MARCHETEAU Jules, René

Par Jacques Cousin, Alain Dalançon

Né le 27 octobre 1911 à Ruillé-Froids-Fonds (Mayenne), mort le 30 juillet 1995 à Laval (Mayenne) ; professeur ; militant du SNES, secrétaire de la section académique de Rennes (1953-1969), membre de la CA nationale (1951-1966) ; secrétaire de la section départementale de la Mayenne de la FEN (1947-1970), membre de la CA nationale ; militant mutualiste en Mayenne.

Sa mère était garde-barrière et son père chef de gare à Longuefuye (Mayenne). Ce dernier revint de la guerre 1914-1918 avec des positions antimilitaristes mais ne milita jamais au niveau syndical, bien qu’adhérent à la Fédération autonome des cheminots.

Jules Marcheteau fréquenta l’école primaire de son village natal jusqu’au certificat d’études primaires puis l’école primaire supérieure de Château-Gontier (Mayenne). Titulaire du baccalauréat, il fut d’abord élève en « khâgne » au lycée de garçons de Rennes (Ille-et-Vilaine) et poursuivit ensuite des études supérieures d’anglais à la Faculté des Lettres de cette ville, tout en étant maître d’internat au lycée Anatole Le Braz de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) de 1931 à 1933. Il commença alors à militer au Syndicat national des maîtres et maîtresses d’internat et siégea au conseil de discipline académique de sa catégorie.

Après un séjour d’un an comme assistant de français à Glasgow (Écosse), Marcheteau revint en France en 1935 comme maître d’internat au lycée de garçons de Rennes et reprit ses responsabilités syndicales. Il épousa le 3 août 1936 à Angers (Maine-et-Loire) Denise Lefèvre, ancienne élève de l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, qui devint professeur d’histoire-géographie à l’École normale d’institutrices de Laval puis, à partir de 1955, au lycée de jeunes filles de cette ville. Elle s’occupa du service éducatif des archives départementales jusqu’à sa retraite en 1963. Le couple résidait d’ailleurs 41, rue des Archives, et eut trois enfants.

Sa licence acquise, Jules Marcheteau obtint son diplôme d’études supérieures ayant pour mémoire principal une étude sur William Morris, poète, socialiste et révolutionnaire anglais de la fin du XIXe siècle. À la rentrée 1937, il fut nommé répétiteur licencié au lycée de Laval, adhéra au tout nouveau Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire (SPES) affilié à la Fédération générale de l’enseignement-CGT et devint délégué pour le second degré de cette fédération dans la Mayenne.

Mobilisé en 1939, il reprit son activité d’enseignant à Laval à la rentrée 1940 comme professeur adjoint d’anglais. Il devint professeur certifié après l’obtention en 1943 du certificat d’aptitude à l’enseignement dans les collèges. Mise à part une année passée au début de sa carrière au collège de Château-Gontier puis en 1965-1966 au lycée de Rennes, il effectua toute sa carrière au lycée de Laval, où il prit sa retraite en 1972.

À la Libération, Marcheteau milita activement dans son département pour le développement du nouveau Syndicat national de l’enseignement secondaire (classique) et de la FGE. Au lendemain du congrès de mars 1946 de la fédération qui se transforma alors en FEN, il participa le 28 mars, comme représentant des enseignants du second degré, à l’assemblée générale convoquée par la section mayennaise du Syndicat national des instituteurs, ayant pour objectif la constitution d’un syndicat départemental, conformément au mandat du congrès fédéral. Le 26 octobre suivant, en présence de Clément Durand, membre du bureau national du SNI, c’est non pas un syndicat départemental qui fut créé, suivant l’orientation défendue par les responsables nationaux « ex-unitaires » (Paul Delanoue et Marcel Bonin) et « École émancipée » (Marcel Valière*), mais une section départementale de la Fédération de l’Education nationale, comme le souhaitaient les « ex-confédérés » de la direction du SNI. Jules Marcheteau en fut élu le secrétaire, confirmé le 12 décembre, après l’adoption des statuts, et y représentait le SNES, qui ne disposait pas encore statutairement de sections départementales. Il devait rester secrétaire de cette section FEN jusqu’en 1970, travaillant de concert avec la section départementale du SNI, dont les responsables partageaient la grande majorité de ses idées politiques et syndicales : Francis Robin* puis Lucien Sosson*. Il entra également à la CA fédérale nationale comme suppléant en 1953.

En 1946, Marcheteau participa par ailleurs à la fondation de la section départementale de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale avec Beaudouin, inspecteur d’académie, Robin, Brémond, Louis Vallée, André Maillard*… et la représenta lors de l’assemblée constitutive tenue à Paris, le 8 décembre. Élu vice-président de la section mayennaise au moment de sa constitution, il en devint le président après l’assemblée générale du 27 avril 1951 et devait le rester jusqu’au 18 octobre 1978.

Jules Marcheteau militait pour un syndicalisme unitaire dans l’Éducation nationale. L’heure était en effet à l’unité dans les années qui suivirent la Libération et toutes les résolutions du congrès national fédéral tenu à Montreuil les 15 et 16 mai 1947 furent adoptées à l’unanimité. Dans le compte rendu qu’il en fit, il écrivait notamment : « la FEN est incontestablement une grande fédération où l’esprit de catégorie disparaît peu à peu pour laisser place à une unité puissante et harmonieuse de tous les enseignants dont le but commun est la réalisation d’une école nationale, sans cloisons, sans privilèges et sans déclassés, capable de remplir son rôle dans la reconstruction de notre pays. » L’atmosphère fut toute différente au congrès national de mars 1948 après la scission de la CGT, et Marcheteau se rallia à la position majoritaire de l’autonomie car c’était selon lui la seule manière de maintenir « une unité aussi complète que possible entre les personnels […] pour défendre avec succès leurs revendications et faire victorieusement front aux attaques de plus en plus vives des adversaires de l’école laïque ». Il participa ainsi, au nom de la section mayennaise de la FEN, aux travaux de la seconde session des États généraux de la France laïque, les 10 et 11 avril 1949, à Paris. Il devint aussi, à partir de la naissance du SNES (classique et moderne) en 1949, secrétaire départemental de son syndicat et membre du secrétariat de la section (S3) de la grande académie de Rennes dirigée depuis 1947 par un « cégétiste », Jean Le Squin* ; en 1953, il remplaça ce dernier comme secrétaire général et devait le rester jusqu’en 1969. En outre, il fut élu membre titulaire de la CA nationale en 1951 sur la liste « A » et devait le rester jusqu’en 1966.

Jules Marcheteau fut donc, durant plus de deux décennies, un des plus importants dirigeants « autonomes » du syndicalisme enseignant dans l’académie de Rennes et dans la Mayenne, cumulant dans ce département peu urbanisé les responsabilités principales dans la FEN, la MGEN et le SNES. Il participa donc à tous les grands événements qui marquèrent la vie syndicale durant cette période. Ainsi, après le 13 mai 1958, fit-il tous ses efforts pour constituer un front uni des organisations syndicales dans un premier comité de liaison regroupant la FEN, le SNI, le Comité départemental d’action laïque, la Fédération des œuvres laïques et les organisations syndicales ouvrières mais il essuya le refus des unions départementales CFTC et CGT-FO pour la signature d’une motion commune. Conformément aux consignes nationales de la FEN et du SNI demandant à leurs sections départementales de participer à toutes les initiatives de groupement, les sections départementales FEN et SNI s’associèrent ensuite à l’initiative prise par l’UD-CGT pour constituer le 28 mai un second comité provisoire regroupant presque toutes les organisations syndicales et les partis politiques (PCF, SFIO, Parti radical, MRP), qui appelait les Mayennais à constituer un comité de défense de la République pour opposer un front solide contre toute menace de prise de pouvoir personnel. La FEN fut cependant la seule à lancer le mot d’ordre de grève le 30 mai ; Jules Marcheteau prit la parole lors du meeting de la Maison du Peuple qui rassembla 500 personnes. Le communiqué, publié à l’issue de la journée, dénonçait toutes les pressions politiques et militaires qui tendaient à imposer un pouvoir personnel et autoritaire et réclamait la formation d’un gouvernement de Front populaire.

Quelques mois plus tard, le congrès départemental de la FEN du 27 octobre 1958, préparatoire au congrès national, approuva largement le rapport moral (173 voix pour, 16 contre) et les majoritaires conservèrent une confortable avance pour le vote d’orientation (127 voix pour les « autonomes », 46 pour la tendance « École émancipée », 13 pour les « ex-cégétistes »). En revanche, sur la question de la guerre d’Algérie, le congrès se divisa et la motion majoritaire en faveur d’une conférence de la Table ronde ne recueillit que 37 voix, contre 75 à la motion EE, 22 à celle des « ex-cégétistes », 40 abstentions et 14 refus de vote. En octobre 1960, Marcheteau et Sosson reprirent l’appel à l’opinion lancé par la FEN et le SNI dans lequel ils affirmaient : « leur volonté de voir enfin entamées de véritables négociations pour qu’une paix durable revienne en Algérie » et se déclaraient « prêts à mettre tout en œuvre pour que soient sauvegardées la démocratie et les libertés fondamentales ». Les congrès départementaux de la FEN suivants inversèrent le résultat de 1958. Ainsi, au congrès préparatoire au congrès national de 1962, 187 voix se portèrent en faveur de la motion majoritaire, 31 pour celle des « ex-cégétistes », 27 pour celle de l’EE, et 20 abstentions.

Dans le SNES, Jules Marcheteau acquit rapidement une solide réputation dans l’académie pour ses interventions dans les affaires personnelles (carrières, mutations). Cependant d’année en année, la majorité « autonome » était en recul dans le S3 de Rennes lors des votes à la CA nationale et ne conservait la majorité que grâce au soutien de l’École émancipée, dont le leader, Louis Bocquet, était secrétaire départemental des Côtes-du-Nord. Dans cette académie, réduite à cinq départements en 1962, Marcheteau était principalement connu dans la Mayenne qui ne comptait en 1964 que 104 syndiqués sur les 1600 de l’académie. Il fut donc amené à être muté administrativement à Rennes en 1965-1966.

Il avait activé le processus de fusion entre le SNES et le Syndicat national de l’enseignement technique, qui suscita d’abord bien des méfiances mais qui apparaissait inéluctable en raison de la fusion de la gestion des personnels, si bien que le référendum du 12 mars 1966 donna une très forte majorité dans le SNES en faveur de cette fusion (1 620 pour, 40 contre). Dans les mois qui suivirent la création du nouveau syndicat au congrès de Pâques 1966, la mise en place des nouvelles structures ne fit pas de difficultés avec les militants de l’ex-SNET, Clarin devenant co-secrétaire général. Mais en 1967, lors des premières élections à la CA nationale au collège unique du nouveau SNES, la liste « Unité et Action » devança largement ses concurrentes (823 voix) : les listes « autonome » (586 voix) et EE (382 voix). Ce résultat fut confirmé lors des élections à la CA académique et Jules Marcheteau ne conserva sa responsabilité de secrétaire du S3 que grâce au soutien des élus de la liste EE qui avait obtenu 32 % des suffrages, alors que la liste U-A conduite par Jean-Yves Jaouen n’avait atteint que la majorité relative avec 45,95 % des voix.

La conduite du syndicat durant mai-juin 1968 ne permit pas de redresser la situation en faveur de l’orientation « autonome ». Jules Marcheteau fut essentiellement présent dans la Mayenne. À Laval, comme partout en France, la manifestation du 13 mai connut un grand succès (2 500 personnes) et fut suivie d’un meeting unitaire à la Maison du Peuple où se constitua un comité de liaison auquel lui et Sosson participèrent à titre individuel. Le 22 mai, la grève commença à être à peu près totale dans l’enseignement ; les écoles normales et le lycée technique furent occupés ; la représentation de la FEN au comité intersyndical s’élargit à Delépine (U-A), Pelé et Warnet (EE). Le 24, à l’issue d’un nouveau meeting, suivi d’une nouvelle manifestation de 4 à 5 000 personnes, Jaffray réclama au nom de la FEN la nationalisation de l’enseignement privé et la création massive de postes. Dans la semaine se succédèrent communiqués, réunions et manifestations à Laval, Mayenne, Château-Gontier. Cependant, le lundi 3 juin se manifestèrent les premiers signes d’essoufflement du mouvement. Jules Marcheteau alerta la direction nationale du SNES en disant qu’il fallait absolument obtenir quelque chose : paiement des journées de grève, créations de postes et abaissement à 15 h des services des non-agrégés. Le 5 juin, après une nouvelle assemblée générale de la section du SNI, le vote final enregistra 409 voix pour la reprise, 355 voix contre. La reprise fut générale dans les écoles le vendredi 7 juin, mais les enseignants des lycées et collèges, soutenus par le SNES, continuèrent la grève jusqu’au 11 juin.

En mars 1969, le rapport d’activité national de la nouvelle majorité U-A du SNES ne fut approuvé dans l’académie que par 50,2 % des voix et le vote à la CA nationale de mai donna une voix de majorité à la liste U-A (912 voix), mais la liste « Indépendance et démocratie » sur laquelle Marcheteau était candidat n’obtenait plus que 314 voix, dépassée par la liste EE (403 voix), à laquelle il fallait ajouter 131 voix pour « Rénovation syndicale » et 53 pour le « Front unique ouvrier ». Aux élections académiques qui suivirent, au début de l’année scolaire 1969-1970, la liste U-A emporta enfin la majorité absolue et put prendre la direction du S3. Jules Marcheteau resta un moment secrétaire de la section départementale du SNES, où il avait conservé une très courte majorité relative et le 21 février 1970, comme il partait en retraite l’année suivante, il démissionna de son poste de secrétaire départemental de la FEN pour laisser la place à Sosson.

Devenu retraité, il continua à militer au SNES et resta jusqu’au début des années 1980, le secrétaire de la section des retraités de la Mayenne. Il continua surtout de militer à la section départementale de la MGEN, dont il abandonna la présidence en 1978. Il avait aussi contribué à la mise en place de la section fédérale de la Mutualité de la Fonction publique dans le département, en permettant que la gestion de la sécurité sociale de tous les fonctionnaires du département puisse se faire dans les locaux de la MGEN et avait participé avec 16 autres mutuelles à la création de l’Union départementale de la Mutualité, le 12 mai 1968.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140410, notice MARCHETEAU Jules, René par Jacques Cousin, Alain Dalançon, version mise en ligne le 23 avril 2012, dernière modification le 28 avril 2021.

Par Jacques Cousin, Alain Dalançon

SOURCES : Arch. Nat., F17 28175. — Arch. Dép. Mayenne : fonds de la section mayennaise du SNI-PEGC, fonds de la section départementale de la FEN, La Voix Syndicale. — Archives privées de Jules Marcheteau. — Arch. IRHSES. — Alain Dalançon, Le SNES (classique, moderne, technique), histoire d’une naissance 1966-1967. — Témoignage de Marcheteau dans les actes du colloque organisé pour l’IRHSES et le SNES, les 16 et 17 mai 1987 à la Bourse du Travail de Saint-Denis, sur la fusion du SNES et du SNET. — Témoignage d’Annie Richelet, fille de Jules Marcheteau. — Notes de Jacques Girault.

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