MARCHAND Jacqueline, Lise

Par Alain Dalançon, Laurent Frajerman

Née le 16 février 1910 à Paris (XVe arr.), morte le 30 décembre 1985 à Paris (VIIe arr.) ; professeure agrégée des lettres ; militante anti-fasciste et syndicaliste du Loiret puis de la région parisienne ; Résistante ; militante du SNES, secrétaire générale de la FEN-CGT de 1948 à 1954 ; secrétaire de l’Union rationaliste.

J. Marchand à la tribune du congrès FEN-CGT de 1953
J. Marchand à la tribune du congrès FEN-CGT de 1953
(Marcel Bonin*, préside)
(Arch. IRHSES)

Fille de Ludovic Marchand (1870-1932], professeur, militant socialiste et franc-maçon, Jacqueline Marchand fit ses études secondaires au lycée Fénelon de Paris, obtint le baccalauréat (série philosophie) en 1927, fut reçue première au concours d’entrée à l’École normale supérieure de Sèvres en 1929 où elle fut élève jusqu’en 1932, et fut reçue à l’agrégation des lettres en 1932.

Nommée au lycée Jeanne d’Arc à Orléans (Loiret), elle y demeura de 1932 à 1936. Ayant immédiatement adhéré à la Section des professeurs de la Fédération unitaire de l’enseignement, elle fut, avec Borel, secrétaire adjointe du bureau provisoire de la Conférence nationale d’unité du corps enseignant qui siégea le 24 décembre 1933. L’année suivante, elle présida le congrès des comités de lutte contre le fascisme et la guerre du Loiret, puis en 1938, présida le comité Paix et Liberté du même département tout en militant dans l’Union internationale des femmes pour la paix et la liberté et contre la guerre d’Espagne au Rassemblement pour la Paix universelle. Elle participait également à de nombreuses réunions de L’Antifasciste orléanais, petite feuille mal composée, mais bien diffusée, qui fit une campagne active pour le Front populaire et dura jusqu’à la guerre. Jacqueline Marchand jouait ce rôle de premier plan malgré sa jeunesse, parce qu’elle n’appartenait à aucun parti – ce qui fut une constante de sa vie militante. Pourtant, en juillet 1938, dans un document joint au rapport au bureau politique du Parti communiste pour lutter contre le trotskisme, Maria Rabaté signalait ses désaccords avec le parti.

Nommée à Paris à la rentrée de 1936, elle exerça un an au lycée Molière, puis au lycée Fénelon, de 1937 jusqu’à sa retraite prise en 1970. En 1936, elle devint membre du bureau national du Syndicat des professeurs de lycée de la CGT réunifiée, avant la fusion de ce syndicat dans le nouveau Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire affilié à la Fédération générale de l’enseignement-CGT, créé en décembre 1937.

À partir de 1940, elle fit dans la clandestinité un travail de postage et demeura en contact avec Maurice Janets et Maurice Husson, anciens responsables du SPES du Comité de résistance universitaire, avec ceux de L’Université libre (dont Maurice Cohen), qu’elle retrouva tous à la Libération au Front national universitaire puis dans l’Union française universitaire qui lui succéda en mars 1945. Relevée de ses fonctions le 25 mai 1942, puis placée en disponibilité spéciale le 25 août suivant, pour avoir refusé de lire une circulaire du secrétaire d’État à l’Éducation nationale, elle avait, selon un haut fonctionnaire de ce ministère, « un dossier assez chargé » et ne fut réintégrée au lycée Fénelon que le 1er octobre 1944.

Elle participa alors à la création du SNES, affilié à la CGT par l’intermédiaire de la FGE qui devint Fédération de l’Éducation nationale en mars 1946. Elle entra à sa commission exécutive comme suppléante au congrès d’avril 1945, puis fut élue membre du bureau national, secrétaire corporative de l’enseignement féminin, au congrès suivant d’avril 1946 et suppléante à la commission administrative fédérale. Elle continua de siéger au BN jusqu’en 1948-1949, centrant son activité sur la pédagogie (secrétaire pédagogique adjointe) et surtout sur la laïcité. En parallèle, elle collaborait à l’Humanité.

La scission de la CGT en 1947 aboutit au passage du SNES et de la FEN à l’autonomie ; leurs congrès de mars 1948 furent marqués par l’opposition résolue d’une importante minorité partisane du maintien à la CGT, et l’unité de la FEN ne fut sauvée que par le compromis de la possibilité de la double affiliation individuelle à une confédération. Les membres de la principale minorité purent donc conserver leur adhésion à la CGT, grâce au maintien d’une FEN-CGT, conglomérat de syndicats nationaux de la FEN ayant décidé de rester à la CGT et d’adhérents individuels. Cette pratique de la double affiliation était courante dans le syndicalisme enseignant d’avant-guerre. Jacqueline Marchand fut désignée comme secrétaire générale de cette FEN-CGT naissante sur l’initiative de Paul Delanoue et à ce titre, elle entra aussi à la commission administrative de la CGT. Son élection symbolisait la volonté de nombreux enseignants non-communistes de rester à la CGT. Six années durant, elle s’efforça, non seulement de contribuer à faire vivre sa fédération (direction de son journal L’Action syndicaliste universitaire, nombreuses tournées en province), mais encore d’établir le contact entre les enseignants et les fédérations ouvrières dans les organes syndicaux desquelles elle exposa les problèmes de l’école ; elle devint également experte dans le large domaine de la Fonction publique (reclassement, traitements…). Enfin, elle jouait le rôle habituel d’un membre de la CA de la CGT : interventions dans des congrès régionaux, à l’occasion du 1er mai pour des unions départementales. Elle participa enfin aux congrès de la Fédération internationale des syndicats enseignants (FISE-FSM) à Vienne en 1953 et à Moscou en 1954.

Dans le même temps, Jacqueline Marchand continuait de siéger à la commission administrative du SNES (classique et moderne) autonome, élue de la liste B, et aux commissions pédagogique et laïque, où elle intervenait souvent. Mais elle ne siégeait plus au BN.

Elle fut élue suppléante sur la liste du SNES au Conseil de l’enseignement de second degré en 1950, 1954 et 1958 et fut également présentée aux élections à la commission administrative paritaire nationale des agrégés lors de tous les scrutins de 1948 à 1961, mais sans être élue.

Une des constantes de son engagement militant consistait dans la défense de l’école laïque et la propagande rationaliste. Ainsi, elle participa aux États généraux de la France laïque en 1948 et 1949, présentant même le rapport sur les second et troisième degrés à ceux de 1948.

Elle se battit avec la FEN-CGT contre les conséquences des apparentements électoraux entre la SFIO et le MRP et participa à la fondation du Cartel national d’action laïque (CNAL). Parallèlement, elle anima l’Union rationaliste durant 26 ans, multipliant les conférences en France et à l’étranger, les émissions de radio et les articles, en particulier dans les Cahiers rationalistes et la revue Raison présente.

Mais la FEN-CGT ne progressait guère et oscillait entre une action syndicale plus efficace au sein de la FEN autonome et une action politique (lutte pour la paix), action pouvant en faire une concurrente du PCF. Celui-ci choisit de pousser à la disparition de la double affiliation lors du congrès de décembre 1953 de la FEN-CGT. Ce fut un échec, en particulier du fait de l’opposition de Jacqueline Marchand, qui tenta à plusieurs reprises d’en discuter avec le secrétariat du parti, craignant la ruine des petits syndicats (bibliothécaires, centres de vacances) et l’isolement des syndicats des agents de lycée et des centres d’apprentissage. Ses efforts de conciliation ne réussirent pas à désamorcer le conflit et, en janvier 1954, le bureau politique du PCF interdit aux instituteurs communistes de rester à la FEN-CGT, au mépris de l’indépendance syndicale. Les communistes s’inclinant devant la décision du bureau politique, c’était la mort de la Fédération, que Jacqueline Marchand renonça à diriger. Elle resta membre à titre individuel de la CGT tant qu’il y resta quelques enseignants et reprit sa place au bureau national du SNES jusqu’en 1956.

Elle continua de militer dans les organisations autonomes, à la CA du SNES jusqu’en 1958, ensuite à la CA de la section académique de Paris jusqu’à son départ en retraite en 1970, au titre de la liste B qui devint « Unité et Action ».

Au plan politique, elle avait été proche durant un temps d’Elie Bloncourt qui s’était beaucoup investi pour le maintien de la FEN à la CGT, secrétaire général du Parti socialiste unitaire (1948-1951), et elle adhéra en 1964 au Comité pour la réhabilitation d’André Marty.

Ses dernières occupations portèrent sur l’Union rationaliste, en participant à son secrétariat, en présentant ses tribunes libres à la télévision (FR3), en la représentant au CNAL et en travaillant sur la littérature du XVIIIe siècle, principalement Voltaire, avec une participation à l’édition de ses œuvres complètes par la Voltaire Foundation d’Oxford.

Jacqueline Marchand fut inhumée le 7 janvier 1986 à Saint-Aubin-des-Bois (Eure-et-Loir), près de son père, dans la commune natale de ce dernier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140388, notice MARCHAND Jacqueline, Lise par Alain Dalançon, Laurent Frajerman, version mise en ligne le 20 avril 2012, dernière modification le 24 février 2022.

Par Alain Dalançon, Laurent Frajerman

J. Marchand à la tribune du congrès FEN-CGT de 1953
J. Marchand à la tribune du congrès FEN-CGT de 1953
(Marcel Bonin*, préside)
(Arch. IRHSES)
J. Marchand au micro au congrès de la FEN-CGT de 1951 ;
J. Marchand au micro au congrès de la FEN-CGT de 1951 ;

SOURCES : Fonds Jacqueline Marchand, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (451 J), inventaire en ligne. — Arch. Nat., F17 17820. — Arch. PPo. 304, 30 novembre 1933. — Arch. Ministère de l’Éducation nationale (dossier de retraite conservé à La Baule). — Arch. IRHSES (fonds J. Marchand). — Arch. du RGASPI (Moscou) 517/1/1884. — Le Travailleur, 14 juillet 1934. — L’Antifasciste, juin 1938. — Le Débat communiste, n°23, 15 janvier 1964. — Le Monde, 11 avril 1980, 7 janvier 1986. — Tribune libre de l’Union rationaliste contre le racisme à FR3, du 19 juin 1979, INA.fr. — Biographie de J. Marchand par André Drubay* in Points de Repères, n°2, janvier-février 1990. — G. Cogniot, Parti pris. — DBMOF, notice par Jean Maitron. — Notes de Jacques Girault.

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