Par Jacques Girault
Né le 6 février 1906 à La Ricamarie (Loire), mort le 15 juin 1983 à Lyon (Rhône) ; instituteur en Ardèche ; militant syndicaliste de la FUE et du SNI ; militant socialiste.
Son père, d’une famille d’agriculteurs de religion protestante, installés en Ardèche, devenu ouvrier mineur à La Ricamarie (Loire), revint à Desaignes (Ardèche) après un accident du travail. Jean Mazabrard, élève du cours complémentaire de garçons de Lamastre, entra à l’École normale d’instituteurs de Privas en 1923. Il effectua son service militaire en 1927-1928 dans une unité d’infanterie coloniale. Membre de la Ligue des droits de l’homme comme Elie Reynier, son professeur à l’école normale, il se maria au temple, le 11 août 1928 à Lamastre avec Berthe Ponton, institutrice. Le couple eut trois enfants.
Jean Mazabrard et son épouse enseignèrent dans divers postes (Le Cheylard, Saint-Jean-Roure, Saint-Jean-Chambre), avant d’être nommés à Lamastre en 1935 où ils travaillèrent jusqu’à leur retraite en 1961. À partir de 1938, il enseigna les mathématiques et les sciences au cours complémentaire. Il fut dès 1935 le secrétaire du Sou des écoles laïques à Lamastre.
Jean Mazabrard adhéra au syndicat de la Fédération unitaire de l’enseignement de 1928 à 1932 et au groupe de jeunes, puis rejoignit la section départementale du Syndicat national (CGT), après la campagne anti-socialiste des dirigeants de la CGTU, convaincu par Prosper Crumières, directeur du cours complémentaire du chef-lieu du canton de Vernoux, militant de la CGT. Membre du conseil syndical de la section départementale, il devint le secrétaire de la section de 1933 à 1936. Gréviste le 12 février 1934, il contribua à la difficile fusion syndicale dans le Syndicat national des instituteurs. Il ne participa pas à la campagne du SNI en septembre 1938 « Nous ne voulons pas la guerre » sans prendre position contre les accords de Munich. Gréviste le 30 novembre 1938, il fut sanctionné d’une retenue de huit jours de salaire. Avec son épouse, ils accueillirent, à la fin des années 1930, de nombreux réfugiés républicains espagnols et un antifasciste allemand.
Dans sa pratique pédagogique, Jean Mazabrard se servait des directives de L’École libératrice puis à Lamastre utilisait les revues de l’École moderne (Célestin Freinet) et participa à plusieurs stages sur les méthodes nouvelles.
Il adhéra au Parti socialiste SFIO en 1928. Il devint secrétaire de la section de Lamastre à la fin des années 1930, écrivait parfois des articles dans L’Ardèche socialiste.
Jean Mazabrard fut mobilisé en août 1939 dans un régiment d’artillerie coloniale à Nîmes (Gard). Initié à la Franc-Maçonnerie dans la loge du Grand-Orient « L’Humanité de la Drôme » en 1935, il fut révoqué le 1er février 1942 (par arrêté du préfet du 24 janvier). Il avait fait une fausse déclaration, ce qui lui valut une condamnation à trois mois de prison avec sursis. Il fut remplacé dans son poste par Pierre Rey.
Jean Mazabrard, affilié au début de 1942, comme la plupart des résistants de Lamastre, au mouvement « France-d’abord », devint en 1943 l’un des chefs des Mouvements unis de la Résistance dans la région de Lamastre sous le pseudonyme de « Pélican », en contact direct avec le responsable des MUR Drôme-Ardèche, Claude Alphandéry dit « Cinq-Mars ». Son épouse avait inscrit dans sa classe les deux enfants d’une réfugiée juive de Marseille, Yvonne Wertheimer. Celle-ci fut arrêtée par la feldgendarmerie, le 29 novembre 1943. Prévenue par des habitants de Lamastre, Berthe Mazabrard organisa la fuite de ses deux élèves et dissimula leurs cartables avec la complicité de ses élèves. Après avoir tenu tête à trois feldgendarmes, face aux « gendarmes français appelés à la rescousse, elle soutint qu’il n’y avait pas d’enfants Wertheimer à l’école » (Louis-Frédéric Ducros). Quand le 6 juin 1944, Lamastre fut libéré par les FTPF, Jean Mazabrard était l’un des principaux responsables du secteur B de l’Armée Secrète dans la région du Cheylard.
Après la guerre, réintégré dans l’enseignement, Jean Mazabrad militait au Parti socialiste SFIO. Secrétaire de la section de Lamastre, membre de la commission exécutive de la fédération socialiste SFIO, il intervint au congrès fédéral, le 23 février 1947, à La Voulte. Il quitta la SFIO en 1956 pour protester contre l’alliance avec le MRP qui favorisa l’élection de quatre députés de droite. Il resta dans la loge « Humanité de la Drôme » jusqu’en 1973.
Retraité, il vint habiter Valence.
Par Jacques Girault
SOURCES : Renseignements fournis par l’intéressé en 1975 et par son fils en 2011 et transmis par Michel Aguettaz. — Arch. OURS, fédération de l’Ardèche (note de Jean Battut). — Jean-Paul Mazabrard, Le syndicalisme enseignant en Ardèche 1930-1939, Institut d’études politiques de Strasbourg, 1982. — L-F Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, Valence, 1981. — Notes de Pierre Bonnaud.