GEORGES Jacques, Louis

Par Alain Dalançon

Né le 7 mai 1920 à Paris (XIXe arr.), mort le 14 novembre 2014 à Rochefort (Charente-Maritime) ; typographe puis comptable ; résistant ; militant communiste de Seine-et-Oise, du Val-de-Marne, du Val-d’Oise, de Paris et de Charente-Maritime ; responsable départemental de la FNDIRP ; frère de Pierre Georges dit colonel Fabien.

Dernier enfant de Félix Georges, ouvrier boulanger né à Rochefort-sur-mer (Charente-Inférieure), ancien combattant de la Première Guerre mondiale devenu militant syndicaliste de la CGTU et communiste, et de Blanche Gaillourdet, vendeuse, Jacques Georges avait deux frères et une sœur. Ni lui ni son frère Pierre Georges, nés après la guerre, ne furent baptisés comme l’avaient été son frère et sa sœur aînés, Daniel Georges et Denise, nés avant la guerre, ainsi que l’avait souhaité leur mère. Celle-ci décéda en 1928, à trente-neuf ans, des suites de la grippe espagnole contractée en 1919.

Comme ses frères et sœurs, son père l’inscrivit à la Fédération des ouvriers et paysans (pionniers communistes) de Villeneuve-le-Roi (Seine-et-Oise, Val-de-Marne) à l’âge de dix ans ; il y resta jusqu’en 1934, occupant la fonction de trésorier. En 1932, l’année du certificat d’études passé à 12 ans, il n’alla pas à l’école le 1er mai et tint avec son frère Pierre (alors âgé de treize ans) une sorte de piquet de grève à l’entrée de l’établissement ; cette année-là, leur père fut arrêté et emprisonné durant trois jours.

Après son certificat d’études primaires, Jacques Georges suivit une année de cours supérieur puis une année de cours complémentaire mais ne passa pas son brevet élémentaire à la fin de l’année scolaire et entra comme apprenti typographe à l’imprimerie du Réveil à Villeneuve-Saint-Georges. En 1935, il entra aux Jeunesses communistes à Paris (XIXe arrondissement), où résidait désormais son père. Tandis que sa sœur et ses frères aînés s’investissaient dans les combats communistes, il y apportait sa contribution. En juin 1936, faisant partie d’une chorale des JC, il alla chanter dans les usines occupées ; trop jeune pour partir dans les Brigades internationales comme ses deux frères, il collectait argent et boîtes de lait condensé pour les enfants des Républicains espagnols. Il essaya pourtant de se faire engager à l’été 1938 en se rendant jusqu’à Cerbère (Pyrénées-Orientales) en auto-stop mais fut refoulé. À l’occasion de la grève du 30 novembre 1938, avec une camarade des Jeunes filles de France, il lança des tracts depuis le balcon du cinéma de l’avenue Secrétan (XIXe arr.) et fut arrêté par la police, passant sa première nuit au commissariat où son père vint le chercher le lendemain.

Jacques Georges était devenu secrétaire des JC dans son arrondissement en 1937 et adhéra au Parti communiste en 1938 dans la cellule Auguste Touchard. Après la déclaration de guerre, il perdit son emploi de typographe, son atelier à Ménilmontant ayant fermé et il retrouva un emploi d’ouvrier spécialisé aux usines de la CAPRA (Compagnie anonyme de production et recherches aéronautiques) où son frère Pierre avait trouvé du travail. Malgré la dissolution des organisations communistes consécutive au Pacte germano-soviétique, il poursuivit la lutte politique de son parti dans la clandestinité, en collant des papillons sur la voie publique, en imprimant et distribuant des tracts. Le 2 décembre 1939, il fut arrêté par le commissaire Roche chez sa belle-sœur, en possession d’un sac de tracts qu’il avait imprimés sur une ronéo durant la nuit. Son frère Pierre et ses deux belles-sœurs, Raymonde et Andrée, ainsi que son ami Rodier furent arrêtés en même temps. Si Pierre et son épouse Andrée bénéficièrent d’un non-lieu, lui resta interné à la prison de la Santé, dans des conditions d’isolement car il était encore mineur. Il fut évacué le 10 juin 1940, dans le cadre de l’« exode pénitentiaire » jusqu’au camp de Gurs (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques) où il parvint le 20 juin. Quatre mois plus tard, via le camp d’internement de Mauzac (Dordogne), il fut transféré à Périgueux (Dordogne), où il fut enfin jugé par un tribunal militaire et condamné à 18 mois d’emprisonnement, tandis que son ami Rodier et sa belle-sœur Raymonde étaient condamnés à un an (cette dernière mourut du typhus en déportation à Auschwitz en 1943, en même temps que Danielle Casanova). Il accomplit sa peine dans une prison de Nontron (Corrèze), fut libéré le 1er avril 1941 et assigné à résidence à Rochefort où vivait toujours sa grand-mère.

Jacques Georges vécut alors de petits boulots, épousa en janvier 1942 une rochefortaise, Marcelle Gros, vendeuse, connue en camping dans le cadre de l’auberge de jeunesse. Le couple eut après la guerre deux enfants, une fille née en 1946 et un garçon né en 1947.

Après divers contacts avec la Résistance, parrainé par son frère Pierre (dit colonel Fabien) qui était venu tenter de se cacher dans la région de Rochefort en 1942, et sans qu’il connaisse les conditions exactes de l’exécution de son père et de son beau-frère au mont Valérien, il fut désigné en janvier 1944 comme responsable du service de renseignements FTPF (Francs tireurs et partisans français) pour le département du Cher à Vierzon. Jusqu’en juin, parcourant la région à vélo, il recueillait des renseignements sur l’activité de la Wehrmacht et de la Milice, repérait les possibilités de sabotages ainsi que les collaborateurs.

Le 6 juin 1944, Jacques Georges entra dans la lutte armée comme sous-lieutenant FFI dans le groupe FTP Hubert du Cher en participant à la prise de Saint-Amand-Montrond. Pour échapper à la répression de la division Das Reich, son groupe continua le combat dans la Creuse où il fut blessé par balle à la jambe, le 8 juin à Tralafond. Après la libération de Vierzon et de Bourges, en septembre 1944, il commanda une compagnie d’Indochinois et fut quelque temps chef de la police militaire des FFI à Bourges qu’il quitta le 31 octobre.

Devenu lieutenant, il rejoignit alors le 1er régiment de Paris créé par son frère Pierre puis le 16 décembre, le tout nouveau 151e régiment d’infanterie que ce dernier commandait en Alsace. C’est lui-même qui retrouva les épaulettes de son frère attestant sa mort en même temps que celle d’une partie de son état-major dans l’explosion d’une mine anti-char, le 27 décembre, accident ou attentat dont les causes sont restées inexpliquées. Lors des obsèques, le général de Lattre de Tassigny l’informa qu’il s’apprêtait à signer l’arrêté d’élévation de son frère au grade de général.

Jacques Georges participa ensuite à divers stages de formation militaire ayant pour but de valider dans l’armée française les grades acquis dans les FFI (à Scey-sur-Saône, du 20 janvier au 28 février, à Rouffach du 1er au 29 mars 1945). Puis, à la tête d’une section, il fit la campagne de son régiment en Allemagne et en Autriche jusqu’à la victoire du 8 mai 1945. Il participa enfin au début de l’occupation de l’Allemagne jusqu’en novembre, étant divisionnaire à la 2e Division d’infanterie marocaine à Hinterzarten et fut reçu au brevet de chef de section. Il revint en France à Thionville mais quitta l’armée en février 1946. Il refusait en effet de suivre son régiment qui devait partir en Indochine. Convoqué au siège du PCF par Jacques Duclos qui voulait le convaincre de partir, il réitéra son refus et se vit signifier que son attitude était incompatible avec son maintien au parti.

Sans parti et sans travail, il revint à Rochefort, prépara par correspondance un diplôme de comptable qu’il obtint, ce qui lui permit de trouver un emploi sur place quelque temps puis de rejoindre Paris où il travailla comme comptable dans une entreprise du XIXe arrondissement jusqu’à sa retraite prise en 1980.

Sous-lieutenant de réserve en 1946, il devint lieutenant de réserve en 1948 et dix ans plus tard, refusa de partir en Algérie.

C’est en 1964, alors qu’il résidait à Sannois (Val d’Oise) où il militait à la Fédération des conseils de parents d’élèves, qu’il ré-adhéra au PCF, parrainé par Rol-Tanguy, tandis que son épouse y adhérait, parrainée par Léon Feix. Il fut ensuite secrétaire à la propagande et trésorier de la section de Sannois puis simple adhérent à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) de 1976 à 1983, année où le couple vint se fixer pour sa retraite à Rochefort (Charente-Maritime). L’un et l’autre adhéraient toujours au Parti communiste en 2012.

Jacques Georges militait également à la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes dont il fut le trésorier de la section départementale de Charente-Maritime de 1988 à 2010. Il fut également président fondateur de l’antenne départementale des Amis de la fondation pour la mémoire de la déportation, dont il était président honoraire depuis 2010. À plus de quatre-vingt-dix ans, il se déplaçait encore dans les établissements scolaires pour témoigner des sacrifices de la Résistance auxquelles sa famille avait payé un très lourd tribut.

Chevalier de la Légion d’Honneur, Jacques Georges était titulaire de nombreuses décorations (croix de guerre à l’ordre de la 2e D.I.M.), croix du combattant volontaire de la Résistance, médaille des internés politiques, médaille de la Libération, reconnaissance de la Nation, médaille des blessés).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140690, notice GEORGES Jacques, Louis par Alain Dalançon, version mise en ligne le 1er juin 2012, dernière modification le 18 mars 2015.

Par Alain Dalançon

La famille Georges à Draveil en 1925
La famille Georges à Draveil en 1925
Le père Félix (38 ans), sa femme Blanche (36 ans) et leur quatre enfants. De gauche à droite : Daniel, l’aîné (14 ans), Jacques, le benjamin (4 ans), Pierre (futur colonel Fabien) (5 ans) et la fille, Denise, (13 ans).
Cliché fournis par Jacques Georges
Clichés fournis par Jacques Georges

ICONOGRAPHIE : Permis de conduire militaire de 1944.

SOURCES : Renseignements et documents originaux fournis par l’intéressé. — Monique Georges, Le colonel Fabien était mon père, Mille et une nuit, 2009.

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