LOISEAU Bernard, Louis

Par Jean Limonet

Né le 24 janvier 1926 au Creusot (Saône-et-Loire), mort le 22 octobre 2006 au Creusot ; tourneur sur métaux chez Schneider ; jociste (1941) ; syndicaliste CFTC puis CFDT (1944-2006), membre du conseil fédéral de la FGM-FGMM ; permanent syndical, secrétaire général de l’Union régionale de la métallurgie en Bourgogne (1964-1972) ; membre du Parti socialiste, premier adjoint au maire du Creusot, membre du conseil communautaire de la CUCM, député de Saône-et-Loire ; président de la Mission locale du Creusot (1982), président national des Missions locales.

Issu d’une famille catholique, enracinée au Creusot depuis plusieurs générations, Bernard Loiseau grandit avec ses deux frères, Michel et Jacques, dans la maison construite rue de l’Yser par ses grands-parents. Son père, Henri Loiseau, était employé aux usines Schneider dans un service de comptabilité chargé des stocks des produits fabriqués ou en cours de fabrication.

Bernard Loiseau entra à l’école maternelle rue du 4 septembre, puis à l’école primaire Schneider, où tous les élèves portaient l’uniforme Schneider avec un képi d’une couleur différente suivant le niveau de la classe. Il obtint le certificat d’études primaire en 1938, puis prépara le concours d’entrée à l’École spéciale qui ouvrait la voie aux métiers d’employés. Il passa la première partie du concours en février 1940, mais ne put passer la seconde partie prévue en juin et annulée à cause de la guerre. Bien qu’il fût classé 31e – ce qui lui ouvrait les portes de l’École en octobre –, il n’y entra pas. Son nom avait été supprimé de la liste. Reçu par le directeur avec son père, il comprit qu’il devait à l’engagement de ce dernier, qui avait tenté de créer une coopérative en 1920 et avait adhéré à la CFTC, de ne pas pouvoir continuer des études. Cette injustice le marqua à vie. Il intégra alors le groupe des apprentis des ateliers Magenta, qui allait le conduire, après avoir obtenu le CAP de tourneur, à être embauché en 1943 comme ouvrier professionnel à la production.

Élevé dans le contexte creusotin, nourri par les récits des grands-parents sur l’histoire du développement industriel de la ville et des mines de minerais de fer de Mazenay, commune proche, et par les livres de la bibliothèque familiale, Bernard Loiseau passa sa jeunesse au contact des amis de la famille comme Édouard Morin*. Régulièrement, les conversations portaient sur les actions menées par son père et ses camarades syndiqués.

Ce fut dans ce cadre qu’il adhéra à la section Saint-Charles de la JOC en 1941. Il fut formé par Hubert Miget*, responsable de la section, composée alors de sept membres dont Jean Emorine* qui allait devenir son ami et beau-frère. Dès le début de l’année 1942, Bernard Loiseau devint responsable de la section, puis du secteur Saint-Charles, Saint-Eugène, Le Breuil et, enfin, de tout le canton Saint-Laurent, Saint-Henri, Montcenis. Il eut ensuite la charge de la fédération et fut président de la JOC de la zone Autun-Le Creusot, la vallée du Mesvrin et celle de la Dheune jusqu’à Saint-Léger, soit plus d’un quart du département. Cet engagement l’amena à rester en retrait durant « les années noires » pour assurer la continuité de la JOC bien qu’il eût souhaité rejoindre les mouvements de résistance. Il participa néanmoins à de nombreux actes de « résistance passive » à l’intérieur de l’usine, en particulier en ralentissant la production des blindages ou dans les ateliers de construction mécanique, réquisitionnés par l’occupant. Il fut également appelé à plusieurs reprises à faire équipe avec des secouristes après les bombardements aériens, notamment le 20 juin 1943, où il y eut 281 morts et plusieurs centaines de blessés, et durant une semaine à la gare de triage de Nevers en mai 1944.

Le 15 octobre 1944, Bernard Loiseau adhéra sans hésitation à la CFTC. Il y retrouva des anciens comme Georges Charnet*, Jean Simonnot*, Jean Gautheron* et de nombreux autres. Lorsque l’Union départementale CFTC, dont Robert Béduneau* était secrétaire permanent, se reconstitua en 1945, il fut élu à la commission exécutive dont il allait rester membre jusqu’en 1977.

Le 6 mai 1946, il fut appelé au service militaire et quitta la JOC, tout en s’engageant à poursuivre ses responsabilités syndicales. Il fut affecté au 61e régiment d’artillerie au camp de Valdahon, où il obtint le grade de maréchal des logis chef. Il fut libéré le 6 novembre 1947.

De retour à l’atelier de construction mécanique, Bernard Loiseau fut candidat aux élections des délégués du personnel. Élu en 1948, il allait assumer cette responsabilité jusqu’en 1964, année où il allait devenir permanent syndical et membre du bureau de l’Union départementale. Bernard Loiseau mena de front activités au sein de l’entreprise et participation à de nombreuses formations syndicales en Bourgogne et dans la région lyonnaise. En juin 1948, il prit part aux travaux de l’ENO (École normale ouvrière) au centre de « la Rivette », où il eut la surprise de rencontrer Joseph Folliet*, auquel il fera référence toute sa vie ; en 1950, pour la première fois, il suivit avec Jean Simonnot* une formation sur la sécurité dans l’entreprise à Bierville, où il allait souvent retourner et rencontrer Jean Lannes, Jean Maire* ou Jacques Delors pour débattre des questions économiques et industrielles.

À partir de son expérience militante, Bernard Loiseau fut élu et siégea au comité d’établissement, puis au comité central d’entreprise des usines Schneider de 1952 à 1964. Parallèlement, il participa, avec Jean Simonnot, alors président du syndicat de la métallurgie du Creusot et membre du bureau fédéral, aux travaux de la commission paritaire sur l’industrie auprès de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) à Luxembourg. Ayant constaté, entre autres, les dégâts de la guerre sur l’habitat, la CECA décida un programme de construction de nouveaux logements. Trois sous-commissions tripartites furent instituées pour l’ensemble du pays, la troisième couvrant le Centre Midi, Le Creusot, la Saône-et-Loire, la Nièvre, toute la région stéphanoise, Decazeville, Gardanne et les Alpes. Bernard Loiseau et un représentant de Saint-Étienne furent mandatés pour participer aux travaux. La construction d’une cité fut décidée à Torcy (Saône-et-Loire) qui disposait d’un terrain à l’entrée du Creusot. La cité porta longtemps le label CECA. Développant ses activités syndicales hors de l’entreprise, Bernard Loiseau réalisa de nombreuses formations en Saône-et-Loire, accompagnant de nouvelles implantations de la CFTC.

Depuis 1955, avec l’appui de l’Union des syndicats de la métallurgie CFTC de Saône-et-Loire, Bernard Loiseau participait régulièrement, à la tête des délégations de la CFTC, aux négociations avec les représentants du patronat de la métallurgie du département. Il signa des accords sur les salaires minimaux et obtint une convention collective de la branche. Il se fit aussi connaître au sein de la Fédération générale de la métallurgie (FGM) lorsqu’il entra en mars 1961, sur la proposition de Jean Maire, au conseil fédéral au nom de la branche équipement, mécanique. Il y resta jusqu’en 1974.

Rapidement, les dirigeants de la FGM poussèrent Bernard Loiseau à devenir permanent syndical régional pour la métallurgie avec l’objectif de développer le nombre d’adhérents, de permettre de nouvelles implantations, de soutenir les secteurs qui démarraient et de devenir le futur secrétaire général. Le 1er octobre 1964, il quitta son emploi à la Société des forges et ateliers du Creusot (SFAC) usines Schneider et devint permanent. Immédiatement, il organisa de nombreuses tournées pour soutenir le débat interne précédant le congrès extraordinaire de la CFTC et impulser la préparation d’une assemblée générale constitutive de l’Union régionale de la métallurgie de Bourgogne. Elle se tint le 30 janvier 1965 avec des représentants de la Côte-d’Or, René Dortel*, Jean-Louis Pivaty* de Dijon ; Jean Busseuil*, Gabriel Bulliot*, Camille Dufour de Saône-et-Loire ; Roger Bergin* de Nevers ; Noël Berry*, Hubert Rouau* de l’Yonne. La FGM fut représentée par René Carème*. Bernard Loiseau, élu secrétaire général, fit alors partie de la commission exécutive de la Fédération au congrès de 1968.

Il réussit l’organisation du congrès de la Fédération à Dijon en 1971. Une nouvelle fois, tous les syndicats de la métallurgie de la région se mobilisèrent pour que les centaines de congressistes, les invités français et étrangers, les représentants de la presse, les autres organisations syndicales et amies, puissent être accueillis dans les meilleures conditions. Ses amis syndicalistes du Creusot se mobilisèrent sur le regroupement en 1970 de la SFAC et des Chantiers et Ateliers des forges de la Loire (CAFL) en Creusot-Loire. L’action syndicale pouvait-elle avoir dans certains domaines des prolongements dans l’action politique ? C’était la période de la création du PS, et le PSU attirait de nombreux jeunes.

Souhaitant retourner dans l’entreprise et poursuivre l’action syndicale, Bernard Loiseau désirait également s’engager dans le militantisme politique. Il revint dans l’usine en septembre 1972 avec un emploi d’agent technique 1er échelon au service mouvement, dans un bureau l’isolant de ses anciens camarades. Il conserva le mandat syndical au conseil fédéral jusqu’en 1974 où il fut remplacé par Michel Marti*, désigné au nom de la même branche. À partir de 1973, il fut réélu délégué du personnel et désigné délégué syndical.

Membre du Parti socialiste, il se présenta aux élections municipales de 1977 sur une liste commune, composée de seize socialistes (dont lui) et quinze communistes. La liste était conduite par Camille Dufour, lui-même conseiller général du canton ouest du Creusot depuis 1976. La liste obtint la majorité avec 51,37 % des suffrages, mais fut invalidée par le tribunal administratif de Dijon, l’un des membres de la liste se trouvant alors en situation de règlement judiciaire et, de ce fait, dans une situation d’inéligibilité. De nouvelles élections furent organisées en juin 1978 et la liste de gauche l’emporta avec 64,12 % des voix. Bernard Loiseau fut confirmé conseiller municipal. Lorsqu’en 1977, Camille Dufour prit la présidence de la Communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines, il fut désigné par les conseillers municipaux pour faire partie des cinquante membres du conseil communautaire. Il allait y siéger jusqu’en 1995.

Persuadé que l’avenir professionnel des jeunes passait par l’obtention d’un emploi et une formation professionnelle, Bernard Loiseau impulsa avec Camille Dufour la création d’un comité local pour l’emploi, inauguré en décembre 1981. Le Creusot bénéficia d’une des Missions locales pour l’emploi, créées par ordonnance du président de la République le 22 mars 1982 sur la base du rapport présenté par le professeur Schwartz. S’appuyant sur le comité local qui venait d’être mis en place, Bernard Loiseau en devint le président délégué.

En 1983, il fut élu premier adjoint du Creusot à un moment où les difficultés entraînaient des pertes d’emplois. L’annonce en 1984 du dépôt de bilan de Creusot-Loire tomba comme un couperet. Bernard Loiseau se mobilisa immédiatement et de manière permanente pour limiter les effets catastrophiques d’une telle décision. Il contribua à mener la lutte qui allait déboucher sur le sauvetage d’un maximum d’emplois. Après l’éclatement du groupe Creusot-Loire sur le site du Creusot et sa division en secteurs de production spécialisés qui furent repris par Usinor, Framatôme, Jeumont-Schneider, il restait encore près de 1 000 salariés sans emploi. Grâce à la coordination entre les acteurs municipaux, syndicaux, économiques, la Mission locale, l’ANPE et l’Association pour le reclassement et la formation des anciens salariés de Creusot Loire (ARFAS), la presque totalité des salariés retrouva un emploi, avec le soutien de Jean François Gros* et Jean Brochot* (CFDT du Creusot), de l’Union régionale métaux de Bourgogne CFDT, animée par Gilbert Fournier*, et de l’ANPE.

Parallèlement à son action municipale, Bernard Loiseau, après un large débat au sein des sections du PS de la circonscription, fut appelé comme candidat suppléant d’André Billardon aux élections législatives de 1981. Il en fut de même aux élections de 1988. À cette date, il prit part, au niveau national, aux travaux sur l’évaluation des Missions locales à la délégation interministérielle « Jeunes » que dirigeait Bertrand Schwartz, en lien Jacques Chérèque. Michel Rocard*, premier ministre, nomma Bernard Loiseau au conseil national des Missions locales en juillet 1990 et lui demanda de préparer le projet de statut du personnel. Il créa en 1997 l’Association régionale des Missions locales qu’il présida jusqu’en septembre 2000. Toujours en 1997, il fonda avec quelques collègues présidents l’Association nationale dont il devint président et la transforma en un syndicat d’employeurs qui permit de signer en 2001 la convention collective des personnels des Missions locales.

À l’occasion de la nomination d’André Billardon comme ministre délégué à l’Énergie auprès de Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’Économie, en octobre 1992, Bernard Loiseau devint député. À l’Assemblée, il interpella Martine Aubry, ministre du Travail, sur les Missions locales et l’avenir des jeunes. Il avait pris son fils Philippe comme attaché parlementaire. Son mandat parlementaire prit fin le 1er avril 1993, au terme de la législature.

Bernard Loiseau s’était marié le 1er avril 1948 dans sa ville natale avec Simonne Durand, militante jociste du Creusot. Il eut trois enfants : Jean-Luc (15 février 1949), Odile (30 mars 1952) et Philippe (24 juin 1964).

Pierre Joxe lui avait remis la Légion d’honneur le 22 décembre 1986.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141052, notice LOISEAU Bernard, Louis par Jean Limonet, version mise en ligne le 1er juillet 2012, dernière modification le 19 juillet 2012.

Par Jean Limonet

SOURCES : Archives syndicat CFDT du Creusot. — Archives interfédérales CFDT. — Archives de l’Association bourguignonne des amis du Maitron. — Écrits de Bernard Loiseau et entretiens avec la famille. — Interviews de militants. — Paul Vannier, Bernard Loiseau. Une vie militante, L’Harmattan, 2010.

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