MEDINA Joseph, Grégoire, Eusèbe, Quentin [écrit aussi MÉDINA].

Par André Balent, Jacques Girault, Pierre Grau

Né le 26 août 1910 à Céret (Pyrénées-Orientales), mort le 14 janvier 1975 à Lyon (Rhône, Ier arr.) ; instituteur, professeur d’espagnol puis principal de collège ; militant du mouvement catalaniste « Nostra Terra » (1937-1940) ; militant du Parti populaire français des Pyrénées-Orientales ; militant syndicaliste (Syndicat national de l’enseignement secondaire) et mutualiste (Mutuelle générale de l’Éducation nationale), après 1945.

Joseph Medina (années 1930). Collection privée
Joseph Medina (années 1930). Collection privée

L’état civil de Céret s’il indique que les parents de Joseph Medina étaient nés en Espagne ne donne aucune information sur leur localité d’origine. Toutefois, nous savons par Artur Bladé i Desumvila (1907-1995) — instituteur, journaliste, puis fonctionnaire de la Generalitat a Tortosa (province de Tarragone), combattant dans l’Armée populaire pendant la guerre civile, avant de devenir un écrivain de renom en langue catalane — que ses parents étaient originaires de l’actuelle Communauté valencienne, autre grande région de langue catalane en dehors de la Catalogne. Il passa son enfance à Céret, sous-préfecture du deuxième arrondissement des Pyrénées-Orientales, localité où les traditions catalanes étaient très enracinées. Par ailleurs bon élève de l’école publique française, Joseph Medina s’immergea naturellement dans les deux cultures.

Fils d’un cordonnier, Joseph Medina, âgé de trente-deux ans en 1910 qui signa l’acte d’état civil lors de la naissance de son fils, et d’Amparo Sanz âgée de vingt-six ans, Joseph Médina avait trois frères. Après avoir fréquenté l’école communale de Céret puis une des deux écoles primaires supérieures de garçons du département (Perpignan ou Prades), il entra à l’École normale d’instituteurs de Perpignan (Pyrénées-Orientales) en 1927 et obtint le brevet supérieur. Il fut nommé instituteur à Corneilla-la-Rivière (1930-1931) et résidait à Saint-Estève (Pyrénées-Orientales), localité du Riberal, proche de Corneilla-la-Rivière.

Classé « soutien de famille », Joseph Medina fut incorporé, le 25 octobre 1933, au 80e régiment d’infanterie (RI) en garnison à Castelnaudary (Aude). Le 15 novembre 1933, il entra, en qualité d’élève officier de réserve, à l’école militaire de l’infanterie et de chars de combat de Saint-Maixent (Deux-Sèvres). Nommé sous-lieutenant par décret du 11 avril 1934, il fut affecté au 173e régiment d’infanterie alpine stationné en Corse et rendu à la vie civile le 15 octobre 1934. Il revint alors s’installer provisoirement à Saint-Estève avant de résider d’abord à Prades pendant deux mois entre février et avril 1935 puis, entre le 13 avril 1935 et le 25 mars 1939 à Vinça (Pyrénées-Orientales), grosse bourgade du bas Conflent, proche de Prades, sous-préfecture du troisième arrondissement des Pyrénées-Orientales et principale localité du Conflent. Il y avait été nommé instituteur délégué pour enseigner l’espagnol à l’école primaire supérieure de Prades, y restant de 1936 à 1942. Il déménagea en mars 1939 à Codalet (Pyrénées-Orientales) commune de l’agglomération de Prades,

À la sortie de l’école normale, Medina commença des études universitaires à la Faculté des Lettres de Montpellier et obtint une licence ès lettres (certificats de littérature française en 1931, de philologie espagnole en 1932, d’études pratiques d’espagnol en 1933 et d’études roussillonnaises). Après avoir effectué son service militaire en 1933-1934, il fut nommé instituteur délégué pour enseigner l’espagnol à l’école primaire supérieure de Prades de 1936 à 1942.

Medina se maria le 15 octobre 1934 à Pézilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales) avec Gabrielle Macou, pupille de la Nation par jugement du tribunal de Perpignan du 20 janvier 1919, employée des Postes née dans cette commune le 17 juillet 1910, fille d’Auguste, Pierre, Jean Macou (vingt-six ans en 1910), cultivateur tué pendant la Première Guerre mondiale et de Cécile, Marguerite,Thérèse Figuères (vingt-deux ans en 1910) sans profession. Le couple eut une fille.

Dès l’âge de seize ans, Joseph Medina écrivait des poésies en langue catalane, remarquées par Jean Amade, très lié au Vallespir, auteur de langue catalane et professeur de l’université de Montpellier, et Charles Grando poète catalan de Perpignan. Plusieurs d’entre elles furent publiées, notamment dans le quotidien Courrier de Céret et la revue mensuelle Art et Action (1938-1944) de René Grando*, frère de Charles. Il fut régulièrement lauréat des Jocs Florals de la Ginesta d’Or (Jeux floraux du Genêt d’Or) de Perpignan. Pour ce concours littéraire, il organisa une section enfantine (1937). Militant catalaniste, il adhéra à la Maintenance Roussillon-Catalogne du Félibrige (créée par Charles Grando en 1931), à laquelle il affilia une "Escola del Conflent" qu’il avait lui-même fondée. Il devint aussi un membre actif de l’association de la jeunesse catalaniste "Nostra Terra", fondée en 1937 par Alfons Mias. Ce groupement qui s’inspirait de l’expérience de la Generalitat, au sud de la frontière, envisageait le « catalanisme » dans des termes qui allaient au delà d’une action strictement culturelle et réussit à grouper des « jeunes » nés entre 1905 et 1918 venant d’horizons très divers de l’extrême gauche à l’extrême droite (Voir aussi : Bassède Louis, Grau Roger, Vassails Gérard). Medina fut un collaborateur assidu de Nostra Terra le bulletin du mouvement du même nom.

Avant la Seconde Guerre mondiale, Medina a-t-il adhéré aux syndicats d’enseignants de la CGT, comme nombre de ses collègues également membres de « Nostra Terra » ? Nous n’avons recueilli aucun témoignage oral ni aucun document écrit qui attesteraient cet engagement, par ailleurs vraisemblable.

Medina s’engagea au moment de la Retirada en faveur des intellectuels catalans dont certains trouvèrent un point d’attache temporaire ou durable à Prades. Nous savons par Artur Bladé i Basumvila, grand écrivain de langue catalane lui-même exilé, qu’il fréquenta ces réfugiés catalans de Prades regroupés autour du violoncelliste Pau [Pablo] Casals dont certains allèrent vivre ensuite à Montpellier. Il se lia d’amitié avec le philosophe Francesc Pujols (Barcelone, 1882-Martorell, 1962) au point d’en devenir, d’après le témoignage de Bladé, un admirateur et disciple, cette amitié expliquant pourquoi il eut, plus tard, l’intention de commencer une thèse de philosophie (Il obtint un diplôme d’études supérieures en 1943.)

Medina fut mobilisé comme lieutenant le 3 septembre 1939. Affecté au 373e RIA, il gagna la zone des armées le 12 septembre. Affecté au dépôt le 11 décembre 1939, il fut démobilisé à Montmélian le 23 juin 1940 et revint à Prades. Ce régiment de réserve reconstitué en Corse le 27 août 1939, demeura affecté à la défense de l’île et ne prit pas part aux combats de 1939-1940 et fut à nouveau dissous le 3 août 1940.

Ses recherches historiques ayant pour objet l’histoire catalane furent principalement éditées dans Nostra Terra. Il rédigea une Histoire de Vinça qui resta inédite. Ses recherches historiques à vocation pédagogique se concrétisèrent par la publication d’un manuel à usage scolaire : Histoires du Roussillon, co-rédigé avec l’institutrice Denise Sicart (Perpignan, Imprimerie de L’Indépendant, 1942, 106 p.) et préfacé par l’inspecteur primaire Auguste Delfau. Ce dernier, Languedocien d’origine, devint après 1945 un animateur actif de l’Institut d’études occitanes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Delfau, « régionaliste » comme Medina, fut un soutien notoire du Maréchal Pétain. Le manuel, s’arrêtant au traité des Pyrénées (1659), était structuré en "vingt « faits significatifs » de l’histoire de Roussillon, situés avec précision, aussi bien par rapport à l’Histoire de la Province qu’à l’Histoire de la France ". Portant en exergue la devise " Connais la petite Patrie, pour mieux aimer la Grande ", ce livre, à la gloire de l’unité française, illustrait la mise en œuvre des directives de l’État français concernant l’enseignement de l’histoire locale.

Medina, adhérent du Parti populaire français de Jacques Doriot, présida à Prades, le 23 juillet 1942, une réunion des Cercles populaires français (PPF), sur le thème "Pour un ordre nouveau, le socialisme de la France de demain" où les orateurs, collaborationnistes locaux notoires adhérents ou non du PPF, ou syndicalistes ralliés à Vichy comme Édouard Chambon* — ex-secrétaire des Métaux de la région lyonnaise, ancien communiste passé au PPF — firent l’éloge de Proudhon, manifestèrent « la nécessité de la collaboration patronale et ouvrière », s’élevèrent « contre le libéralisme économique », flétrirent « l’hégémonie anglo-saxonne et les Juifs » (article article publié dans Le Roussillon, hebdomadaire de l’Action française des Pyrénées-Orientales, 1er août 1942). L’inspecteur primaire blâma Medina pour son attitude pendant la réunion. Le secrétaire départemental du PPF prit sa défense et protesta en écrivant au ministre de l’Instruction publique. Le nom de Medina figura sur les listes des adhérents du PPF dans les Pyrénées-Orientales avec la mention, « démission octobre 1943 ». Celle-ci intervenait au moment de son départ pour l’Eure-et-Loir. Nous ignorons s’il adhéra à une organisation du PPF de l’Eure-et-Loir. En effet, Medina quitta son département d’origine pour assurer les fonctions d’inspecteur primaire à Châteaudun (Eure-et-Loir) en 1943-1944. Cette nomination s’apparentait à une promotion. Il déclara plus tard avoir rejoint la Résistance armée en août 1944 ; mais ses états de service dans les FFI ne figurent pas dans les archives militaires. Il reprit un poste d’instituteur à Morville-les-Bois (Eure-et-Loir) ce qui constituait une rétrogradation.

Professeur délégué d’espagnol au collège moderne de garçons de Saint-Pons-de-Thomières (Hérault), Medina obtint une délégation de professeur au lycée de garçons de Carcassonne (Aude) en 1947. Après la guerre, il reprit contact, en dépit de son éloignement des Pyrénées-Orientales, avec Charles Grando avec qui il entretint une correspondance déposée à la bibliothèque universitaire de Perpignan et à ce jour non encore entièrement dépouillée. L’année suivante, il fut nommé professeur au lycée Carnot de Pointe-à-Pitre. Animant des activités périscolaires, il participa à la naissance de l’Académie des Jeux floraux de l’Hibiscus — réminiscence de celle du Genêt d’Or qu’il avait animée en terre catalane en compagnie de Charles Grando et de Jean Amade— qu’il dirigea. En outre, militant de la section départementale du Syndicat national de l’enseignement secondaire, il présida à sa création la section de Guadeloupe de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale.
En 1954, Médina obtint sa mutation comme professeur au collège moderne des Minimes à Lyon (Rhône) devenant conseiller pédagogique en 1959.
Mis à la disposition du Premier Ministre, Médina devint principal du collège Joss à Douala (Cameroun) en 1961. Mais il n’y resta qu’une année, obtenant le poste de principal du collège de Sartène (Corse) en 1962 puis ce celui de Sorgues (Vaucluse) en 1964, chargé de fusionner deux collèges d’enseignement général ce qui lui valut un conflit avec la municipalité et avec l’inspecteur primaire. Il devint alors expert à l’UNESCO au Congo Léopoldville puis à Kinshasa de 1965 à 1967.

Medina demanda sa réintégration en France, obtint en 1967 le poste de principal du collège de Saint-Ambroix (Gard). Avec le soutien des dirigeants de la section académique du Syndicat national du personnel de direction des lycées et collèges, il demanda sa retraite et quitta son collège sans attendre la réponse. Une « affaire Médina » commença. Mis en demeure de reprendre son poste sous peine de radiation, il fit valoir qu’il avait conservé son droit d’obtenir sa retraite à 55 ans et qu’il avait été nommé en 1967 principal d’un CES « contre ma volonté soutenue par le syndicat ». Il considérait avoir subi un déclassement et une sanction. Il prit un congé sans solde jusqu’à sa retraite, signant ses lettres « principal de lycée titulaire faisant fonction de principal de CES ». Il obtint sa retraite en octobre 1968.

Medina avait été élevé au rang d’officier d’Académie (décret du 27 juin 1953). À son décès, il résidait à Lyon, 10, avenue Cabias.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140824, notice MEDINA Joseph, Grégoire, Eusèbe, Quentin [écrit aussi MÉDINA]. par André Balent, Jacques Girault, Pierre Grau, version mise en ligne le 7 juin 2012, dernière modification le 21 janvier 2018.

Par André Balent, Jacques Girault, Pierre Grau

Joseph Medina (années 1930). Collection privée
Joseph Medina (années 1930). Collection privée

OEUVRES : outre le livre et l’article cités, huit articles d’histoire catalane et un article d’histoire littéraire médiévale roussillonnaise dans Nostra Terra (1937-1939) ; deux articles dans Lo Mestre d’Obres, bulletin des architectes roussillonnais (1934-1941) publiés en 1937 et 1938 relatifs à l’architecture médiévale ; un article de linguistique dans Tramontane, revue culturelle, Perpignan, n° 266-267, 1945 ; "Vieilles argiles catalanes", Art méridional, 37, septembre 1938, pp. 2-3 et
Le Coq catalan, 36, 1er octobre 1938.

SOURCES : Arch. Nat., F 17 / 27360. — Arch. dép. Pyrénées Orientales, 1 R 637, f° 1524 ; 31 W 220 (membres du PPF et des JPF, de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, septembre 1944) ; série J, fonds Camille Fourquet*. — Arch. com. Céret, état civil, acte de naissance de Joseph Medina avec mentions marginales. — Arch. com. Pézilla-la-Rivière, acte de mariage de Joseph Medina ; acte de naissance de Gabrielle Macou. — Bibliothèque universitaire de Perpignan, fonds Charles Grando, correspondances. — Presse syndicale. — Presse locale — Artur Bladé i Desumvila, Obra completa, 9e volume, Cicle de l’exili, III, L’exiliada, Segona part, Valls, Cossetània edicions, 2010, 368 p. [p. 89, 91]. — Pierre Grau, Introduction à l ‘étude du mouvement national catalan en France. Alfons Mias et les origines de « Nostra Terra », maîtrise d’histoire contemporaine, Université de Montpellier III – Paul Valéry, Gérard Cholvy (dir.), 1981, 147 p. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, Els alemanys fa (pas massa) temps, Prades, Terra Nostra, 1996, 424 p. [p. 338]. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, 400 p. [p. 124.]

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