MAGNANT Michel, Auguste

Par Frédéric Dabouis

Né le 30 juin 1914 à Tillou (Deux-Sèvres), mort le 21 décembre 1997 à Cugand (Vendée) ; instituteur dans le Maine-et-Loire ; militant syndicaliste, animateur de la tendance « École Émancipée ».

Fils d’un agriculteur (son père, propriétaire, exploitait quelques hectares avant la Première Guerre mondiale), aîné de sept enfants, Michel Magnant, issu d’un milieu social modeste, d’une famille républicaine plutôt anticléricale, refusa de faire sa communion à 10-11 ans. Ses parents, baptisés comme lui, n’avaient pas de pratique religieuse et furent enterrés civilement. Son père, devenu entre les deux guerres receveur-buraliste (emploi réservé aux pensionnés de guerre) dans différentes localités des Deux-Sèvres et de la Vienne, avait adhéré avant la Seconde Guerre mondiale au Parti socialiste SFIO avant de rejoindre le Parti communiste après la résistance, tout en restant adhérent de la Libre Pensée.

Après des études primaires à Tillou, Michel Magnant suivit le cours complémentaire de Chef-Boutonne (chef-lieu de canton des Deux-Sèvres), avant d’entrer à l’École normale d’instituteurs d’Angers (Maine-et-Loire), promotion 1932-1935. Déjà antimilitariste, il refusa la préparation militaire supérieure, et en 1935 adhéra avec d’autres normaliens aux Étudiants socialistes SFIO, ce qui leur valut des remontrances du directeur. La même année, à la suite de réunions organisées pour les normaliens par la Fédération Unitaire de l’Enseignement et le Syndicat national (CGT), il opta pour la FUE, représentée en Maine-et-Loire par Louis Bouët, Maurice Poperen et Henri Dufour.

En 1935-1937, il fit ses deux années de service militaire à Fontainebleau, où il reçut clandestinement la revue L’École Émancipée (un café servait de boîte aux lettres) et le “sou du soldat”. Il fut alors fiché comme « mauvais esprit à surveiller », mention figurant à l’encre rouge sur son livret militaire. Pourquoi cette grave mention ? Vraisemblablement due à la volonté d’un gradé d’active, influent, qui, selon Michel Magnant, confondait vengeance, malveillance et responsabilité. Toujours est-il que durant sa mobilisation pendant la guerre, son courrier (et de son épouse) fut entièrement censuré. La censure put se rendre compte ainsi qu’il était un « mauvais esprit », dangereux, puisque dans l’une de ses lettres adressée à sa femme, il écrivait : « S’il m’arrive malheur, je ne veux qu’en aucun cas mon nom figure sur un monument, où sera obligatoirement inscrit “Mort pour la France”, et de surcroît béni par un curé ».

Il ne participa donc pas en 1936 au processus de réunification syndicale, et se borna, à son retour du service, à assister aux réunions syndicales. Instituteur à Varennes-sur-Loire (Maine-et-Loire), il se maria en juillet 1938 à Saint-Varent (Deux-Sèvres), avec une institutrice dans cette commune, fille d’un menuisier. Ils obtinrent un poste double au Coudray-Macouard (Maine-et-Loire). En 1938, il participa avec Louis Bouët à une manifestation des Combattants de la paix à Saumur, à l’occasion de laquelle des journaux fascistes furent brûlés, ce qui lui valut d’être à nouveau fiché par la police.

Mobilisé, il passa la “drôle de guerre” à Bitche (Moselle) où il constata le pillage de villages français par des soldats français stationnés là auparavant. Fait prisonnier, il resta un an entre Berlin et la frontière polonaise dans le froid et l’attente des colis. Plutôt sportif, il supporta les travaux de force auxquels il fut soumis. Libéré en 1941 (le maire de Civray, résistant, avait déclaré qu’il était “soutien de famille”), il rentra au Coudray-Macouard, où depuis deux ans sa femme assurait seule l’enseignement auprès d’une cinquantaine d’enfants. En “congé de captivité”, il dut pointer tous les mois à la Kommandantur, et prépara un éventuel passage à la clandestinité. Grâce à des fêtes qu’il organisait, il put faire envoyer des colis à ses anciens camarades prisonniers en Allemagne.

Après la Libération, il créa dans la même commune une “Caisse de soutien des écoles” pour permettre, entre autres aux enfants de l’école publique, d’avoir une cantine (jusque là, une partie des enfants allait déjeuner chez les religieuses, les autres mangeant dans l’école autour du poêle). Ce fut le début d’une intense activité laïque qui le mena à la création d’un Cartel saumurois d’action laïque, à la préparation et participation active aux nombreuses manifestations de défense laïque d’ordre départemental, régional, national. Tout naturellement, il assuma à sa retraite la présidence des Délégués départementaux de l’Éducation Nationale du Saumurois dans les années 1970-1990, ainsi qu’à la vice-présidence départementale pendant quelques années.

Élu École Émancipée au conseil syndical du SNI-49 de 1946 à 1958, il y siégea ensuite comme élu du personnel à la commission administrative paritaire départementale, jusqu’à son départ en retraite en 1969. Il fut alors avec Raymond Maucour et Gérard Roux l’un des piliers du groupe départemental de l’École Émancipée, intervenant régulièrement aux assemblées générales départementales, rédigeant plusieurs tribunes libres de l’École Émancipée pour le bulletin du SNI 49 (contre la guerre coloniale en Algérie, contre les interventions franco-anglaise à Suez et soviétique en Hongrie), mais aussi des comptes rendus des congrès nationaux du SNI auxquels il a participé à plusieurs reprises comme délégué de l’ÉÉ (Pau en 1953, Bordeaux en 1955, Grenoble en 1956, Lille en 1964, Evian en 1966, Nice en 1969). Il resta toujours en relation avec les militants exemplaires que furent Gabrielle et Louis Bouët, ainsi qu’avec son ami Maurice Poperen. Ces trois militants ont d’ailleurs beaucoup contribué à sa “formation syndicale”.

Candidat sur la liste pour l’élection du bureau national du Syndicat national des instituteurs en onzième position, il ne fut pas élu lors de la réunion du conseil national, le 6 janvier 1956. À nouveau candidat sur la même liste en sixième position, il connut le même sort lors de la réunion du conseil national, le 12 décembre 1957. Dans le Maine-et-Loire, membre du conseil syndical de la section départementale du SNI, il fut élu à la commission administrative paritaire départementale en 1958. A nouveau candidat au bureau national sur la liste « Pour un syndicalisme de combat et d’efficacité par les Amis de L’École émancipée », en seizième position, il fut battu le 26 décembre 1959. Le 22 décembre 1961, il fut candidat au bureau national en dernière position sur la liste « Pour un syndicalisme révolutionnaire. Programme des Amis de L’École émancipée » conduite par Paul Duthel.

Principale figure du SNI à Saumur en mai 1968, il fut choisi par les syndicats ouvriers locaux pour être le coordonnateur de l’intersyndicale CGT-CFDT-SNI, qui organisait chaque jour des défilés silencieux. Il présida ainsi la grande réunion au théâtre de Saumur, alors réquisitionné par les grévistes, et marcha en tête du cortège qui parcourut les rues de la ville, aux côtés de Gabrielle Bouët. Il fut alors considéré par les autorités comme le “chef” des grévistes, et le commissaire de police put même déclarer un jour lui “confier la place de Saumur”. Il termina sa carrière comme directeur de l’école des Recollets à Saumur.

Mis à part son bref passage aux Étudiants socialistes en 1935, Magnant n’appartint à aucun parti politique. En revanche, il milita pendant plus de quarante ans à la Libre Pensée en présidant la section de Saumur. Il présida aussi le conseil d’administration de la maison de retraite de Saint-Georges-des-Sept-Voies (Maine-et-Loire) pendant plusieurs années. Il quitta la LP en 1993 à la suite à des désaccords avec les nouveaux responsables départementaux proches du Parti des Travailleurs, notamment sur le problème de l’indépendance syndicale et libre-penseuse face aux partis politiques, indépendance à laquelle, toute sa vie, il était fortement attaché.

La même année, il intervint encore au congrès local de scission du SNI-FEN, et rejoignit le SNUipp-FSU, dont il était toujours membre en 1997.

Michel Magnant mourut à la maison de retraite La Chimotaie de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140156, notice MAGNANT Michel, Auguste par Frédéric Dabouis, version mise en ligne le 3 avril 2012, dernière modification le 30 avril 2021.

Par Frédéric Dabouis

SOURCES : Bulletins de la section du Maine-et-Loire du Syndicat National des Institutrices et Instituteurs Publics de France et de l’Union Française et de la section du Maine-et-Loire de la Fédération de l’Éducation Nationale (1950-1970). — Entretiens avec Michel Magnant (14 février et 24 juillet 1997). — Notes de Jacques Girault.

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