MLÉKUZ Gérard

Par Gaston Pineau

Né le 1er septembre 1941 à Lens (Pas-de-Calais), mort le 4 novembre 2009 à Lille (Nord) ; instituteur ; militant de Peuple et culture, pionnier de l’éducation permanente.

Le père de Gérard Mlékuz, d’origine serbo-croate, né en Allemagne, était un soldat français démobilisé pour travailler à la mine. Sa mère était française et travailla dès treize ans à la filature. « Mon enfance, ce sont des corons et des jeux dans la rue. J’ai une bonne tête. La soif d’apprendre...Mais comment apprendre quand à la maison n’existent ni livres, ni disques, ni pratiques culturelles ? » (Mlekuz 1990, p. 54). Sa grand-mère paternelle lui apprit l’allemand. Et son grand-père paternel l’emmenait au cinéma. Il y avait aussi la radio, son père et ses oncles qui chaque dimanche l’entraînaient au stade Félix Bollaert, le temple du football lensois… « Au pied de mon berceau, écrit-il, les deux piliers du Nord ouvrier : le charbon et le textile. » ..« Il y a enfin l’école républicaine... Concours d’entrée en sixième. Concours des bourses des Mines. Adieu l’école de la cité 14. Bonjour l’enseignement secondaire. » (Mlekuz 1990, p. 54-55). Un baccalauréat de philosophie en 1960, lui permit de devenir instituteur de 1961 à 1968. Il avait alors vingt ans, en poste à Écrainville (Seine-Maritime). Il épousa Chantal Hurtevent, avec qui il a eu trois enfants. Double poste d’instituteurs remplaçants en pays de Caux, avec secrétariat de mairie et direction d’école.

En 1962, il faisait la découverte de Peuple et Culture (PEC) à Blois, grâce à une université d’été, de ce mouvement d’éducation populaire. Il découvrait Joffre Dumazedier, Bénigno Cacérès, Georges Jean, Frédéric Thébaud. Commençait alors son action à PEC Région Nord-Pas-de-Calais : fondations, en 1964, d’un ciné-club à Lens avec B. Lluch, et en 1965, du groupe PEC de la région de Lens. En 1967, il accédait au grade d’instructeur national, catégorie cinéma. En 1968, il devenait, comme instituteur mis à disposition, le premier animateur permanent de PEC de la région Nord, avec le titre de délégué régional. En bon praticien de l’alternance, il avait obtenu de préparer en 1965-1967 le premier diplôme des métiers de l’animation : le diplôme d’État de Conseiller d’éducation populaire (DECEP).

En 1969, il fit une seconde série de rencontres avec des pionniers fondateurs de la formation des adultes, dans le milieu universitaire cette fois : celle d’André Lebrun directeur d’une institution toute nouvelle, le CUEEP (Centre universitaire d’économie et d’éducation permanente de Lille) et celle de Bertrand Schwartz, créateur du Centre universitaire de coopération économique et sociale (CUCES) de Nancy. En 1971, il quittait PEC et était mis à la disposition du CUEEP de Sallaumines (Pas-de-Calais), comme directeur. S’engageait alors la grande aventure des actions collectives de formation à Sallaumines-où il fut conseiller municipal. En 1979, il devint conseiller en Formation continue au Centre académique de formation continue (CAFOC) de Lille.

En 1990, il put exprimer sa vision de ses premières cinquante années : « Écoute le temps qui marche sur le sable… Ou chronique d’une réconciliation annoncée ». Titre énigmatique et pudique qui laisse transparaître son auto-poïétique secrète, sa créativité personnelle, forgée par sa praxis militante.

En 1992, il était l’un des sept fondateurs, à l’université de Tours, du Groupe de Recherche sur l’Autoformation (GRAF). En 1996, il revint au CUEEP, toujours passionné par la mise en culture de sa région. Il coordonna en 2004-2006 un groupe de travail qui ouvre le chantier de « L’histoire et de la mémoire de la formation permanente en Nord-Pas-de-Calais pour la période 1945-2000. ». Il devint correspondant régional du Groupe d’Études sur l’Histoire de la Formation des Adultes (GEHFA). Il fit également partie du groupe de collaboration de la collection « Histoire de vie et formation » des éditions L’Harmattan. Et il contribua à lancer les négociations avec l’UNESCO pour faire reconnaître le bassin minier comme patrimoine mondial.

Il fut une grande figure nordique de la formation continue et de l’éducation populaire de la fin du XXe et début du XXIe siècle. Pendant plus d’un demi-siècle, il a lutté aux frontières des organisations politiques et académiques pour ouvrir la culture, non seulement à tous les âges et à tous les secteurs de la vie, mais aussi à toutes les classes sociales. Cette amorce se prolonge et se travaille actuellement par de nombreux chantiers. En 1996, il souhaitait déjà que Lille et toute sa région deviennent à l’autoformation ce qu’Avignon est au théâtre. Et il donnait « rendez-vous en 2015 à Lille pour le premier festival de l’autoformation »(1996, p. 11). En 2012, une journée a été consacrée à relever ses traces et un ouvrage sur lui était en préparation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140526, notice MLÉKUZ Gérard par Gaston Pineau, version mise en ligne le 8 mai 2012, dernière modification le 23 avril 2021.

Par Gaston Pineau

ŒUVRE : Gérard Mlékuz, « Un paysage éducatif en mutation ? », Contradictions, no 36-37, 1983. — « Le Bourgmestre et les enfants de la crise », Pour, no 98, 1984, p.65-71. — « Écoute le temps qui marche sur le sable… Ou chronique d’une réconciliation annoncée. » Perspectives documentaires en éducation, no 21,1990, p. 53-86. — « Colloque, mode d’emploi », Les Cahiers d’Études du CUEEP, no 32-33,1996, p. 7-11. — Le seul métier durable du vingt et unième siècle : apprendre, Région Nord Pas-de-Calais CUEEP, 2003, 16 p. — L’éducation non formelle : un territoire éducatif, des modes d’apprentissage à valoriser pour développer l’éducation et la formation tout au long de la vie, Région Nord Pas-de-Calais CUEEP, 2003, 134 p.
Films : Voyage autour d’une structure d’accueil : La Mission Locale de Grande-Synthe, CNDP, Paris, 1985. — Bertrand Schwartz, Le monde appartient à ceux qui écoutent, (Avec Daniel Grégoire), 1995.

SOURCE : Gérard Mlékuz, Écoute le temps qui marche sur le sable… Ou chronique d’une réconciliation annoncée, réflexion autobiographique, 1990.

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