Par Claude Pennetier, Julien Lucchini
Née le 30 octobre 1917 à Petrograd (Saint-Pétersbourg, Russie), morte le 15 février 2006 à Palmer (Alaska, États-Unis) ; chanteuse ; résistante, membre des Forces françaises libres, compositrice du Chant des partisans.
Le père d’Anne Betoulinsky était un aristocrate fusillé par les bolcheviques. Au début des années 1920, sa mère immigra en France et s’installa à Menton (Alpes-Maritimes), où vivait une importante communauté russe et où la jeune Anna apprit la danse et la guitare (sa nourrice lui avait offert à ses treize ans son premier instrument). Influencée dans sa jeunesse par les chansons de Charles Trenet, Anna Betoulinsky se destina dès lors à une carrière artistique.
En 1934, elle gagna Paris et prit le nom de scène d’Anna Marly, patronyme qu’elle choisit au hasard dans l’annuaire. Elle dansa d’abord dans les Ballets russes de Paris, participa à plusieurs tournées à travers l’Europe, puis pour les Ballets Wronska où elle fut embauchée comme danseuse étoile. Dans le même temps, et désireuse d’embrasser une carrière dans la musique, Anna Marly se produisit dans des cabarets russes, s’inscrivit pour quelques temps au Conservatoire de Paris, et chanta dans le cabaret parisien Shéhérazade. Très vite, elle fut invitée à se produire à Bruxelles (Théâtre des variétés) ainsi qu’à La Haye, au Pays-Bas. Elle rencontra, dans ce pays, le baron Van Doorn, qui devint son époux en 1939. Le couple élut domicile à Paris. Cette même année, Anna Marly devint la plus jeune artiste répertoriée à la Sacem.
Après la débâcle, et tandis que l’armée allemande approchait de la capitale, Anna Marly et son époux décidèrent de fuir le pays. Voyageant clandestinement en Espagne, puis traversant le Portugal, ils gagnèrent finalement Londres en 1941. La ville était devenue le siège des Forces françaises libres (FFL), sous le commandement du général de Gaulle. Anna Marly s’y engagea comme volontaire et devint alors cantinière pour les FFL. Dans le même temps, elle se sépara de son époux, et devint projectionniste. Dans la foulée, elle intégra le théâtre des armées et prêta sa voix aux ondes de la BBC, notamment dans l’émission « Les Français parlent aux Français ». Elle commença également à chanter dans les cercles londoniens de la Résistance. Dans ce cadre, elle composa Paris est à nous ; Courage ; Tu appartiens à demain et même, en 1942, une marche à la gloire des partisans soviétiques de Smolenk, en russe.
Sur une de ses musiques, Joseph Kessel et Maurice Druon écrivirent Le Chant des partisans en mai 1943, œuvre dont elle avait déjà écrit des paroles en russe. La chanson passa à la BBC, devint l’indicatif de l’émission « Honneur et patrie » où elle passa régulièrement sous forme sifflée, afin de déjouer le brouillage des ondes par les Allemands. Éditée à Paris en 1945, interprétée par Jean Sablon puis plus tard par Yves Montand, la chanson devint un hymne de la Résistance en France et au plan international. Dans son exil londonien, Anna Marly avait également composé, sur des paroles d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, chef du mouvement de résistance Libération-Sud, la musique de La complainte du partisan, qui fut notamment interprétée, bien des années plus tard, par Joan Baez et Léonard Cohen.
Anna Marly fut elle-même saluée comme une héroïne à son retour en France. Elle écrivit pour Édith Piaf puis quitta le pays et vécut plusieurs années en Amérique du Sud. En 1947, au Brésil, elle rencontra celui qui devint son second mari, le Russe Yuri Smiernow. Elle vécut également un temps en Afrique, puis s’installa définitivement aux États-Unis, où elle composa plusieurs centaines de chansons.
Les hommages rendus à celle que l’on avait surnommée « le troubadour de la Résistance » furent nombreux. Le général de Gaulle souligna après la Libération qu’elle avait « fait de son talent une arme pour la France ». En 1965, elle fut décorée de l’Ordre national du mérite puis, en 1985, à l’occasion du quarantième anniversaire de la victoire des forces alliées, le président François Mitterrand la nomma chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur. L’année 2000 vit l’une de ses dernières apparitions publiques en France, à l’occasion de la célébration au Panthéon du soixantième anniversaire de l’appel du 18 juin, célébration au cours de laquelle elle interpréta son Chant des partisans. Après son décès, son nom fut donné à plusieurs voies et bâtiments publiques, parmi lesquels un square de Meudon (Hauts-de-Seine), une rue de Brest (Finistère), ainsi qu’à un jardin parisien et une rue de Nantes (Loire-Atlantique).
Par Claude Pennetier, Julien Lucchini
SOURCES : Anna Marly et al, Troubadour de la Résistance, Paris, Tallandier, 2000. — Sylvain Chimello, La Résistance en chantant, 1939-1945, Paris, Autrement, 2004. — Yves Borowice, Les Femmes de la chanson, Paris, Textuel, 2010. — Lettre de la Fondation de la Résistance], n° 44, mars 2006. — Sites Internet.