LINDEPERG Gérard

Par Gilles Morin

Né le 1er mai 1938 à Rouen (Seine-Maritime), enseignant puis Inspecteur d’Académie ; militant syndicaliste du SNI et de la FEN ; militant socialiste du Rhône, puis de la Loire ; membre des directions fédérales du Rhône du PSU puis du Parti socialiste ; élu de Neuville-sur-Saône, Grigny, puis Saint-Étienne ; conseiller régional de Rhône-Alpes (1986-2004) ; membre du Conseil économique et social (1989-1998) ; membre du comité directeur puis du secrétariat national du Parti socialiste (1981-1994) ; coordinateur du courant Rocard (1988-1994) ; secrétaire de la fédération socialiste de la Loire (1993-1997) ; député de la Loire (1997-2002) ; vice-président de la Fondation Jean-Jaurès.

Gérard Lindeperg était l’aîné d’une famille ouvrière. Son père Charles Lindeperg, naquit en 1908 dans une famille paysanne des Vosges alsaciennes et s’engagea dans l’armée au sortir du service militaire ; sa mère, née Jeanne Marmorat en 1915 au Creusot, exerça successivement les métiers de femme de ménage, vendeuse puis aide soignante. Ses parents se rencontrèrent à Rouen où Gérard Lindenberg naquit, puis la famille vint s’installer au Creusot, berceau familial de la mère, où son père exerçait comme manœuvre aux usines Schneider. La famille n’avait pas de tradition d’engagement. Son père était patriote, votait gaulliste et chrétien peu pratiquant, ne s’intéressait guère à la politique. Baptisé, Gérard Lindeperg fit sa communion, mais athée dès sa jeunesse, il se définissait comme anticlérical, sans être antireligieux.

Après les études dans les écoles laïques du Creusot – primaires puis cours complémentaire –, Gérard Lindeperg intégra successivement les Écoles normales d’instituteurs de Macon, en 1955-1957, puis de Grenoble, en 1958, enfin de Lyon en 1959-1960. Il passa le bac philosophie en 1958, puis après une année de propédeutique (1ère année) à la Faculté de lettres de l’Université de Lyon, entra en 1960 à la section PEGC de préparation à l’École normale. Reçu premier au certificat d’études de fin d’EN, Gérard Lindeperg fut nommé dans un CEG de Lyon en 1960-1961, puis, de retour du service militaire, exerça de l’automne 1963 à l’automne 1972, comme PEGC, Lettres-Histoire-géographie. Il fut nommé au CEG de Neuville-sur-Saône. Étudiant sportif, il fit du rugby et de l’aviron durant ses études (club Schneider).

Ayant refusé de faire les EOR, Gérard Lindeperg fit son service militaire au 5e régiment de tirailleurs marocains, comme simple soldat durant 18 mois à Dijon en 1962-1963, finissant son temps comme 1er classe. Il devait reprendre des études à Lyon quinze années plus tard, en 1972. Il obtint une licence, réussit le concours des IPES et, après une maîtrise d’histoire en 1976 (sur les origines du PSU dans le Rhône), obtint le CAPES d’histoire-géographie. Il passa l’agrégation en 1977, sans succès, puis fut nommé professeur à Fontaines-sur-Saône, puis au lycée Jean Perrin de Lyon, enfin au lycée Albert Camus de Rillieux-la-Pape. Conseiller en formation continue à la DAFCO de Lyon au début des années 1980, il acheva sa carrière universitaire comme IPR, inspecteur d’académie, mis à disposition du Premier Ministre Michel Rocard* en 1988. Puis il devait être détaché à l’IUFM de Reims en 1993-1995.

Gérard Lindeperg fut tout d’abord un actif syndicaliste enseignant, adhérent à la FEN dès l’École normale. Il exerça des responsabilités au niveau départemental puis national. Élu au conseil syndical de la section du SNI du Rhône en 1964, il s’opposait aux deux tendances dominantes, Autonome et Unité et action, en défendant une orientation “Pour un syndicalisme de notre temps” (référence au livre de Gilles Martinet Le marxisme de notre temps). Le courant, proche du PSU, rassemblait dans le Rhône d’anciens membres de l’École émancipée, comme André Barthélémy et d’anciens autonomes, comme Raoul Chamarie, d’Oullins. Par delà les aspects corporatifs – ils voulaient desserrer l’étau des tendances et adapter le SNI aux mutations de la société –, ils proposaient d’articuler les revendications corporatives avec l’intérêt pédagogique. Le courant prônait le recours à une pédagogie « ouverte » avec la mise en œuvre de la responsabilité des élèves. Ils entendaient aussi tenir compte de l’évolution de la CFDT, dont ils voulaient faire un partenaire. Enfin, le courant se situait sur un plan plus politique dans une logique de « Front socialiste », contestant la division issue de la charte d’Amiens. La motion du Rhône fut présentée en 1965 au congrès d’Évian et Gérard Lindeperg y fut pris à partie par André Henry. Élu au conseil syndical du Rhône avec l’appui de Chamarie, dans les congrès ultérieurs, ils se retrouvaient en dehors des grandes tendances. La contestation de 1968 mit le courant dans l’actualité, avec la CFDT et l’UNEF, facilitant son développement : il s’étendit à plusieurs départements et s’affirma après 1968 dans le cadre de Rénovation syndicale (RS). Animé notamment par Jean-Claude Guérin et Guy Coq au niveau national, la tendance était représentée à la direction de la FEN et du SNI du Rhône, de 1966 à 1972. Gérard Lindeperg mena la liste RS aux élections au bureau national du SNI en 1970.

Gérard Lindeperg s’engagea en politique dans les Nouvelles gauches durant ses années d’études. Issu d’une famille non politisée, mais d’extraction populaire, il était attiré par les communistes, très puissants à l’EN et par leur influence intellectuelle. Mais il n’appréciait pas leur rigidité doctrinale et, en 1956, le choc de Budapest acheva de lui « ouvrir les yeux ». La guerre d’Algérie lui « interdisait » d’autre part d’aller vers la SFIO. Il recherchait, durant ses études, une autre formation de gauche. Aussi, lorsqu’il apprit la naissance de l’UGS, se présentant comme un parti indépendant et critique par rapport au stalinisme et combattant par ailleurs la politique de Robert Lacoste et Guy Mollet, il contacta Pierre Lavau, 48 heures après sa formation de l’organisation. Il adhéra donc à l’UGS en 1958 à Grenoble avec un condisciple. Puis, après la fusion avec le PSA, il fut adhérent de la première heure au PSU en 1960 à Lyon. Le jeune enseignant fonda une section PSU à l’École normale de Lyon et demanda à quitter l’internat pour pouvoir militer. Il le fit selon des rythmes inégaux. Absorbé durant deux ans par l’activité pédagogique, par la fondation de la Maison des jeunes de Neuville, enfin par la participation à un ciné-club, il milita moins sur ce plan. Il ne s’engagea pas dans la Franc-maçonnerie, à la fois parce que les femmes n’étaient pas admises et parce que des contacts l’avaient dissuadé ; il se méfiait d’un éventuel arrivisme.

Après son service militaire, en 1964, Gérard Lindeperg, nommé à Neuville-sur-Saône, reprit contact avec André Bathélémy*, secrétaire fédéral du PSU du Rhône. Il créa la section locale du PSU et entra à la commission exécutive fédérale du Rhône, où il assuma, par la suite, la fonction de responsable de la commission éducation. Tout en continuant à cotiser au PSU, il se mit en retrait en 1973, en désaccord sur sa position hostile au Programme commun. Il fit la campagne de Gérard Colomb* au 2e tour à Lyon. Mais, il revint militer au PSU en 1974, pour entraîner des militants du Rhône au PS au moment de la scission du parti. Avec André Chazalette et Suzanne Gerbe, il prit la tête du courant des Assises dans le Rhône, intervint au nom des anciens PSU aux assises départementales à Saint-Fons et fut délégué aux Assises nationales à Paris. Ils furent suivis par la totalité de la section PSU de Neuville et par les autres sections du canton. Élu à la commission exécutive fédérale du PS du Rhône, puis au bureau exécutif fédéral en 1977-1981, Gérard Lindeperg devint responsable du courant Rocard dans le département, et le structura, avec Chazalette, Renée Dufour, du cercle Tocqueville, membre du comité directeur au titre des femmes, Simone Saillard venue du Tarn, vice-présidente de l’Université, militante très laïque, René Fougères, professeur à l’INSA, syndicaliste CFDT. Selon une étude universitaire sur la fédération, cette arrivée de militant du PSU relança le conflit entre tendances. Quoi qu’il en soit, Frank Serusclat perdit peu après sa place de premier secrétaire fédéral du PS.
Animateur du courant Rocard dans le département, signataire du texte Rocard pour le congrès de Metz, Gérard Lindeperg fit réaliser à son courant un score supérieur au score national (29 % contre 20,4 %), leurs adversaires faisant front en dénonçant « la gauche américaine ». Élu au bureau fédéral en 1980, alors que les hommes de Charles Hernu prenaient le contrôle de la fédération, il participa au plan national à partir de 1979 à la commission éducative du PS à l’Assemblée nationale.

Dans la dynamique de la progression du PS, Gérard Lindeperg fut élu adjoint au maire de Neuville, Jean Machurat, en 1977. Premier adjoint, il suppléait souvent le maire absent. Il fut candidat sans succès aux élections législatives de 1978 et 1981 dans le Rhône (7e circonscription), puis subit la traversée du désert des rocardiens du début du septennat, dans le parti, mais aussi dans la FEN, oùGuy Le Néouannic fustigeait « la deuxième gauche ».

De façon quelque peu surprenante, c’est Jean Poperen*, élu du Rhône, qui signala Gérard Lindeperg à Michel de la Fournière, lequel le recruta pour le courant Rocard. En 1988, il fut désigné comme secrétaire national aux droits de l’homme, puis secrétaire national à la formation. Dans la deuxième partie des années quatre-vingt, il vit enfin sa carrière politique décoller, avec le retour au premier plan de Michel Rocard*.

Jean Poperen invita Gérard Lindeperg à Mérieux et l’invita à être candidat dans sa circonscription, qui venait d’être coupée en deux. Il déposa sa candidature devant les militants, mais Jean-Jack Queyranne, porte-parole du gouvernement, député sortant (comme ancien suppléant de Charles Hernu) posa sa candidature, après avoir quitté Villeurbanne. Gérard Lindeperg se retira alors et fut élu député suppléant de Gabriel Montcharmont, député du Rhône (1988-1993). Ce fut son avant-dernière dernière tentative électorale dans ce département. Pour consolider son implantation, il se présenta et fut élu conseiller municipal de Grigny en 1989-1992.

En 1988, Michel Rocard, nommé Premier ministre, fit de Gérard Lindeperg le coordinateur national de son courant, appelé alors pudiquement “les Amis de Michel Rocard”, alors que Jean-Paul Foncel s’occupait des clubs et Michel Hervé, maire de Parthenay, des élus. Surnommé le “préfet du rocardisme », il anima un courant alors très désorganisé, mit en place des réunions, avec ordre du jour précis pour structurer une nébuleuse aux origines diverses.

Déjà membre suppléant du bureau exécutif du parti en 1985, puis titulaire en 1989, Gérard Lindeperg entra au secrétariat national du Parti socialiste, chargé successivement des Droits de l’homme et des libertés en 1989-1990. Au dramatique congrès de Rennes de 1990, il prit la parole au nom du courant Rocard qui jouait un rôle d’équilibre fondamental alors que les héritiers de Mitterrand* se déchiraient. Il fut nommé secrétaire national chargé de la formation en 1990-1993, l’un des cinq membres du comité de coordination qui dirigeait le parti autour de Pierre Mauroy*. Lorsque Michel Rocard quitta Matignon en 1991, Gérard Lindeperg fut le porte-parole des rocardiens au secrétariat national, l’ancien Premier ministre reprenant la direction du courant.

Après la démission de Pierre Mauroy en janvier 1992, et l’arrivée de Laurent Fabius à la direction nationale du PS, Gérard Lindeperg devint numéro 2 du parti, chargé de la coordination. Sa fonction fut confirmée par le comité directeur du 15 juillet 1992. Si une pacification se produisit au sein de la direction, l’usure du pouvoir se confirma sur fond de scandales, et lors des expériences gouvernementales d’Édith Cresson et de Pierre Bérégovoy. Gérard Lindeperg démissionna du secrétariat national après la défaite du parti aux élections législatives de 1993. Jean-Paul Huchon reprit ses responsabilités, Michel Rocard devint secrétaire national au congrès du Bourget en novembre 1993 et Gérard Lindeperg fut nommé conseiller spécial auprès du 1er secrétaire. Après la défaite des élections Européennes, Rocard, tête de file socialiste démissionna et Gérard Lindeperg quitta la direction lors du conseil national du 17 juin 1994. Mais, il siégea toujours au conseil national, jusqu’en 1997.

Sa situation personnelle s’était stabilisée, lui permettant désormais de s’occuper à plein temps de politique. Déjà élu conseiller régional de Rhône-Alpes en 1986 (il conserva ce mandat jusqu’en 2004), Gérard Lindeperg fut nommé Inspecteur principal de l’enseignement technique et siégea au Comité économique et social de septembre 1989 à 1994.

Gérard Lindeperg désormais milita dans la fédération de la Loire, où le courant rocardien était puissant. Il fut y candidat aux élections législatives en 1993, qui furent l’occasion d’une défaite majeure des socialistes. Personnellement, il devança son concurrent communiste, mais ils furent éliminés tous deux pour le 2e tour. Il n’en poursuivait pas moins son implantation locale. Secrétaire de la fédération socialiste de la Loire de 1993 à 1997, il fut désigné comme tête de liste d’union de la gauche à Saint-Étienne en 1995 et 2001. Il y avait trois listes de gauche : celle de Sanguegolce (PCF), une liste Laforie (ex-socialiste) et celle de Paul Chaumat (ex-communiste, devenu réformateur). Au deuxième tour, il rassembla les trois listes, mais la droite l’emporta. Élu conseiller municipal, président du groupe socialiste, il devint leader de l’opposition municipale de 1995 à 2008. En 2008, il ne se représenta pas au conseil municipal.

En 1997, après la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac, Gérard Lindeperg fut élu député de la 1ère circonscription de la Loire et siégea à l’Assemblée nationale jusqu’en 2002. Parlementaire en mission à la demande de Lionel Jospin, il fit un rapport sur les acteurs de la formation professionnelle, publié à la Documentation française. La Giac-Industries (ex- manufacture d’armes) située dans sa circonscription ferma alors que les socialistes étaient au pouvoir, ce qui affaiblit sa situation locale. En 2002, il fut battu par un membre du Modem, Gilles Lartigue.

Gérard Lindeperg s’invertit par ailleurs dans des activités de formation militante et civique. Président-fondateur du Centre Condorcet, centre national de formation des élus socialistes, de 1992 à 2001, il fut membre fondateur en 1992, puis vice-président de la Fondation Jean-Jaurès en 2000 et occupait toujours cette fonction en 2012.

Marié en mars 1961, à Michèle, née Humbert, PEGC, née en 1941, père de deux enfants en 1981. Son épouse fut députée européenne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141184, notice LINDEPERG Gérard par Gilles Morin, version mise en ligne le 16 juillet 2012, dernière modification le 10 février 2021.

Par Gilles Morin

ŒUVRE : Les acteurs de la formations professionnelle, Documentation française, 2000 et Fleurs de givre, Éditions Actes graphiques, 2001. — Gérard Lindeperg, La Fédération du Rhône du PSU. Ses origines, son histoire jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie (avril 1960-avril 1962), Mémoire de maîtrise (dir. Yves Lequin), Lyon, Université Lyon 2, 1976, 246 p. — Avec la Loire. Mémoires (suite) 1992-2002, Éditions de l’Aube:FJJ, 2020, 371 p.

SOURCES : Arch. Nat., 581/AP/10 ; 19930578/4. — Arch. FJJ, 3EF78/2-5 ; 3EF81/1. — « Le Trombinoscope des régions, départements et DOM-TOM », La Gazette du Parlement, tome 2, Paris, 1991 et tome 1, Paris, 2000. — Lionel Grifo, Étude sur le Parti socialiste dans la région lyonnaise et dans le Rhône : la fédération du Rhône du Parti socialiste, 1971-1983, mémoire de Master 2, Université Lumières Lyon II, 2007/2008, 201 p. — Entretiens avec Gérard Lindeperg, 2012.

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