PIQUEMAL Georges, Béranger

Par Michel Pigenet

Né le 5 juin 1896 à Pithiviers (Loiret), mort le 29 octobre 1981 à Talence (Gironde) ; mécanicien, conducteur de grues au port autonome de Bordeaux (Gironde), syndicaliste confédéré, trésorier de la Fédération CGT des Ports et Docks (1935-1946), membre de la commission exécutive (1948), délégué à la propagande (1950), secrétaire général, puis président de la Fédération FO des Ports et Docks, membre de la commission exécutive confédérale de Force ouvrière (1948-1952, 1954-1961).

Georges Piquemal naquit à Pithiviers (Loiret), le 5 juin 1896. Il était le fils de Joseph Piquemal, cultivateur, et de Joséphine Lacroix, sans profession.

Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, il était mécanicien conducteur de grues au port de Bordeaux (Gironde) dans les années 1930. Syndicalise confédéré, son rôle s’affirma lorsque à la suite de la démission de Pruilh, il fut élu, en décembre 1934, au secrétariat du syndicat du port autonome. L’année suivante, il assista, en septembre, au congrès de la CGT, puis, en décembre, à celui scellant la réunification des syndicats portuaires convoqué au Havre où il évoqua les problèmes de sécurité. Cette intervention lui valut d’être désigné délégué fédéral sur ces questions. Au lendemain des grèves de 1936, la commission exécutive de la Fédération des Ports et Docks, quelque peu dépassée par le gonflement soudain de ses effectifs, le désigna pour le poste de troisième permanent, avec le titre de secrétaire adjoint, créé en ces circonstances. Il rendit compte, au congrès de 1938, des initiatives fédérales en matière de sécurité, mais expliqua que le ministère du travail n’avait pas donné suite aux interventions syndicales. Il se prononça en faveur du choix de délégués ouvriers qui, rémunérés par les pouvoirs publics, coopéreraient avec les inspecteurs du travail. Les congressistes confirmèrent sa désignation comme permanent et sa présence au bureau fédéral en qualité, cette fois, de trésorier.

Partisan de la majorité fédérale d’avant-guerre, il prit part, en 1939, à l’élimination des syndicalistes communistes à Paris et à Bordeaux. Lorsque l’état des finances fédérales ne permit plus d’assurer la paye de trois permanents, il se replia sur sa base girondine. Il ne continua pas moins de suivre les affaires de la Fédération. Celle-ci le proposa ainsi, en octobre 1943, pour siéger au comité social national provisoire de la Famille des Transports auquel il fut officiellement nommé le 19 janvier 1944. Il résidait alors à Talence (Gironde). A Bordeaux même, le directeur du port soutint son détachement au bureau central de la main-d’œuvre - BCMO - organisme institué par la loi de 1941 réglementant le travail dans les ports. Contrôleur d’embauche, il nia avoir été subventionné par l’administration pour effectuer des enquêtes sur les dockers et certifia s’être fait l’avocat des travailleurs. “ Je n’ai pas fait de miracle, concéda-t-il en 1946, mais j’ai surtout - et j’en suis fier - rendu service à tous les copains toutes les fois que j’ai pu le faire ”. De fait, c’est à l’unanimité que l’assemblée générale du syndicat du port autonome lui décerna, le 23 décembre 1945, un satisfecit pour son action en faveur de ses camarades, en premier lieu les retraités dont il était plus particulièrement chargé au sein du bureau syndical. Sa participation aux structures créées par Vichy fut un autre sujet de polémique à la Libération où ses adversaires communistes signalèrent son soutien à l’application de la Charte, le 12 février 1944, lors d’une session du comité national fédéral. Piquemal argua que cette position “ de principe ” s’était accompagnée de réserves. Dans son esprit, affirma-t-il, la Charte dont il certifia tout ignorer avant cette réunion, “ n’apporterait rien d’intéressant ”, mais il fallait préserver le syndicat si son application devenait obligatoire. Dès le 23 mars, ajouta-t-il, son syndicat exigea qu’il envoie une lettre rectificative demandant qu’il figure au nombre des abstentionnistes et que le procès-verbal de la séance soit modifié en ce sens. Après la guerre, fidèle à la “ politique de présence ” chère aux confédérés, Piquemal justifia et résuma son attitude passée par son refus “ de se mettre à l’ombre, à rester dans son coin, à critiquer, à penser ou à ne rien dire ”. “ Eh ! bien, moi, pendant quatre ans, je n’ai pas laissé courir. J’ai collaboré, si vous voulez, mais j’ai obtenu tout de même des avantages... ”, lança-t-il devant les délégués au congrès de mars 1946. La déclaration provoqua des remous. A la veille d’officialiser le renversement de majorité survenu dans la Fédération des Ports et Docks dès la Libération, les anciens “ unitaires ” ne ménageaient pas les cadres de l’ancienne équipe dirigeante Sur la défensive, cette dernière, incapable de définir une ligne cohérente en était réduite à spéculer sur l’absence de leader indiscutable chez ses adversaires. Dans une lettre privée à Lorriot, en date du 19 février 1946, Piquemal s’interrogeait : “ les cocos ont perdu leur chef d’orchestre [Tillon]. Qui vont-ils retrouver maintenant à sa place ?... ”. Désiré Brest rapportera ultérieurement comment, six semaines avant le congrès de 1946, on lui avait “ imposé le plus droitier des centre-gauche ” de la direction fédérale d’alors. “ Cela alla bien, précisera-t-il, vu qu’il était paresseux comme une couleuvre... ”. Qualifié de “ chevalier d’Aquitaine ”, Piquemal, exclu de son syndicat en mars 1945, “ serait bien venu se faire blanchir à la Fédération ”, ajoutera-t-il dans ses Mémoires.

Très durement attaqué, dès le début du congrès de 1946, par Dulong, le nouveau responsable du syndicat du port autonome, Piquemal, qualifié de “ monstre de subtilité et d’hypocrisie ”, assistait à la réunion de la commission des mandats au moment de sa mise en cause. Informé de celle-ci, il répliqua plus tard et forma le vœu qu’on lui permette de continuer à militer dans son organisation. Deux jours après ces incidents, le rapport financier qu’il présenta au nom de la direction sortante fut repoussé. Sans surprise, il disparut des instances fédérales.

Porté à interpréter ses déboires comme une “ revanche ” des communistes “ à l’exclusion que nous leur avions infligée en septembre 1939 ”, Piquemal prépara une reconquête qu’il estimait possible. A Bordeaux, notamment, certains salariés du port autonome lui témoignaient toujours leur estime et désapprouvaient la nouvelle orientation syndicale. Riche de son expérience locale et nationale, Piquemal apporta son concours à la création de Force ouvrière.

Délégué au congrès constitutif de la Fédération FO des Ports et Docks, en 1948, il entra à sa commission exécutive ainsi qu’à celle de la Confédération. Nommé, l’année suivante, délégué fédéral à la propagande avec Marcel Boucher et Georges Piquemal, il traita devant le congrès confédéral de 1950 des difficultés rencontrées par ses camarades pour développer une “ véritable syndicalisme ”.

A la mort, en octobre 1950, de Gabriel Gaussères-Duval, le secrétaire général de cette fédération, l’intérim fut assuré, dès février 1951, par Marcel Boucher jusqu’au congrès ordinaire suivant, tenu les 9 et 10 mai 1952. Au cours de ce congrès, ce fut Marcel Boucher qui devint secrétaire général. Mais Georges Piquemal, élu secrétaire fédéral, contesta tant les modalités d’organisation du congrès que le résultat des votes. L’affaire fut portée devant le comité confédéral national (CCN) de FO qui décida la tenue d’un nouveau congrès. Celui-ci eut lieu le 17 novembre 1952 et Georges Piquemal fut placé à la tête de cette fédération. Son mandat fut renouvelé en avril 1955, en mars 1957 et en février 1959.

Résolu à ne laisser passer aucune occasion de reconnaissance, il figura, en mai et juin 1951, au nombre des membres d’une mission de productivité aux États-Unis en compagnie de représentants patronaux de l’UNIM et de syndicalistes portuaires de la CGC et de la CFTC. Personnalité en vue d’une organisation dépourvue de troupes et de cadres, il accéda, en 1952, au secrétariat fédéral. Les relations se détériorèrent, cette année-là, entre la Fédération et la Confédération. Dans le même temps où cette dernière effectuait une enquête sur la situation intérieure de la première, Piquemal n’était pas réélu à la commission exécutive de la seconde. Craignait-on que la Fédération soit allée trop loin dans les contacts noués, sur fond de lutte anticommuniste et anti-cégétiste, avec la Fédération indépendante des Ports et Docks ? De fait, Piquemal et ses camarades jugèrent nécessaire de démentir publiquement l’existence d’un pacte d’unité d’action. Demeuré à la tête de sa Fédération, le militant bordelais réintégra la commission exécutive confédérale en 1954 où il fut constamment réélu jusqu’en 1961. Signataire de la convention collective des personnels des entreprises de halage des bateaux de la navigation intérieure du 9 novembre 1955 et de l’accord du 15 juillet 1957 sur les salaires des dockers conclu avec l’UNIM et les autres fédérations, il ne cessa de contester la prééminence cégétiste. Fort de ses relations politiques bordelaises et de celle de ses amis de la Confédération, il multiplia les démarches en vue d’arracher la désignation d’un représentant de FO parmi les trois salariés nommés au conseil d’administration de la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers. En vain. Toujours secrétaire général des Ports et Docks FO à la fin des années 1950, ses camarades l’honorèrent, à l’heure de la retraite, du titre de président de la Fédération.

Fin juin ou tout début juillet 1961, Jean Duniau (port autonome de Bordeaux) le remplaça au poste de secrétaire général et il fut nommé président honoraire. En mai 1978, il le fut encore.

Au plan international, Georges Piquemal participa, à partir de juillet 1952 à Stockholm (Suède) à différents congrès de l’ITF (Fédération internationale des travailleurs des transports). En 1952, il fut élu au comité de la section de la navigation intérieure de cette internationale professionnelle. En 1957, il occupa encore ce siège.

La Fédération FO des ports et docks cotisa à l’ITF pour 5.600 cotisants en décembre 1952 et pour 6.200 en décembre 1961.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141034, notice PIQUEMAL Georges, Béranger par Michel Pigenet, version mise en ligne le 5 février 2013, dernière modification le 2 septembre 2013.

Par Michel Pigenet

SOURCES : Archive nationales (CARAN) : F7 13711 ; F22 1968, 1972. Centre des archives contemporaines : 770770, art. 36 ; 820 599, art. 79 ; 920 251, art. 15 et 16. Archives de la Préfecture de police : dossier 63591. — Le Réveil des Ports de mai-juin 1936. — Force ouvrière des 15 et 29 avril 1948, 7 juillet 1949, 2 novembre 1950, 15 mai, 20 novembre 1952 et 2 décembre 1954. — Ports et Docks Syndicalistes de juillet 1972. — Congrès de fusion des syndicats Autonomes, Confédérés et Unitaires, Le Havre 13-15 décembre 1935, Imp. de l’Union, Le Havre. — Congrès de la Fédération nationale des Ports et Docks, les 27-29 janvier 1938 (Nantes) ; 19-22 mars 1946 (Paris) ; 13-14 juin 1962 (Paris) ; 22-23 juin 1966 (Paris). D. Brest, Mémoires (inédits), 1972. — Congrès confédéraux de la CGT de 1935 et de 1938. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 15 et 22 avril 1948, 7juillet 1949, 8 février 1951, 15 juillet 1952, 1er novembre 1956, 21 mars 1957, 5 mars et 23 avril 1959, 12 juillet 1961, 16 juin 1965, FO Hebdo, 24 mai 1978 — Comptes rendus des congrès confédéraux de FO de 1948 à 1961. — Michel Pigenet in Les voies et les facteurs de l’unité organique : les syndicats des Ports et Docks dans la seconde moitié du XXème siècle. — Arch. de la Confédération FO (Centre de documentation Gabriel Ventejol). — Report on activities for the years 1952 and 1953, 23rd congress, London, 16-24 july 1954, ITF, London. 1 Arch. de la Fondation Friedrich Ebert. — ITF Reports 1960-1961 and proceedings of 27th congress, Helsinki, 25 july- 3 august 1962, ITF, London. — Arch. de la Fondation Friedrich Ebert. — Notes de Louis Botella.
— Etat civil.

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