GROUT Émile, Lucien

Par Daniel Grason

Né le 14 juin 1920 à Paris (Seine, Xe arr.), mort le 27 octobre 1941 à la prison de Rheinbach (Allemagne) ; ouvrier perceur sur machine ; sympathisant communiste.

Fils de Valentine Deloge, Émile Grout fut légitimé par le mariage de sa mère avec Lucien Grout le 21 août 1920 à la mairie du Xe arr. À l’issue de l’école primaire, il obtint son CEP. Il effectua son apprentissage à partir de 1934 aux Établissements Alsthom 25 rue des Bateliers à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis). De la classe 1940, il ne fut pas mobilisé, Émile Grout habitait chez ses parents 46 rue Lacroix, à Paris (XVIIe arr.).
Émile Grout était sympathisant communiste, le 11 août 1942 l’un de ses collègues d’atelier, André Sigonney, vingt ans, l’informa de l’organisation d’une manifestation le 13 août à proximité du métro Havre-Caumartin pour protester contre la présence des troupes allemandes. Il l’invita à y participer, Émile Grout accepta. Connaissant les idées d’André Sigonney, il comprit que la manifestation était organisée par des communistes.
Ils y allèrent ensemble par le métro jusqu’à la station Saint-Lazare. Vers 18 heures 15, De là, ils empruntèrent le boulevard Haussmann pour rejoindre le lieu de rendez-vous fixé à Havre-Caumartin. Tous les deux furent interpellés par des policiers à la hauteur de la rue Glück ; dix-sept jeunes furent arrêtés dont une jeune fille, Odette Lecland, future Odette Nilès.
Son père adressa le 20 août une lettre au préfet de police, il se présenta ainsi : « Lucien Grout, ouvrier d’usine, […] Chevalier de la Légion d’Honneur, médaillé militaire, titulaire de onze citations pour faits d’armes, cinq blessures de guerre ». Il assurait être : « surpris » par son arrestation « mon fils ne fait partie d’aucune association politique.
Je fais appel à toute votre clémence pour que mon fils actuellement détenu au Dépôt, me soit rendu le plus tôt possible. Je vous garantis qu’il ne se trouvera plus dans quelque bande de manifestants.
Confiant en votre bonté pour les travailleurs, je suis certain que ma demande recevra un accueil favorable et je vous prie d’agréer, avec ma plus vivre reconnaissance, l’hommage de mon profond respect. »
Il joignait à sa lettre un certificat du directeur de l’Alsthom qui certifiait qu’Émile Grout ancien apprenti de la société : « a toujours travaillé régulièrement et sa conduite n’a jamais fait l’objet d’aucune observation ni d’aucune remarque défavorable dans nos Ateliers. »
Des inspecteurs des Brigades spéciales interrogèrent Émile Grout pour connaître son degré d’implication dans les Jeunesses communistes. Ils adressèrent ensuite la procédure et les scellés au conseiller Karl Boemelburg commandant SS-Sturmbannführer qui dirigeait la SIPO et la Gestapo sur le territoire français. Il fut incarcéré au Cherche-Midi, Paris VIe arr., prison administrée par les allemands. Le 23 août Émile Grout comparaissait devant une cour martiale allemande siégeant rue Saint-Dominique, Paris VIIe arr., il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité, ainsi que Marcel Ancelin, Daniel Chandon, Rémy Toutin ; Désiré Bertieau fut lui aussi condamné aux travaux forcés à perpétuité, mais par défaut car il était parvenu à s’enfuir le 14 août alors qu’il était détenu au Dépôt.
Il y eut trois condamnations à mort, Raymond Justice, Jean-Louis Rapinat et André Sigonney, qui furent fusillés le 26 août 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine).
Les neuf autres jeunes qui avaient été arrêtés furent acquittés, mais internés administrativement. Parmi ces derniers Simon Bronsztein fut fusillé le 23 avril 1942 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) comme otage et le FTP François Marais fut fusillé le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien.
Le 22 septembre 1941 un train quitta la gare de l’Est à destination de l’Allemagne, Émile Grout fut emprisonné la prison de Karlsruhe, puis à celle de Rheinbach, il y mourut le 27 octobre 1941. La préfecture de police écrivit le 15 novembre 1941 au commissaire de police du quartier des Épinettes, XVIIe arr., lui demandant de prévenir la famille de la condamnation de leur fils.
Son père, Lucien Grout déposa plainte le 7 avril 1945, il déclara qu’il rendit visite à son fils pendant sa détention. Celui-ci lui confia que les inspecteurs chargés de son interrogatoire le frappèrent. Une enquête administrative fut ouverte en 1955 pour l’attribution à titre posthume de la carte de déporté résistant à Émile Grout. Il était écrit : « Il est décédé à l’infirmerie [de Rheinbach] à la suite d’une brève maladie due aux mauvais traitements dont il a été l’objet ».
Émile Grout repose dans le carré de corps restitués du cimetière de Thiais (Seine, Val-de-Marne), carré 17. Il a été homologué Déporté interné résistant (DIR). Son nom orthographié Groult figurait sur la liste des déportés et fusillés de l’entreprise Alstom-Savoisienne dans l’ouvrage Mémoires d’usine, mémoire d’avenir, publié par le comité d’établissement en 1985.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140112, notice GROUT Émile, Lucien par Daniel Grason, version mise en ligne le 1er avril 2012, dernière modification le 20 juin 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. KB 64, 77W 1729. — Bureau Résistance GR 16 P 272648. — Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. — Site Internet GenWeb. — État civil de Paris (Xe arr.).

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