Il devint permanent appointé au sortir du stage, et en 1971-1972, il fut envoyé à Moscou pour suivre l’École internationale, proposée par le Parti communiste de l’Union soviétique aux membres les plus prometteurs de ses partis frères. Il expliquait y avoir suivi des cours de marxisme-léninisme, mais aussi sur le fonctionnement de l’URSS. La routine des cours eut vite fait de le lasser, malgré quelques conférences de haute volée par des personnalités telles que Mikhaïl Souslov ou Jacques Duclos. Il goûtait davantage les repas fins offerts par Doumeng lors de ses venues au « pays du socialisme réel », ou servis au restaurant privé du CC du PCUS où Roland Leroy* et Gaston Plissonnier* l’avaient invité à une réception. Il ne tarda pas à découcher de l’hôtel réservé pour s’installer au domicile d’une interprète ; à son départ d’URSS, elle était enceinte de lui et donna naissance à un garçon qui vécut en URSS. En rentrant à Toulouse, il divorça, s’occupa désormais de ses enfants français selon le rythme des visites de week-ends et de vacances.

Rétrospectivement, il avouait ses deux objectifs : « faire sortir son parti de la régression […] et pour cela en prendre la direction ». Au niveau local, il contrôlait déjà le Comité de ville toulousain, véritable « fédération dans la fédération » à partir de 1972. Il s’employa ensuite à affaiblir Jean Llante, un Catalan d’origine, ancien membre du comité central, qui tenait fermement la Fédération de Haute-Garonne. Il parvint à ses fins en jouant sur le renouvellement des générations, mais en mettant en avant pour le poste de premier secrétaire fédéral un ouvrier qu’il présentait comme un prête-nom, Robert Boules*, étant lui-même dépourvu, selon Llabrès, de cette qualité professionnelle indispensable à une promotion rapide dans la hiérarchie – il était dessinateur, fonctionnaire au ministère de l’Équipement. Ainsi se contenta-t-il dans un premier temps de tirer les ficelles. Cela se passait à la conférence fédérale de 1972, où il fut soutenu par Roland Leroy* qui représentait sur place la direction nationale. En 1976, exit l’ouvrier de service, il occupa lui-même le poste convoité.

Dans la foulée, il fut présenté aux élections générales par son parti, dans le sillage de Jean-Baptiste Doumeng qui avait réussi l’opération pour son propre compte en 1970, et qu’il s’agissait probablement de contrôler en plaçant un homme de confiance de la direction du parti au conseil général. Il fut élu dans la 6e circonscription, le quartier des Minimes au centre de Toulouse, aux élections de 1973, « à la hussarde » écrivait-il, en refusant de se désister pour un socialiste qui l’avait précédé au premier tour, et en le contraignant au contraire à lui rendre ce service. Il fut réélu à l’élection suivante, en 1976, et continua sa montée vers les sommets en décrochant le titre de vice-président du conseil général. Mais en 1982, un nouveau candidat socialiste eut raison de sa carrière de politicien local, après qu’il ait, disait-il, fait « mollement campagne ».

Avec désormais une fédération à sa main, l’ambitieux et bouillonnant jeune dirigeant multipliait les initiatives et plaçait selon sa volonté des militants aux postes qui lui convenaient. Mais son objectif principal restait la conquête du PCF. Étape importante, il fut élu au comité central en février 1976, au XXIIe congrès, celui qui décida l’abandon du concept de dictature du prolétariat. Arrivé là, il s’étonna de découvrir que les dépenses du parti ne seraient couvertes qu’à hauteur de 20 % par de l’argent « propre », le reste provenant de commissions drainées par des bureaux d’études. Quand il devint un opposant déclaré, il fut en 1996 appelé à témoigner dans le procès Gifco, où Robert Hue, alors secrétaire général, était impliqué, et il dévoila le système par une tribune libre publiée dans Le Monde et un entretien dans Libération, déclenchant une polémique acerbe avec le journal de son ancien parti, l’Humanité.

Il subit un échec aux élections législatives de 1978, où il se présentait dans une des circonscriptions de sa ville. En 1981, son département bien en mains, il anima en région toulousaine la campagne présidentielle en faveur de Georges Marchais, sans trop de conviction, à le lire, car l’homme ne lui plaisait qu’à moitié. Son ami et adversaire politique radical de gauche, le patron de presse Jean-Michel Baylet, l’aurait prévenu de la débâcle qui se préparait, et qu’il n’avait pas anticipée. En 1982, sa fédération fut à l’honneur au 24e congrès, son département étant l’un des seuls où le PCF ne faiblissait pas face au PS, et certains s’attendaient à voir le Toulousain entrer au bureau politique. On lui demanda même de fournir l’unique délégué critique qui viendrait s’exprimer à la tribune nationale.

Dans le courant de la même année, il fut appelé à Paris pour animer la Section des Intellectuels et de la Culture avec Guy Hermier puis, après le suicide de Jean Colpin, membre du bureau politique (qui souleva pas mal d’émotion et de questions). D’abord logé par la parti à Ivry-sur-Seine, il fut relogé en 1985 dans un appartement de la place des Fêtes, dans le 19e arrondissement de Paris. Il s’était marié en juillet 1980, à Toulouse, avec Sylviane Ainardi, emembre du comité central. Ils divorcèrent en septembre 1985.

Son rôle à la section consistait, d’après ses dires, à entourer Georges Marchais, dont l’inculture posait problème, d’une équipe d’artistes et d’intellectuels du calibre de Picasso ou Aragon côtoyant jadis Thorez. Ainsi entra-t-il en relation avec Henri Lefebvre, Ettore Scola, Stello Lorenzi *ou Antoine Vitez*. Il avait aussi à contrôler la revue Révolution, qui publiait l’avis du parti sur les grandes questions culturelles d’actualité.

Il se forgea dans cette période une piètre opinion de « la médiocrité des membres du bureau politique », qu’il désignait par l’expression de « club des propriétaires du Parti ». Leurs « petites guerres pour le pouvoir, les coteries autour du secrétaire général l’attristaient terriblement », écrivait-il. Il décriait pareillement la « poltronnerie ambiante » parmi les fonctionnaires du Colonel Fabien, la plupart salariés comme lui par des entreprises extérieures.

Commença alors pour ce rebelle l’inéluctable glissement vers la contestation interne, puis externe. Les premières déchirures se produisirent en 1984. Il essaya d’abord de biaiser. Lorsqu’au CC qui suivit le désastre des élections européennes, un Claude Poperen* « livide », assisté de Guy Hermier, lui demanda en pleine nuit de venir les rejoindre au siège pour l’aider à récrire son rapport du lendemain que Marchais avait traité de « torchon capitulard », il s’exécuta, tout en prévenant qu’il ne voterait pas la nouvelle version exigée par le secrétaire général. À la réunion du lendemain, lui et quelques autres téméraires demandèrent un vote, que Marchais balaya d’un refus, et le CC se tut. De ce jour, il commença à être considéré comme un des chefs de file, avec Pierre Juquin*, du courant « rénovateur », qualifié de « liquidateur » par les partisans du secrétaire général. Il y eut ensuite un débat avec Antoine Vitez au Festival d’Avignon, où il comprit, outré, qu’il était assimilé avec les autres permanents du parti à la catégorie des fonctionnaires dans le rang. À l’inverse, en pleine session du CC, en novembre 1985, alors qu’il intervenait à la tribune, un cadre d’origine ouvrière lui asséna qu’il « se foutait des travailleurs ». En mars 1986, lui et quatre autres membres du CC qui renâclaient de même, Claude Poperen, Pierre Juquin, Marcel Rigout* et Félix Damette, s’abstinrent lors du vote du rapport de Paul Laurent, puis de la résolution qui désapprouvait l’attitude de Pierre Juquin (lequel vota contre), une marque d’opposition notoire par entorse à la sacro-sainte règle de l’unanimité. Pour enfoncer le clou, il répondit en janvier aux questions d’un journaliste du Monde, le grand quotidien de la gauche non communiste. Mais la coupe déborda pour lui quand il fut empêché de participer à la garde d’honneur autour du cercueil de Jean-Baptiste Doumeng, son « tonton » décédé en avril 1987. En fait, il n’appliqua sa décision de rompre qu’au moment de la désignation des candidats en vue des élections présidentielles suivantes, celles d’avril 1988. Quand la Conférence nationale de juin 1987 se prononça pour celle d’André Lajoinie, il contesta son mode de désignation, décidé par le seul secrétariat, et démissionna du CC en septembre, trois mois après Pierre Juquin.

Celui-ci, toujours quelques pas en avance sur lui, se déclara « candidat de rénovation » en octobre 1987, soutenu par son courant qui se structurait alors en Mouvement des Rénovateurs communistes (MRC), avec notamment le soutien du PSU (Parti socialiste unifié) et de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire). Claude Llabres devint le « coordinateur national » du Mouvement. Cela équivalait à une démission du PCF, sa cellule vota logiquement son exclusion fin 1987, et il rejoignit alors Toulouse. En conséquence, sa belle-fille fut chassée de son poste de standardiste au siège toulousain du PCF. Lui-même vécut une période de chômage, puis il fut embauché dans la petite entreprise de distribution alimentaire de sa nouvelle compagne, toujours désignée comme « la Flamande ». Beaucoup des camarades qu’il estimait, à la rédaction de Révolution par exemple, quittaient aussi le parti, une hémorragie qui avait déjà commencé depuis plusieurs années, quand Marchais s’était prononcé en faveur de l’intervention soviétique en Afghanistan au tout début de l’année 1980.

Claude Llabres jugea la campagne de Pierre Juquin calamiteuse, bien qu’il en fût un des principaux animateurs, et les résultats lui donnèrent raison. Ce fut, d’après lui, une « erreur de casting ». Il trouvait le chef des réformateurs trop avide de médias, trop « ramasse-miettes » de toutes les idées écologistes, gauchistes, féministes à la mode, « pas producteur d’idées, ni chef politique ». En somme, il se serait sans doute mieux vu à la place d’honneur, et réciproquement, le candidat malheureux ne lui accorda qu’un rôle de comparse quand il rédigea ses propres mémoires. Mais après l’échec électoral, Llabres prit la place de Juquin à la tête du MRC, obtint quelques succès aux élections municipales de mars 1989, mais sa conduite de la liste des dissidents du PCF aux élections européennes de juin 1989, après le rejet par les nouveaux contestataires « reconstructeurs » du PCF d’un rapprochement des deux mouvances, se solda par un désastre, avec le score dérisoire de 0,4 % (Juquin avait fait 2,1 % l’année précédente). Épousant à son tour les concepts à la mode du temps, il se présentait comme « un Catalan d’Europe ».

Il cessa alors de courir les chapelles gauchistes ou réformatrices, et décida que la vision « classiste », ouvriériste, du marxisme et du léninisme avait vécu, en réussissant à se faire mettre en minorité du groupuscule réformateur qui se réunit en congrès à Clichy fin 1989. Pour lui, le communisme, c’était fini, il n’y avait plus qu’à le « laisser mourir ».

Il mit deux ans, écrivit-il, à « faire son travail de deuil ». Cependant, comme nombre de transfuges du PS, il lorgna du côté du PS. Il avait apprécié Alain Savary*, lorsqu’il fut tête de liste de la gauche aux municipales à Toulouse en 1977 ; il prit contact avec Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Lionel Jospin, s’entendit avec Bernard Kouchner ; il participa à l’université d’été du PS à l’invitation de Michel Rocard* ; et il fit aussi une incursion en Italie, où il se sentait proche d’Achille Occhetto, celui qui réussit à reconvertir le PCI en Parti des démocrates de gauche, avec qui il partagea quelques tribunes de colloques. Mais fut-il déçu par l’absence de propositions ou de perspectives qu’il aurait jugé dignes de lui ? Il se reconnaissait lui-même comme « progressiste », certes, mais aussi et peut-être surtout « llabressiste ».

Ses ambitions politiques n’étaient pas mortes en effet. Très sincèrement attaché à sa ville de Toulouse dont il était conseiller municipal depuis 1981, exclu du groupe communiste en 1987, il se rapprocha du maire centriste Dominique Baudis jusqu’à en devenir le conseiller culturel en 1995, une forme de ralliement qui ne manqua pas de jeter un trouble certain sur les bords de la Garonne et au-delà. D’après lui, ils « se vouaient une amitié et un respect réciproques, tout en se méfiant cordialement l’un de l’autre ». Claude Llabres fut ainsi le créateur du festival « Garonne », cette grande fête musicale et culturelle qui prit ensuite le nom de « Rio Loco », et l’organisateur de la première université d’été de la ville de Toulouse, en septembre 1995. Avec son nouveau tête de file, les relations restèrent ambivalentes. Il estimait que le futur président du CSA manquait « d’ambition, de mégalomanie », ce qui l’amenait à gérer sa ville « comme une PME », et expliquerait le plafonnement de sa carrière politique. Il n’en devint pas moins un de ses adjoints, chargé de la culture, et bien décidé à apporter, lui, ce « grain de folie, la marque des géants en politique », dont l’édile lui semblait dépourvu. Il se réjouit aussi que sa fonction lui ait permis de procéder au remariage de son père, veuf octogénaire, avec une jeune Ukrainienne de quarante-six ans. Cependant, il ne prolongea pas son expérience de conseiller municipal après le départ de Baudis au bénéfice de Philippe Douste-Blazy, qu’il ne se cachait pas de « ne pas supporter ».

Dans ces mêmes années 1990, il se lança dans l’écriture, avec à son actif une demi-douzaine d’ouvrages consacrés à l’art ou l’histoire de sa ville, et à sa propre expérience, y compris son autobiographie politique intitulée Les Tribulations d’un iconoclaste sur la planète rouge. Si lui-même n’y exprimait guère d’estime à l’égard de la plupart de ses ex-camarades de parti, beaucoup de ceux-ci, à Toulouse, lui gardaient rancœur pour ses méthodes de management politique dans le département. On l’accusa notamment d’avoir vidé un certain nombre de sections périphériques de leur encadrement pour se constituer un groupe d’affidés dans la capitale régionale. Responsable d’une fédération importante, ses manières volontaristes et autoritaires, puis sa position d’opposant aux instances centrales, ont évidemment aggravé le trouble et les déboires, au plan local, d’un parti touché par le déclin puis par la débâcle. La fédération était tombée à 3000 adhérents lors de son exclusion, alors qu’elle avait fleuri à 10 000 au zénith de son secrétariat, en 1978. L’indifférence à l’égard de la classe ouvrière qu’il revendiquait après son glissement hors marxisme, son compagnonnage avec une équipe municipale de droite, contribuèrent encore à dégrader son image.

En 2008, lorsque Jacques Attali présenta une proposition de réforme administrative du territoire français qui supprimerait les départements, il exprima son approbation dans le journal Libération, dans le style pamphlétaire qu’il affectionnait.

Jusque dans les années 1990, mais surtout en 1987 et en 1989, les années de ses basculements politiques, des journaux tels que Libération ou Le Monde publièrent des tribunes ou des entretiens où il polémiquait avec son parti puis ex-parti. En 2008 encore, lorsque Jacques Attali présenta une proposition de réforme administrative du territoire français qui supprimerait les départements, il exprima son approbation dans le journal Libération, dans le style pamphlétaire qu’il affectionnait.

Remarié en décembre 2003 avec Christine Tillié, cet homme qui écrivait éprouver une « peur panique de la maladie et de la mort » fut successivement atteint d’un accident cardiaque et d’un cancer au début des années 2000. Il tira un livre de sa douloureuse expérience hospitalière. La maladie le minait encore au début des années 2010. Bien qu’il prétendait ne retirer ni haine ni regret de son long engagement au parti communiste, il en traçait cependant, en paraphrasant Marchais, « un bilan globalement négatif », et il semblait devenu amer avec l’âge, refusant de porter témoignage pour la présente notice biographique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140107, notice LLABRES Claude, Albert par Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 5 avril 2012, dernière modification le 12 juin 2018.

Par Marc Giovaninetti

Claude Llabres
Claude Llabres

ŒUVRE : Préface de Toulouse, les communistes, le changement, Comité du PCF, 1977. — Toulouse mon amour, Ed. Loubatières, Portet-sur-Garonne, 1993. — Préface de Louis Destrem, Toulouse en noir et blanc. Les années de guerre 1939-1945, Milan, 1994. — Autobiographie, Les Tribulations d’un iconoclaste sur la planète rouge, Calmann-Lévy, 1994. — À la découverte des lacs de rêve, Pyrénées magazine, 1999. — Textes de Festins croisés, peintures de Bernard Cadène, Claude Llabres, 1999. — La Dépêche du Midi et René Bousquet. Un demi-siècle de silence, Fayard, 2001. — L’homme allongé, Aubéron, 2005. — Avec Simon Maurency, Les Secrets du Capitole. Toulouse de Pierre Baudis à Jean-Luc Moudenc, Vent terral, Valence d’Albigeois, 2007.

SOURCES : Son livre autobiographique. — Révolution, 1981-1987. — Arch. comité national du PCF. — Libération : 19 août 1995, « Claude Llabres nommé conseiller particulier de Dominique Baudis » ; 17 octobre 1996, « ‘‘Nous blanchissions l’argent récolté’’. Ancien du PCF, Claude Llabres explique le financement du parti auprès des entreprises », entretien avec Karl Laske ; site Libétoulouse, 22 janvier 2008, « Supprimer les départements ? Oui, sans hésitation ». — Le Monde, 15 janvier 1987, Olivier Biffaud, « La ‘’sainte alliance’’ » ; 2 avril 1996, tribune libre. — L’Humanité, 1er novembre 1996, droit de réponse. — Intramuros hebdo, journal toulousain, n° 302, 29 juin 2006. — Michel Dreyfus, PCF, crises et dissidences, Ed. complexe, 1990. — Pierre Juquin, De battre mon cœur n’a jamais cessé. Mémoires, l’Archipel, 2006. — Étienne Bordes, Des communistes et des étudiants toulousains, 1969-1981, Master 1, Université Toulouse-Le Mirail, 2009. — Notes de Claude Pennetier.

ICONOGRAPHIE : Archives de l’Humanité, B105 (5)

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