Par Daniel Grason
Né le 15 août 1923 à Paris (Seine, XXe arr.), mort le 2 mai 1990 au Château d’Olonne (Vendée) ; fraiseur, fraiseur outilleur, professeur d’enseignement technique ; militant communiste ; résistant ; déporté à Oranienbourg-Sachsenhausen (Allemagne).
Fils de Marie Mangard, piqueuse en chaussure, il fut reconnu dix jours plus tard en mairie de Bondy (Seine, Seine-Saint-Denis) par Henri Bertieau. Le couple se maria le 25 avril 1931, ce qui légitima l’enfant. La famille demeurait 6 rue Fontaine dans un pavillon dont elle était propriétaire. Enfant, malade des poumons ses parents le placèrent un an à l’établissement de Berck-sur-Plage (Pas-de-Calais), du fait de ses problèmes de santé, son parcours scolaire fut difficile. Très bon élève, il obtint à l’issue de l’école primaire son CEP, et était classé 4e du canton.
Il suivit une formation de fraiseur aux ateliers de Bondy à partir du 4 octobre 1937, rue de la Liberté. La direction lui fit une réputation de meneur auprès de la police pour avoir tenu des réunions dans un café avec d’autres apprentis. La direction le congédia le 29 mars 1939. Par la suite, il travailla un mois aux Établissements Valbonnet.
Le dimanche 4 août 1940, il distribuait L’Avant-Garde n° 16 de juillet 1940 sur le marché Galliéni de Bondy en compagnie de quatre jeunes communistes de la localité. Le tract ronéoté portait en manchette « Gloire à la jeunesse Soviétique ». Un marchand de fruits et légumes, alerta la police. Il fut arrêté par des policiers du commissariat de Noisy-le-Sec, ainsi que : Henri Guenet, dix-huit ans, soudeur ; Robert Douvillez, trente-trois ans, menuisier ; Marcel Moroy, dix-neuf ans, manœuvre, et Robert Massiquat, vingt ans, mouleur.
Conduit au Dépôt, il était conduit à la Santé le 6 août, puis le 17 octobre à Fresnes. La 15e Chambre correctionnelle le condamna à six mois de prison sans sursis pour infraction du décret du 26 septembre 1939. Sa mère très affectée écrivit le 11 janvier 1941 à Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne à Paris. Elle relatait les difficultés auxquelles il fut confronté durant son enfance : « Hélas, je n’ai jamais fait attention à la politique estimant qu’il avait le temps de voir clair plus tard. Je vous supplie de me faire rendre mon fils ; s’il y a un coupable c’est moi mais n’ayant jamais entendu parler politique chez nous, je n’ai pas compris, je vous prie arrêtez-moi mais rendez la liberté à mon petit qui est malade ».
Désiré Bertieau sortit de la prison de Fresnes le 15 février 1941 retourna chez ses parents. Il travailla comme terrassier aux chantiers de Bondy. Ce chantier dépendait du commissariat de la lutte contre le chômage créé par le gouvernement de Vichy. Le mercredi 13 août 1941, il se rendit à une manifestation organisée par les Jeunesses communistes de la région Paris-Est à proximité du métro Havre-Caumartin pour protester contre la présence des troupes allemandes. Dès sa sortie de la station de métro, la police l’appréhendait, il fut emmené pour interrogatoire dans les locaux des brigades spéciales à la préfecture de police de Paris.
Avec beaucoup d’aplomb, Désiré Bertieau expliqua que la veille, il reçut par la poste à son domicile, une lettre signée de Tatave lui demandant de venir à 18 heures 30, ce jour au métro Havre-Caumartin. Il était écrit que « toute explication utile […] serait donnée » sur place, accompagné de la mention « À détruire immédiatement ». Il affirma qu’il ne connaissait ni Tatave ni les raisons de la convocation et que compte-tenu de son séjour récent en prison il se « serait bien gardé » de s’y « rendre » s’il avait connu la raison de cette invitation. Quant au poing américain trouvé sur lui, il le trouva tout à fait par hasard sur le chantier où il travaillait. La perquisition à son domicile fut maigre : un numéro de La Vie ouvrière du 14 septembre 1939 et un recueil de chansons révolutionnaires datant de l’avant-guerre.
Détenu au Dépôt, Désiré Bertieau demanda le lendemain vers 21 heures 40 à aller aux WC, il ouvrit une petite fenêtre donnant sur l’extérieur, descendit par un échafaudage sur la chaussée, heureux hasard. Un policier fit un rapport, il mentionna que les waters étaient sans éclairage et que la fenêtre n’était pas grillagée.
Lors de cette manifestation du 13 août 1941, les policiers avaient arrêté dix-sept jeunes dont une jeune fille, Odette Lecland, future Odette Nilès ; ils adressèrent la procédure et les scellés au conseiller Karl Boemelburg commandant SS-Sturmbannführer qui dirigeait la SIPO et la Gestapo sur le territoire français. Le 23 août les seize jeunes encore détenus comparaissaient devant une cour martiale allemande, siégeant rue Saint-Dominique à Paris (VIIe arr.).
Trois d’entre eux furent condamnés à mort pour « intelligence avec l’ennemi » : André Sigonney, Raymond Justice et Jean-Louis Rapinat, qui furent fusillés le 26 août 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine).
Émile Grout, Marcel Ancelin, Daniel Chandon et Rémy Toutin furent condamnés aux travaux forcés à perpétuité pour" avoir favorisé l’ennemi ", ainsi que Désiré Bertieau qui lui fut condamné par défaut. Émile Grout mourut le 27 octobre 1941 à la prison de Rheinbach (Allemagne).
Les neuf autres jeunes furent acquittés, mais internés administrativement. Parmi ces derniers Simon Bronsztein fut fusillé le 23 avril 1942 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) comme otage et le FTP François Marais fut fusillé le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien.
Un lieutenant de la Geheime Feldpolizei (GFP) dont l’un des services était installé av. de la Grande-Armée à Paris (XVIIe arr.) ordonna à la Brigade spéciale n° 1 de rechercher Désiré Bertieau. Le 6 décembre 1942, il était appréhendé, emprisonné à la Santé à Paris (XIVe arr.), à Fresnes (Seine, Val-de-Marne), puis interné au Frontstalag 122 à Compiègne (Oise). Le 28 avril 1943, il fit partie d’un convoi de huit cent soixante-seize prisonniers qui partait pour Sachsenhausen (Allemagne). Il travailla dans une usine du constructeur d’avions Heinkel, transféré à Natzweiler (Bas-Rhin), affecté au Kommando de Leonberg près de Stuttgart (Allemagne) où deux mille cinq cents détenus fabriquaient des pièces détachées pour avions Messerschmitt. Épuisé par le travail forcé, malade, il fut envoyé à Vaihingen devenu un camp de la mort, un mouroir. Transféré au camp de Dachau libéré en le 29 avril 1945 par l’armée américaine, Désiré Bertieau matricule 64594 fut rapatrié en mai 1945.
Désiré Bertieau a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Déporté interné résistant (DIR).
De retour à Bondy, il travailla, progressa dans son métier, il devint professeur d’enseignement technique au centre de formation professionnelle pour adultes à Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Père de quatre enfants, il épousa le 22 novembre 1965 à Bondy, Denise Bodeau, la famille demeurait 42 rue du Maréchal de Lattre-de-Tassigny. En avril 1968 se forma la Section de Bondy des déportés et internés résistants et patriotes, affilié à la FNDIRP, il en fut le secrétaire, l’association comptait quatre-vingt-cinq membres.
Il mourut le 2 mai 1990 en Vendée.
Par Daniel Grason
SOURCES : Arch. PPo. GA B12, 77W 1729. — Bureau Résistance GR 16 P 54324. — Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. — Vincent Duguet, Des Bondynois dans la Résistance, s. date. — État civil de Paris (XXe arr.).