LEMAIGNAN Michel

Par Bernard Giroux

Né le 28 avril 1921 à Pauillac (Gironde), mort le 20 juillet 2011 à Garches (Hauts-de-Seine) ; responsable national de la JEC (1940-1942), officier d’active de cavalerie (1942-1948) ; ingénieur (1948-1982) ; président de l’Association des cadres et dirigeants de l’industrie pour le progrès social et économique ; résistant.

Issu d’une famille de la bourgeoisie bordelaise, fils d’un ingénieur des Ponts-et-chaussées, Michel Lemaignan fut élevé dans la tradition catholique. Il fréquenta le collège libre Sainte-Marie-Grand-Lebrun puis la classe préparatoire scientifique du lycée Montaigne, en même temps que la faculté de droit de Bordeaux, où il obtint une licence (1939-1940).

« C’est la JEC qui est à l’origine de ma foi », témoignait-il au soir de sa vie (questionnaire de la Jeunesse étudiante chrétienne). Le mouvement d’action catholique, mandaté par l’épiscopat pour évangéliser le milieu scolaire, était en pleine croissance lorsqu’il y adhèra vers 1935. Il avait été fondé six ans auparavant par un groupe de jeunes normaliens accompagnés de quelques aînés de l’Association catholique de la jeunesse française, notamment de Paul Vignaux qui, comme Michel Lemaignan, avait été marqué par sa rencontre avec le père Antoine Dieuzayde.

Ce jésuite charismatique, ancien silloniste, était alors connu pour ses opinions sociales et faisait figure de « curé rouge » à Bordeaux. Dans ses interventions, il dénonçait la collusion entre l’Église et le capitalisme et appelait à bouleverser l’ordre établi au nom de la justice. Son apostolat était largement tourné vers la jeunesse. Aumônier régional de l’ACJF, il avait contribué au lancement du Secrétariat social du sud-ouest, des sections girondines de l’Union sociale d’ingénieurs catholiques (USIC), des troupes scouts et guides de France, du foyer étudiant Henri-Bazire et surtout du camp Bernard-Rollot, qui se tenait chaque été à Barèges (Hautes-Pyrénées). La fréquentation du père Dieuzayde et les moments partagés avec les jécistes transformèrent profondément la vision que se faisait Michel Lemaignan du monde et de la religion. Il fut convaincu que la foi n’avait de sens qu’incarnée dans une action vécue collectivement, mûrie par la prière et la fréquentation des sacrements, et tournée vers la transformation du monde. Avec Jean Dabezies et Roger Tandonnet, il fonda l’équipe fédérale de Bordeaux, prenant goût aux responsabilités et à la liberté.

Cette vie intense bascula en 1940. En mai, alors qu’il présentait les écrits du concours d’entrée à l’École polytechnique, il assista à l’entrée des troupes allemandes dans la « capitale de substitution ». Furieux, humiliés, ses amis jécistes et lui tentèrent d’embarquer pour Londres, avant d’y renoncer et de se replier sur Barèges où ils méditèrent sur les moyens d’œuvrer au redressement national. En septembre, Michel Lemaignan se rendit en vélo à Lyon. C’est là que s’était repliée l’École polytechnique au sein de laquelle il venait d’être admis. Il la fréquenta jusqu’en juin 1942. La promotion devint vite un lieu de fermentation de la Résistance. L’équipe nationale de la JEC qui s’était aussi réfugiée à Lyon en constitua un autre, le mouvement étant officiellement interdit en zone occupée. Michel Lemaignan l’intégra bientôt, prenant en charge les classes préparatoires (mai 1940-septembre 1942). Conformément aux directives de son secrétaire général, Maurice-René Simonnet, l’équipe se refusa à engager le mouvement dans la Résistance. Mais par son enseignement, elle la justifia intellectuellement et spirituellement, orientant nombre de ses membres vers des activités clandestines. Lemaignan, pour sa part, choisit la voie militaire. En juillet 1942, il rejoignit l’école de cavalerie de Saumur, qui ferma en novembre suivant, suite à l’invasion de la zone libre par la Wehrmacht. Après quelques mois d’incertitudes, il partit pour l’Afrique du Nord où il prit le commandement d’un régiment de cavalerie en septembre 1942. Il participa aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. Cette expérience lui valut la Croix de guerre et la Médaille des évadés. À l’issue du conflit, il servit encore la France deux ans, de juillet 1945 à avril 1947, comme agent du contre-espionnage à Berlin. Puis il gagna l’école de haute-montagne de Chamonix et – une fois diplômé – fut chargé de monter un centre d’instruction annexe à Cauterets, dans les Pyrénées. Il n’y resta que quelques mois, devenant, de janvier à juin 1948, l’aide de camp du général Augustin Guillaume, alors adjoint de l’inspecteur général de l’armée Jean de Lattre de Tassigny.

Les semaines qui suivirent furent l’occasion d’un nouveau basculement. Il quitta la vie militaire et entama une carrière d’ingénieur dans le cabinet d’organisation « Les ingénieurs associés » (1948-1951). Il occupa encore plusieurs postes d’encadrement avant de rejoindre la Compagnie française des pétroles en 1958. Il resta au service du groupe Total jusqu’à sa retraite, en 1982. Cette expérience professionnelle et ses convictions personnelles le conduisirent à présider l’Association des cadres et dirigeants de l’industrie pour le progrès social et économique, club de concertation entre hauts fonctionnaires et dirigeants des secteurs public et privé.

La rupture de 1948 fut aussi d’ordre privé. En août précédent, il avait épousé Jeanine Sarrailhé, ancienne jéciste niçoise. Ensemble, ils partagèrent une vie féconde, à l’origine de quatre naissances et d’engagements communs. Il s’engagea entre autres auprès des équipes Notre-Dame (1955-1985) dont l’aumônier national était le jésuite Roger Tandonnet, compagnon jéciste de la première heure. « La vie est belle », écrivait Michel Lemaignan en 1999, répétant encore l’antienne du chant de la JEC appris soixante-quatre ans auparavant. Il résumait à sa manière la joyeuse espérance qui éclaira une vie pourtant traversée d’événements tragiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141170, notice LEMAIGNAN Michel par Bernard Giroux, version mise en ligne le 13 juillet 2012, dernière modification le 23 avril 2013.

Par Bernard Giroux

ŒUVRE : Michel Lemaignan, J’avais vingt ans. Souvenirs de ma vie de soldat (1940-1948), Éditions Pour Mémoire, 1999, 98 p.

SOURCES : Messages aux militants de la JEC, février 1941. — Who’s who in France 1995-1996, Levallois-Perret, Éditions Jacques-Lafitte. — Réponse de Michel Lemaignan à l’enquête menée par la JEC (2006), archives de la JEC. — Entretien téléphonique avec l’auteur (2010).

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